La 9th U.S. Army Air Force en Normandie


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 A-8N* - Picauville

Une base très importante dans le dispositif allié.

Le cinquième bataillon du génie de l’air US à prendre pied sur le sol de France est le 826th EAB qui débarqua à Utah le 13 juin. Après avoir construit très facilement A-10 près de Carentan, une compagnie se dirigea vers Picauville pour y commencer les travaux sur le site suivant situé au nord-est de Pont l’Abbé. La piste fut construite en 36 heures. Pourtant le terrain était parsemé de petites mares ou points d'eau pour abreuver le bétail qui n’étaient guère décelables sur les photos aériennes. Les opérations de terrassement se déroulèrent sans ennuis majeurs, les hommes du bataillon étant des vétérans rompus à ce genre d’exercice qu’ils avaient accompli maintes fois en Angleterre déjà. Ils connaissaient parfaitement leur matériel et utilisèrent les pierres des maisons détruites aux alentours pour remblayer les trous d’eau avant de compacter et niveler le terrain avec de la terre rapportée. Ces installations étaient prévues pour accueillir 75 chasseurs bombardiers et 36 chasseurs de nuit britanniques.
Quelques jours avant le début des travaux, le Quartier Général, craignant que la boue ou la poussière gênent considérablement le trafic aérien avait décidé d’équiper maintenant ses terrains d’un revêtement à base de goudron appelé le Hessian Mat se présentant en rouleaux beaucoup plus légers et maniables que le SMT.

Une piste d’envol standard mesurait 1 524 mètres de longueur pour 36,5 mètres de largeur. Son revêtement exigeait donc la pose de 1 230 rouleaux de PHS et l’utilisation de 15 750 litres d’essence et d’autant de gas-oil.
Le PHS étant un matériau relativement léger, les bandes de revêtement pouvaient être posées à un rythme compris entre 4 et 6,5km à l’heure.
La pose de l’hessian mat s’effectue un peu comme une course de relais autour d’un stade pour des athlètes.
 
Le camion est conduit par un seul homme dans la caisse duquel 2 hommes s’occupent du dévidoir tandis que 2 autres aident à son approvisionnement. Sur la colleuse 2 autres hommes surveillent le niveau de solvant dans la cuve où est humectée la bande de revêtement hessian et le débarrassent de ses impuretés. Au sol 2 suiveurs avec des sortes de balais pour éviter ou aplatir les faux plis éventuels. 2 pelotons sont déployés sur toute la longueur de la piste à espace réguliers afin de mesurer avec des bâtons gradués la bonne largeur de pose et y remédier si besoin en tirant la toile à la main comme on le ferait pour un tapis puis en résorbant les poches si besoin est. Les sergents techniciens dirigent la manœuvre pour chaque peloton.
Dès qu’une largeur suffisante est réalisée pour le passage du Wobble Wheel roller, celui-ci est mis en œuvre de chaque côté pour lisser l’ensemble et bien aplatir les lignes de jonction avant que le solvant ne sèche.
Un autre peloton est chargée de verser du bitume chaud, au moyen de brocs ou, plus rarement, d’arrosoirs de 4 litres sur les joints transversaux et longitudinaux après le passage du Wobble. Le bitume est chauffé dans un distributeur d’asphalte et distribué aux hommes depuis des sortes de bouilloires remorquées par une jeep. Organisé ainsi, le travail de confection d’une piste standard de 1500 mètres se fait en 10 à 15 heures. Un temps chaud rend la tâche plus aisée car le PHS reste souple donc plus malléable plus longtemps. Par temps froid, les faux plis sont plus difficiles à aplatir et par temps humide, le travail est impossible car les collages ne prennent pas.
Un traitement antidérapant satisfaisant était obtenu en arrosant le revêtement de gasoil à raison d’un gallon pour une surface de 60 yards pour le rendre visqueux et d’étaler ensuite à la pelle du sable fin, le rouler avec un wobble wheel roller et enlever le surplus au moyen d’un GMC à compresseur Leroi sur lequel on branchait 4 pistolets à peinture faisant office de souffleuses servis par 4 hommes. Des balais rotatifs ont parfois été utilisés. Un camion de sable pouvait traiter 400 yards carrés à l’heure. Le traitement antidérapant était impératif en cas de pluie
Le PHS pouvait être recouvert de SMT ou de PSP pour en accroître la solidité. Il était aussi facile à réparer qu’à poser. Un balai, un seau de solvant et des morceaux de PBS étaient les seuls ustensiles requis pour effectuer les petites réparations. Les réparations plus importantes étaient réglées en enlevant tout ce qui était abîmé, refaire le sol et remettre des bandes nouvelles.

