Le nom des communes de
St Lambert et de Neuilly la Forêt sont associées, suivant les ouvrages et les
références, au terrain A-11. Si l'emprise des terrains est bien sur St Lambert,
Neuilly la Forêt en est également très proche et très liée.
C'est le 27 juillet que le 832ème Bataillon du Génie de l'Air débuta les travaux
d'édification conformes au cahier des charges prévu pour le type de terrain réservé
aux chasseurs-bombardiers. C'était un des derniers dont la construction serait
entreprise dans le secteur. Il était dévolu au 474th Fighter Group du IX Tactical
Command équipé de P-38 Lightnings dont les éléments précurseurs arrivèrent le
1er Août, 5 jours avant qu'il ne soit déclaré opérationnel. Son activité fut courte
puisqu'un mois plus tard, le 5 septembre, les terrains furent rendus à leurs propriétaires.
Ses occupants furent très vite incommodés par la poussière qui s'infiltrait partout
ainsi que le rapporte Isham G.Keller, soldat appelé dans les services généraux
du Group, dans ses mémoires intitulées: "The 474th Group in WWII, An Enlisted
man's Observations". "…chaque matin à l'aube, la piste était enveloppée d'un brouillard
mélangé de particules brunâtres par les hélices tournantes. La poussière se déposait
sur la tables et s'infiltrait dans les draps et les vêtements.[…]…nous nous rendions
en camions à Isigny pour nous laver dans le canal. Mais l'eau saumâtre de celui-ci
nous rendait la peau plutôt poisseuse tant et si bien qu'au retour la poussière
soulevée par les GMC, tourbillonnant dans les caisses où nous étions assis, venait
se coller sur notre peau pour nous donner cet aspect qu'avaient les premiers jazzmen,
blancs grimés en noirs! […] Les haies étaient recouvertes d'un indescriptible
étalage de slips, chaussettes et sous-vêtements sur lesquels était déposée une
fine couche de poussière grise du plus bel effet. Les vaches venaient parfois
les renifler en flânant puis s'en éloignaient avec dédain…"
SOURCES
: USAF Historical Division Air University Department of the Air Force. The History
of IX Engineer Command. Airfield statistics annex. General Herbert W. Ehrgott,
USAF, Chief of Staff, IX Engineer Command
Le 474th FIGHTER GROUP
474th Fighter Group
428th Fighter Sq. code F5
429th
Fighter Sq. code 7Y
430th Fighter
Sq. code K6
A la fin du mois de juillet, le 474th Group
était le dernier Group de chasseur bombardier encore basé sur le sol britannique.
Il commencera à arriver le 5 août et finira son installation le 13, jour où
l'ensemble du Group fut regroupé sur A 11 à St Lambert/Neuilly-la-Forêt. Les
opérations aériennes avaient commencé le 9, le lendemain de l'arrivée des pilotes
et 4 jours avant l'installation du dernier échelon à Neuilly/St Lambert. Sur
le plan opérationnel, ce déplacement offrait l'avantage de mettre le 474th plus
près du front, un peu plus de 150 km par rapport à Warmwell.
Le
Group était entièrement équipé de Lockheed "Lightning". Durant la bataille de
Normandie le modèle en dotation était du type P-38 J ou L (qui fit son apparition
en juin 44) à moteurs Allison compressés de 1425 CV pour le J ou 1475 pour le
L. Avion assez décevant pour le rôle de chasseur d'accompagnement qui lui fut
confié au départ sur le front européen, il tint pourtant un rôle primordial
dans les opérations du Débarquement puis de soutien aux troupes au sol en Normandie.
En effet sa forme caractéristique amena le Haut Etat Major a prendre la décision
de lui donner le rôle de couverture à basse altitude des opérations terrestres
car, outre le fait qu'il était immédiatement reconnaissable par les servants
des batteries antiaériennes, la possibilité de mettre dans son nez un armement
puissant directement dans l'axe de vision du pilote en faisait, de plus, une
plate-forme de tir redoutable. Ce rôle de patrouilleur incessant évoluant sans
cesse à (très) basse altitude en fit bien sûr la terreur, non seulement des
fantassins allemands qui lui donnèrent le surnom de "diable à la queue fourchue"
("der Gabelschwanz Teufel"), mais également des civils pris dans la tourmente
qui les appelaient (qui les appellent encore pour ceux qui ont connu cette époque)
les "double queues". Le 474th squadron avait également en dotation, à son arrivée
en Normandie, des P-38 "Droop-snoot", c'est à dire en argot américain "pif coupé".
