 |
Roger Charbonneau
N°2 Wing Signal Section - First Canadian Army Overseas
Affectation 6th Airborne |
Né en 1921 à Hull, province
de Québec, j'ai décidé de me porter volontaire en 1941. J'avais
alors 20 ans. Après 6 mois d'entraînement et quelques semaines de
congés, j'ai traversé l'Atlantique à bord du Queen Elizabeth et
suis arrivé en Angleterre en 1942. Mon unité était le Corps des
Signaleurs et je fus basé à Ashtead, à 45 miles au sud de Londres.
Mon travail consistait à réparer les dégâts causés aux centres de
communications par les bombardements allemands. Durant cette période,
j'ai suivi des cours sur les différentes catégories d'armement et
suis ainsi devenu un expert en explosifs.
En 1943, les bombardiers
allemands ne visant plus les terrains d'aviation, notre groupe fut
démantelé et je fus alors affecté à différentes divisions, selon
les besoins. Je fus finalement assigné aux quartiers généraux de
l'armée canadienne où je travaillais pour le Major Cato et le Capitaine
Sutcliffe, un britannique.
En mai 1944, je fus détaché
auprès de la 6ème division aéroportée britannique et confié à un
sergent (rang que je détenais également) afin qu'il me forme pour
les sauts en parachute. J'étais dans un camp près de l'aérodrome
de Brize-Norton et, en dehors de l'entraînement parachutiste proprement
dit, nous occupions nos journées à des exercices physiques militaires,
courses à pied et lecture de cartes topographiques.
Le 4 juin, dans l'après-midi,
nous avons été informés que l'invasion était pour la nuit suivante,
mais les mauvaises conditions météorologiques repoussèrent le moment
du départ de 24 heures. A l'issue de notre dernier briefing, on
nous a simplement souhaité " bonne chance " et nous sommes allés
nous préparer à l'aérodrome. Ce soir-là, nous embarquions à bord
des Dakota. J'étais en compagnie d'une douzaine de paras canadiens
et britanniques. Ce n'est qu'à ce moment que nous avons connu notre
destination : la Normandie.
Nous avons décollé aux alentours
de 23 heures et le vol s'est déroulé sans problème. C'était une
nuit sans étoiles et nous volions au sein d'une bonne formation
d'avions se dirigeant en divers points de la côte. Mes pensées étaient
tournées vers mes parents et je me demandais si je les reverrais
un jour.
La côte franchie, nous nous
sommes préparés pour le saut sans être pris à partie par la D.C.A.
allemande. Lorsque je passais la porte de l'avion et basculais dans
le vide, j'effectuais le deuxième saut de ma vie, l'enseignement
reçu ayant surtout été théorique. Nous étions le 6 juin 1944 et
il était environ 1 heure du matin. Le saut s'est bien déroulé pour
moi mais ce ne fut pas le cas pour bon nombre de mes camarades qui
se sont retrouvés dans les marais inondés et s'y sont noyés n'ayant
pu, à cause de leur équipement, se dégager à temps.
Après une marche d'une quinzaine
de minutes vers l'ouest, moi et mes camarades survivants sommes
parvenus au point de rendez-vous de la DZ et y avons rejoint les
18 hommes déjà présents. Après avoir rassemblé une partie des 55
hommes composant mon groupe, nous nous sommes dirigés vers le sud
afin d'accomplir notre mission : détruire un pont afin d'empêcher
les Allemands de rejoindre les futures zones de débarquement sur
les plages.
Guidés par une jeune française,
nous sommes arrivés au pont en fin de nuit. C'était un pont en pierre,
isolé, et il n'était pas gardé. Je me suis mis au travail, aidé
d'un autre homme, et nous avons placé les charges d'explosifs vers
le centre du pont. L'explosion créa une brèche d'environ 1 mètre,
suffisante pour empêcher tout passage ultérieur de renforts. Nous
avons alors commencé à creuser des tranchées et des trous individuels
afin d'adopter une position défensive sur la rive ouest et de nous
préparer à la contre-attaque allemande qui, nous le savions, ne
manquerait pas de survenir.
Dans la matinée, un groupe
de sapeurs nous rejoignit. Ils disposaient d'autres charges explosives
et purent terminer notre travail en agrandissant la brèche initiale,
rendant le pont complètement inutilisable. La mission initiale du
Jour J pour laquelle j'avais été formé s'achevait sur un succès.
Au cours de l'après-midi
et de la nuit suivante, nous avons dû subir les contre-attaques
allemandes organisées autour d'infanterie et de mortiers. Malgré
des pertes parmi mes compagnons, nous pûmes garder le contrôle de
cette partie Est de la tête de pont.
Le 9 juin, un officier britannique,
un autre sergent et moi-même recevions l'ordre de partir pour Juno
Beach d'où nous devions rembarquer pour l'Angleterre. Nous avons
donc laissé les autres près du pont et sommes partis en direction
des plages. Étant le seul de notre petit groupe à parler français,
je décidai de prendre l'initiative, ce qui déplut fortement à l'officier.
Mais, il était hors de question que je remette ma vie entre ses
mains, celui-ci étant plutôt un " pousse-crayon " et manquant d'expérience
de combat (il reconnut d'ailleurs un peu plus tard que j'avais eu
raison de prendre cette décision).
Notre progression en terrain
parfois hostile ne s'effectuait que de nuit afin d'éviter les patrouilles
allemandes. Dormant le jour cachés dans la campagne ou dans des
bâtiments de ferme, nous progressions la nuit ce qui nous permit
d'arriver sans rencontrer d'Allemands à la plage après 7 jours,
ou plutôt 7 nuits, de marche.
Là, je me suis présenté à
l'officier responsable de plage afin d'être consigné sur un bateau
en partance pour l'Angleterre. J'y rejoint mon Major et fut réassigné
en Normandie, plus précisément à Amblie, après une brève période
de repos.
Roger Charbonneau
Ce témoignage a été
recueilli grâce à la collaboration de la fille de Roger
Charbonneau: Ginette Charbonneau.
|