* N pour Night (terrain équipé pour le vol de nuit)

CODE
& NO
NAME OF AIRDROME AND COORDINATES
RUNWAY
DEVELOPMENT
INITIAL
CONST
DATE
INITIAL
OPERA-TIONAL
DATE
DATE OF
RELEASE
BY USAAF
MONUMENT
No
LENGTH
WIDTH
SURFACE
GRID
AZ
ENG
CDT
FOB
A-8
Picauville
T-284951 (LZ1)
1
5000
120
SMT
PBS
072°
826
Lt Col.
W. K.
Carroll
20-6-44
26-6-44
5-11-44
Click to see
SOURCES : USAF Historical Division Air University Department of the Air Force. The History of IX Engineer Command. Airfield statistics annex.
General Herbert W. Ehrgott, USAF, Chief of Staff, IX Engineer Command.

Le 405th FIGHTER GROUP

405th Fighter Group
509th Fighter Sq.
code G9
510th Fighter Sq.
code 2Z
511th Fighter Sq.
code K4

Symbolique :
Les blasons, tant du Group que des squadrons n’étaient pas officiels durant la bataille de Normandie et seul celui du 511th le devint le 12 février 1945. Quant à celui du Group, il est fort probable qu’il n’a existé sous la forme indiquée ci-dessus qu’après la guerre bien que de nombreux ouvrages le présentent comme existant durant le conflit. Il ne figure pas sur le répertoire officiel des blasons et insignes de l’USAAF. Il semblerait, à l’analyse de documents en notre possession qu’en Normandie seul l’éclair jaune sur fond rouge (thunderbolt) ait été représenté. Les insignes des squadrons indiquent bien l’appartenance première du Group à la catégorie du dive bombing, c’est à dire le bombardement en piqué.

     

Certains avaient adopté la pratique consistant à peindre les montants de verrière de la couleur du squadron. A la fin de la bataille de Normandie, quelques appareils arboraient également ces couleurs sur le nez. A la fin de l’été, les P-47 des 509th et 511th squadrons portaient sur le compensateur vertical de la queue (trim tab) parfois peint en noir ou de la couleur du squadron, la lettre d’identification du flight (A-B-C-D).

Le 18 juin le Lieutenant Harold T. Hersey du 511th FS est abattu par la flak aux commandes du P-47D-21-RE "Huckle de Buck", avion habituel du Maj. Paul E. Gardiner. Le Lieutenant Hersey est fait prisonnier, arrive à s'évader et regagne l'Angleterre au mois de septembre.

 

Historique du Group.