Il s'agissait de P-38 J dont on avait enlevé tout l'armement de nez pour y loger
(après en avoir modifié un peu la forme) des instruments de visée de bombardement
(viseur Norden) et un membre d'équipage tenant le rôle d'opérateur bombardier.
Le fighter devenait bomber. La structure de l'avion très robuste ainsi que ses
dimensions d'une part, et, les améliorations constantes apportées à son rayon
d'action et ses capacités d'emport de charges d'autre part, donnèrent l'idée
à l'état major de l'utiliser pour des bombardements à haute altitude plus lointains
qu'en soutien direct aux troupes. Capable d'emporter une tonne et demie de bombes
à une vitesse de 550 km/h bien supérieure à celle des bombardiers lourds de
l'époque, il pourrait effectuer des missions précises et ponctuelles dans un
délai beaucoup plus court avec l'économie d'une escorte de chasse tant à l'aller
qu'au retour puisqu'il volait au sein des P-38 "classiques" de la même unité.
Cette version de Lightning était reconnaissable à la bulle vitrée qui remplaçait
le canon de 20mm et les 4 mitrailleuses de 12,7 du P-38 de chasse. Il n'était,
par conséquent, plus armé une fois sa charge larguée mais on comptait sur sa
vitesse pour échapper à ses agresseurs. Les opérateurs de cette version étaient
la plupart du temps des transfuges d'unités de bombardement car ces fonctions
demandaient un haut degré de technicité.
Les P-38 du Group ont toujours porté des symboles géométriques sur les surfaces
verticales extérieures des empennages en signe de reconnaissance. Cette pratique
était également en vigueur dans de nombreux Groups, tant de la 9th que de la 8th
où cette tradition semble être née.
Ces figures étaient peintes en noir sur les avions non camouflés et en blanc sur
les autres. La lettre individuelle de l'avion était peinte en grande dimension
sur les surfaces verticales intérieures. Chaque squadron avait en outre une couleur
distinctive mais aucun document ne permet d'affirmer qu'elles étaient portées
en Normandie. Le noir (ou le bleu suivant les sources) pour le 428th, le rouge
pour le 429th et le jaune pour le 430th d'après le livre The 9th Air Force in
World War II par Kenn C.Rust. D'autres sources les placent autrement et l'observation
des insignes de squadron, où chaque silhouette d'avion, coloriée différemment
semble correspondre à une volonté de se distinguer des autres est donc révélatrice
de l'appartenance à tel ou tel squadron un peu comme le panache du temps de la
chevalerie. S'il en est ainsi, alors le rouge serait la couleur du 428th, le noir
ou le bleu (représenté en blanc pour des nécessités de lecture de l'emblème, comme
souvent en héraldique pour la représentation de cette couleur) pour le 429th et
le jaune pour le 430th Tout cela est bien difficile à trancher d'autant plus qu'aucune
photo couleur de cette période n'est parvenue jusqu'à nous. La seule certitude
-car tous les éléments concordent- concerne le 430th dont la couleur distinctive
était le jaune et la figure géométrique le cercle. Mais comme le disent les historiens
US ayant vécu à cette époque : Durant toutes les opérations du Jour J et les suivantes
les marquages de couleurs furent une exception dans les groups de chasse de la
9th contrairement à ceux de la 8th […] La raison tenait dans la nature même des
missions d'une Air Force Tactique qui ne requérait pas une identification de group
particulier ni de squadron à l'intérieur de celui-ci, ce qui était le cas dans
une Air Force stratégique évoluant en vastes formations. Au contraire, dans la
9th il était bien rare que l'importance de la formation excédât le niveau du squadron.
(The 9th Air Force in World War II - Kenn C.Rust - Aero publishers, Fallbrook,
Californie 1970).
Hall of Fame, 474th
Fighter Group
Un as au 429th squadron.
Le Group effectuait des missions de guerre depuis le 25 avril, mais il lui fallut
attendre l'après-midi du 6 juillet pour enfin enregistrer ses premières victoires
avec 3 Focke Wulf 190 sûrs et 5 probables. Le Lt.
Robert "Swat" Milliken indigné par l'attaque d'un FW 190 sur l'un de ses camarades
qui avait sauté en parachute était parti dans un piqué pratiquement à la verticale
pour le descendre et contraindre le pilote ennemi à sauter lui aussi en parachute.