Le 405th Bombardment Group (Dive) est créé le 1er mars 1943 à Drew Field, Tampa, Floride. Le 15 août, il devient le 405th fighter Bomber Group, single engine (monomoteurs). Un Group de bombardiers comprend 4 squadrons contre 3 pour les chasseurs, les 4 squadrons initiaux sont donc refondus pour former les 509, 510 et 511th fighter bomber squadrons
Les 102 officiers et 805 hommes qui le composent vont s’entraîner très durement.
Début mars, après 10 jours de traversée de l'Atlantique à bord du Mauretania, le 405th Fighter Bomber Group arrive en Angleterre, à Christchurch (ALG-416) sous les ordres du Lt. Colonel James Ferguson.
Au cours du mois de mai, le 405th FG entreprend plusieurs missions de reconnaissance au-dessus du Cotentin. Fin mai le Lt. Colonel Robert L. Delashaw remplace le Lt. Colonel James Ferguson, transféré au IX Tactical Air Command. Le 30 mai 1944 le fighter-bomber group devient Fighter Group.
A partir du 6 juin, il appuiera au sol les troupes américaines débarquées dans le secteur d'Utah Beach avec comme principale mission la protection des côtes normandes des attaques de la Luftwaffe.
A partir du 10 Juin, les missions de bombardement reprennent avec, comme cibles, la station radar de St Vaast la Hougue et tout ce qui bouge dans la région de Cherbourg.
Le 22 juin les P-47 du 509th FS en vol pour bombarder Dreux abattent 3 Messerschmitt de la JG 26.
Le 29 juin, les dernières poches de résistance qui tombent une à une à Cherbourg n’empêchent pas la Luftwaffe d’être particulièrement active ce jour là , et 21 avions ennemis sont abattus sur l’ensemble du front de Normandie. Les P-47 du 509th Fighter squadron (code G9) et du 511th (code K4) se posent sur A-8 à Picauville, leur nouvelle base. Les 30 juin et 1er juillet, le 3ème squadron du Group, le 510th, les y rejoint, mais ce n’est que le 11 juillet que le group est déclaré être basé au complet en France. Il est le huitième groupe de la 9th Air Force à s'installer sur le continent sur le terrain ALG A-8. Le transfert des échelons roulants est effectué en bateau entre Southampton et Omaha Beach. La piste est orientée perpendiculairement à la côte et le décollage s'effectue en direction d'Utah Beach, vers l'Est, pour éviter de survoler à basse altitude la ligne de front très proche.
Le 25 juillet, le 405th FG participe à l'opération Cobra. La mission qui leur est assignée est la destruction des ponts, voies ferrées et nœuds routiers à l'est de Saint-Lô.
Le 28, 8 P-47 du 511th FS qui avaient décollé à 15H15 repèrent un convoi allemand dans la région de Cérences - Gavray – Villedieu les poêles et détruisent 67 véhicules. Le 510th FS et le 509th FS avec 12 P-47 arrivent dans le secteur peu après et détruisent respectivement 76 et 40 véhicules dont une dizaine de chars.
Cet exploit leur vaut les honneurs le lendemain, au cours d'une conférence de presse au QG de la 9th AF où ils sont cités comme le groupe de la journée du 28.
Au total, entre le 29 et le 31 juillet, le 405th FG aura procédé à plus de 300 sorties. Les pertes du groupe sur le seul mois de juillet sont de 11 pilotes portés disparus (MIA) et 4 certainement morts au combat (KIA).

 

A la fin du briefing les pilotes participant à l'opération coordonnent leur montre. Au premier rang les Majors Kinne, CO du 509th FS et Parcell, CO du 510th FS. Le Major Bruce F. Parcell (casquette avec housse) sera tué le 27 juillet dans le crash de son P-47 touché par la flak sur la route reliant Coutances à Saint-Lô.
 

Le mois d'août débute sous la pluie. Le manque de visibilité empêche les pilotes de repérer les cibles au sol.
Le 2 août, le 405th fighter Group est placé sous le contrôle du XIX TAC de la 9th Air Force chargé, sous les ordres du Général Weyland de couvrir l’avance de la 3ème Armée américaine (TUSA) en Bretagne et protéger le « goulot » d’Avranches encore sous la menace ennemie. En deux semaines, les troupes américaines sont aux portes de Brest.

A-8 accueille la RAF et devient un aérodrome de nuit.

Le 3 août, le plan pour la journée était de fournir une couverture aérienne aux 3 détachements blindés qui s’infiltraient en Bretagne. Malheureusement, les conditions météo particulièrement défavorables ne permirent qu’une activité aérienne très restreinte. Le 405th ne put en mener que 2, à chaque fois de 8 avions, qui lui permirent de larguer 3,5 tonnes de bombes sur des camions de ravitaillement. Un avion fut abattu. C’est également ce jour là que, lassé de subir les incursions nocturnes de plus en plus nombreuses des bombardiers de la Luftwaffe, l’état major du XIX TAC demanda au Haut Commandement de la 9th Air Force qu’il mît à leur disposition les Mosquitoes de chasse de nuit de la RAF. Afin de renforcer la défense anti-aérienne de nuit sur le Cotentin, deux Squadrons de la 2nd Tactical Air Force équipés de Mosquito XII et XIII, le 604 et le 264 arrivent respectivement le 6 et 11 Août à Picauville et sur A-8 qui a été aménagé pour le rendre opérationnel la nuit. L’appellation ALG A-8 va donc être transformée en ALG A-8N.

C’est dans les tous premiers jours du mois d’août que, venant de Scorton dans le North Yorkshire, le 142nd Airfield Servicing Squadron de la 2nd Tactical Air Force, formé en 1943, débarque son matériel sur Omaha. Attaché aux 264 et 604 squadrons, il était capable de rendre un aérodrome opérationnel en quelques heures, été comme hiver. Son matériel hétéroclite était chargé pour la plus grande partie sur des dizaines de plateaux Bedford de 3 tonnes, mais il y avait également 5 camions citerne pour l’essence aviation à 100 d’octane. Deux AEC Matador de 12000 litres chacun Et 3 Bedford de 4000 litres. Une sixième citerne, un Bedford, était rempli d’essence auto à 80 d’octane tandis qu’une septième contenait 2000 litres d’eau potable. Elle était équipée en outre d’une pompe à eau, d’un bloc de filtrage, d’un bloc de purification et de désalinisation. Les autres carburants, diesel, paraffine, TVO (tractor vaporising oil), glycol étaient contenus dans des fûts de 200 litres stockés sur 5 bedford 3T à plateau.
Il y avait au moins 50 véhicules des plus divers par LST en allant de la jeep aux camions cités ci-dessus, en passant par une remorque pour le pliage des parachutes, une remorque Commer équipée pour insuffler de l’air chaud pour préchauffer les moteurs d’avion par temps très froid, une remorque radio et une pour le radar. Celle-ci fut confisquée par le contrôle radar déjà en place sur le Continent. Il y avait aussi 2 station-wagons Ford, 2 Commer de 750 kg, 4 motos pour l’escorte des convois, une remorque pour le contrôle aérien, une grue mobile et 6 groupes électrogènes sur remorque (pour l’éclairage de entrées de piste notamment).
« Vous voyez le bazar pour débarquer et convoyer tout çà jusqu’à A-8 ! » ajoute John Farrow du 142nd AAS.

     

Le 604 squadron fut d’abord dérouté sur A-15 à Maupertus en attendant que les difficultés d’aménagement de A-8 soient résolues. Ils s’y posèrent finalement le 6 août.

C’est en février 1944 que le squadron fut transformé sur Mosquito. Versé dans la 2nd TAF, il fut chargé d’assurer, la nuit, la sécurité des forces expéditionnaires alliées au-dessus des plages et du terrain conquis. Période durant laquelle il obtint 15 victoires. En juillet, le squadron célébra sa 100ème victoire et le 6 août, venant de la base de Horne dans le Surrey, il fut le 1er squadron de chasse de nuit à se baser en France sur A-8 durant un mois avant de partir pour Caen-Carpiquet (B-17) en septembre.

Avec le Débarquement, le 264, qui avait été, tout comme le 604 versé dans le 85 Group de la 2nd TAF et tout en partageant la même base dans le Surrey, se vit attribuer les mêmes tâches. Le 10 juin, il obtint sa centième victoire. Mois durant lequel 13 avions allemands et un V1 avaient été abattus. En septembre, il fut basé sur B-6 puis rappelé en Angleterre, il ne fut réaffecté à l’A.E.A.F. qu’en décembre.

A son arrivée, le 142nd Field Squadron draine le terrain et fixe plus solidement le grillage car des sources ont refait leur chemin sous le revêtement, créant des poches en le soulevant. Il est maintenant utilisé à plein temps, les Thunderbolts parqués au nord et les Mosquitos au sud jusqu’à ce que, dans la nuit du 11 au 12 août, 2 Mosquitos se percutent prennent feu et endommagent assez sérieusement la piste. Une partie des P-47 du 405th Fighter Group quittent alors A-8 pour aller se baser sur A-14 à Cretteville. Rattachés au XIXème TAC et à la TUSA de Patton le 1er septembre, les P-47 encore stationnés sur A 8 quittent la Normandie pour Saint-Dizier (une partie du Group l’avait déjà quittée le 25 août pour A-37 près du Mans).

Outre son travail nocturne de chasse des intrus en maraude au-dessus de la Normandie, deux Mosquitos du 264 squadron débarrassés de leur armement mais équipés de matériel radio à très haute fréquence décollaient chaque nuit vers la Hollande avec, à leur bord un agent secret hollandais qui pouvait entrer en contact phonique avec des informateurs équipés, au sol, d’un radio-téléphone à ultra haute fréquence pouvant les renseigner sur les mouvements de troupe ennemis. L’insigne peint sur ces Mosquitos spéciaux était la représentation de trois sorcières chevauchant un manche à balai «triple witches» évoquant les 3 sorcières de Shakespeare dans Mac Beth. Le nom de code de ces opérations était «Black Mail» (chantage).
 

© Textes et illustrations: F. Robinard pour http://www.6juin1944.com - Tous droits réservés ©
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