C'était là la première de ses 5 victoires (4 FW 190 et 1 Me 109G) remportées entre
le 6 juillet et le 18 décembre 1944 en faisant un des rares pilotes de P-38 de
la 9th A.F. à accéder au rang d' "as" et aussi le dernier sur P-38 en Europe du
Nord
Première mission "Droop snoot"
le 22 août. C'est au 430th squadron emmené par le Lt Elwood niché à l'avant
d'un "droop snoot" qu'échut cette première mission de bombardement à haute altitude
effectuée par des chasseurs dans la 9th A.F. L'effet de surprise, couplé à celui,
particulièrement dévastateur de la concentration de bombes sur un petit périmètre
rendait ce genre d'opération rien moins que terrifiante. L'ennemi, habitué au
bombardement en piqué de ce type d'appareil, les voyant passer au-dessus de 10.000
pieds (3.500 m environ) ne réalisait que c'était pour lui que lorsqu'il distinguait
les bombes se diriger droit sur lui.
Un
photographe de LIFE en "Droop snoot" le 23 août sur Paris. Apprenant
la libération de Paris le 23, un photographe de LIFE fut autorisé à embarquer
dans un P-38 Droop Snoot du 430th Squadron escorté par 12 autres P-38 afin d'immortaliser
l'événement. Il désirait prendre des photos aériennes des troupes alliées victorieuses
entrant dans Paris et passant sous l'Arc de Triomphe. Cette mission était
un peu prématurée. En effet, il fut accueilli par les gros flocons noirs des éclatements
d'obus de la Flak lourde car le secteur était encore loin d'être sécurisé ! Les
Lightnings firent demi-tour sans demander leur reste mais celui du Capt. John
E. Hatch fut touché et les moteurs rendirent l'âme avant d'arriver à Neuilly la
Forêt obligeant son pilote à le poser sur le ventre, heureusement en territoire
ami. Le capitaine était sauf.
La
curée. Le 23 août, le colonel
Clinton C. Wasem, commandant du Group prit la tête d'un dispositif de 12 appareils
dont 11 provenaient du 428th Squadron qui décolla à midi pour effectuer une reconnaissance
armée dans le secteur Conches-Brienne-Elbeuf-Vernon et le long de la Seine. Ils
y trouvèrent plus de véhicules qu'ils en avaient vus jusque là en Normandie. Ils
détruisirent par mitraillage 31 camions et 2 chars. Une heure plus tard, 12
avions du 429th sq. ayant à leur tête le major Vernon L. Bowman, officier d'opérations
du Group, prirent l'air pour une mission identique sur le même secteur. Une cinquantaine
de véhicules furent détruits ou endommagés par mitraillage et bombardement mais
l'avion du major fut abattu et Bowman, blessé, fait prisonnier. A 16H30, le
428th reprit l'air pour une autre mission sur les forces ennemies en retraite
engluées sur les berges de la Seine. Un pont de bateaux fut leur principal objectif.
Lors de cette mission 2 P-38 furent abattus par la flak. John H. Greaves et Kenneth
C.Hetzel s'en sortient mais furent capturés et si Greaves parvint plus tard à
s'évader, Hetzel fut interné au Stalag Luft I jusqu'à la fin de la guerre.
Vers 19H00, le 429th reprit le relais avec 12 avions emmenés par le Captain James
B. Cobb pour parachever le travail de la journée et c'est près d'Elbeuf qu'ils
découvrirent cette fois-ci un autre pont de bateaux jeté sur la Seine. Aussitôt
le Captain Cobb piqua sur lui et l'atteignit avec ses 2 bombes de 500 livres.
Le capitaine reçut la DSC (Distinguished Service Cross). Le 14 juin 1945,
la PUC (Presidential Unit Citation) fut décernée au Group "pour son action de
première importance menée le 23 août 1944 par des attaques aériennes combinées
menées sans relâche tout au long de la journée sur les forces ennemies ayant réussi
à s'échapper de la poche de Falaise-Argentan en France...Au mépris des pertes
enregistrées, le 474th F.G. renouvela sans cesse ses attaques détruisant 151 véhicules
de transport, 2 ponts, 2 barges et un dépôt de ravitaillement, désorganisant ainsi
complétement le dispositif ennemi par des attaques particulièrement précises…"
Le "vendredi noir".
Le Major
General Hoyt Vandenberg qui avait succédé au General Brereton le 7 août
à la tête de la IX A.F. choisit la date du vendredi 25 août pour visiter A-11
et "ses résidents". A cette occasion, il était prévu de remettre des distinctions
à 25 pilotes signalés pour leurs exploits. Comme il est noté dans l'historique
du 428th Squadron, lorsque débuta la cérémonie, 24 P-38 (12 du 428th et 12 du
429th) avaient pris l'air avec la mission de bombarder les aérodromes de Château-Porcien,
Chambray et Tergnier dans le secteur Reims-Laon. Le capitaine Ernest B. Nuckols
du 428th était le chef du dispositif pour les deux unités. A 13H25, le contrôle
aérien signala qu'au moins 40 avions allemands étaient en vol au sud ouest de
Rouen. Cinq minutes plus tard, ils étaient dans les "9 heures" des P-38 sur
une trajectoire de 180° par rapport à eux et en dessous à 9.000 pieds (3.000
m). Grimpant
rapidement, ils prirent pour cible le 428th sq. C'étaient des Me 109. Peut-être
de la JG 6 qui venait d'être formée et qui indiquait dans son journal de marche
retrouvé après la guerre avoir perdu 16 appareils ce jour-là. Tous les belligérants
larguèrent bombes et réservoirs supplémentaires et se croisèrent dans un rugissement
infernal à 12.000 pieds (4.000 m). Dès lors le ciel s'emplit d'avions s'affrontant
en combat tournoyants, de traînées enflammées et de parachutes. Les Messerschmitt
qui étaient au nombre d'au moins 45 furent bientôt rejoints par plus de 20 Focke
Wulf 190 donnant à la Luftwaffe une supériorité de 3 contre 1. Tout l'espace
aérien au sud de Beauvais était envahi par l'affrontement jusqu'à ce que le
Capitaine Nuckols voyant d'autres 109 arriver par au-dessus, se résigne à donner
l'ordre de rompre le combat et de "rentrer à la maison" peut-on lire dans les
annales du 428th.
Le bilan des pertes était lourd pour le 428th : 4 appareils sur les 12 engagés
revinrent sur A-11. 3 tués au combat et 3 prisonniers. Seuls 2 pilotes réussirent
à éviter la capture et à rejoindre leur unité quelques jours plus tard.
Les pertes du 429th furent un peu moins lourdes. 9 avions sur les 12 purent
se poser sur A-11 mais leur chef, le capitaine Charles N. Holcomb, fut tué et
2 autres pilotes portés disparus .
21 victoires étaient cependant revendiquées (les allemands en avouaient 16).
Le Général qui attendit avec angoisse les survivants, se mit, dès que ceux-ci
descendirent de leur avion à distribuer les médailles avec ferveur.
Un contrôleur aérien pour la 2ème D.B.
Le 24 août 1944 vers 21h00 à hauteur d'Arpajon la 2ème D.B. a bénéficié d'un
appui aérien de 12 Lightnings du 474th qui étaient guidés par un autre pilote
de ce même Group, le 1st Lt James Doyle, ayant pris place à bord d'un char Sherman
de la Division pour assurer la liaison Air-Sol et c'est ainsi qu'il fut l'un
des tous premiers américains à entrer dans Paris.
"L'histoire
commence donc 2 semaines plus tôt lorsqu'un soir "au club" - en fait une tente
sur A 11- je spéculais avec le Major Hedlund et le Col. Wasem sur le fait que
les pilotes de combat feraient de très bons contrôleurs aériens. Ils trouvèrent
mon argumentation bonne et comme nous supportions, entre autres, la 2ème D.B.
française et que je parlais français, je me suis retrouvé, après que le colonel
ait eu l'aval de l'état major, aussitôt détaché auprès de Leclerc qui était
un général atypique pour lequel j'avais de l'admiration. C'était un ardent partisan
du support aérien et il ne pensait que du bien du P-38. Nous nous entendions
très bien et, dès le début, je participais aux réunions comme si j'avais été
membre de la Division. Un enthousiasme délirant avait frappé toute la D.B. à
l'idée de libérer la capitale de la France. J'ai donc été le témoin de cette
page d'Histoire en place de copilote d'un Sherman. J'ai appris à le conduire
et j'ai même participé à la réparation d'un train de roulement touché lors d'un
combat. J'ai dirigé les attaques en piqué et de soutien aux troupes au sol.
Les français appréciaient d'avoir un officier de liaison qui parlait leur langue.
Non seulement je pense avoir été le premier pilote à faire ce job mais encore
à être un précurseur dans le domaine car ensuite de nombreuses unités ont procédé
ainsi pour une meilleure coordination air-sol.
Visiblement les français ont bien aimé mon travail car j'ai reçu la Croix de
Guerre avec palmes."