Fin juillet, des techniciens du 819th bataillon du génie de l’air,
les «dozer devils» celui là même qui s’était
couvert de gloire en construisant le 1er terrain de secours sous le feu ennemi
sur les hauteurs d’Omaha, ce qui leur valut une Presidential Unit Citation
amplement méritée arrivent à Boucey en vue de trouver un
site pour la création de leur 5ème terrain! L’avancée
américaine en Bretagne et dans l’ouest de la France rendait nécessaire
l’implantation de terrains dans ce secteur, d’autant plus que des
poches de résistance ennemie continuaient (et continueront) à
combattre jusqu’à l’extrême limite de leur force. Trois
terrains seront construits dans la région. Celui-ci, mais aussi celui
de St James (A-29) et celui des Courtils dans la Baie du Mont St Michel (A-30),
terrain pour lequel nous n’avons pas pu retrouver de carte dans les archives
américaines.
C’est le lieu-dit «La Plaine
» qui fut retenu pour l’implantation du terrain. Les agriculteurs
furent priés de faire tout ce qu’ils pouvaient, aidés parfois
par des GIs, pour sauver leur récolte car arriva bientôt une véritable
armada d’engins alors inconnus chargés de raser toute forme de
végétation sur la future zone de manœuvre des avions. Les
travaux avancèrent très vite. La terre arable fut poussée
en tas assez loin des pistes pour être plus tard remise en place lorsque
le terrain serait rendu. Le revêtement était en PBS recouvert de
grillage SMT sur 3600 mètres, le reste (1400 m) restera en terre compactée.
Les alvéoles étaient espacées d’une quinzaine de
mètres les unes des autres et reçurent également un revêtement
en SMT ainsi que les taxi-ways.
Elle avait une longueur de 1525 mètres pour une largueur de 40 mètres.
Sachant qu'une bande de roulement en herbe de chaque côté de la
piste faisait 80 mètres. Donc la zone d'atterrissage faisait au total
200 mètres de large. A chaque extrémité de piste, un grand
terre plein grillagé lui aussi servait au regroupement des avions avant
le décollage. Cette piste était orientée ouest-est.
Le 819th Bataillon du Génie quitta Boucey le 14 septembre pour aller
construire une piste d'atterrissage à Vitry-le-François (A-67).
Le 26 septembre 1944, le terrain tout entier fût rendu à ses propriétaires
qui durent remettre le sol en état de culture. Tout ce qui avait fait
de ce endroit un terrain d’aviation fut abandonné aux cultivateurs
qui, comme partout en Normandie, se servirent des plaques bitumées pour
réparer provisoirement les bâtiments abîmés par la
mitraille et du grillage SMT qui fut découpé et distribué
pour en faire, qui, des clôtures, qui, des barrières ou bien encore
du fer pour armer le béton. Aujourd'hui rien ne subsiste de cet aérodrome.
SOURCES : USAF Historical Division Air University Department
of the Air Force. The History of IX Engineer Command. Airfield statistics annex.
General Herbert W. Ehrgott, USAF, Chief of Staff, IX Engineer Command.
Ci-dessous, descriptif plus précis
effectué par l’ABSA (Association Bretonne du Souvenir Aérien)
avec son aimable autorisation. : «A l'ouest "Le Tertre Burel" et à son extrémité
Est les abords de la ferme de la "Fougerais". Au nord de cette piste
principale avait été réalisée une piste de service
pour y stationner les véhicules incendie ainsi que le stationnement des
ambulances et les véhicules annexes des personnels médicaux. La
maintenance aviation y avait place avec groupes électrogènes.
Aux extrémités étaient positionnés les énormes
projecteurs adjoints de leurs propres générateurs. Cette piste
avait toujours un accès libre de circulation pour tous les véhicules.
Au nord prés de la voie ferrée furent organisés deux dépôts
d'essence. Au nord du village de la "Hacherie". Au lieu dit la "Grande
fontaine", deux grandes cuves préfabriqués furent installées
pour y contenir le carburant avion, plus proche de Pontorson mais toujours près
de la voie ferrée un dépôt, où s'entassait une montagne
de jerrican. Près du village de la "Hacherie", un témoin
raconte avoir vu une prison de barbelés où séjourna un
moment un soldat américain. Ce n'était pas spécifique à
l'A-28, on retrouve ces geôles sur tous les terrains. Entre la piste précitée
et le chemin de fer étaient installée des batteries de DCA (Défense
contre aviation) placées dans des encuvements creusés dans le
sol et pouvant atteindre un mètre. Une ceinture de DCA était également
installée dans la bordure sud proche de la piste du parking avion. Un
témoin raconte ce bruit terrible de ces batteries antiaériennes
se déchaînant quand des avions allemands s'approchaient. La population
proche, on peut facilement le comprendre, craignait ces attaques. De vraies
menaces pour leurs vies. Heureusement il n'en fut rien.
Les soldats du Génie renforcèrent les deux zones d'attente des
avions appelées hard-stand à chaque extrémité. Ensuite
et rapidement les travaux de construction de deux pistes parking avec emplacement
pour chaque avion furent créées au sud. L'espace entre chaque
parking avion était de 15 mètres. Le parking était également
recouvert de treillage acier et disposait de deux plots fixés dans le
sol avec un chaînage qui servait au maintien de l'avion lorsqu'il n'était
pas utilisé et quand les mécaniciens faisaient les essais moteur.
L'encrage sur l'avion était fixé sous chaque aile. Chaque matin,
très tôt, les moteurs tournaient, pour voir si tout était
normal à bord. Un témoin nous rapporte ce bruit intense de toutes
ces mécaniques fonctionnant ensembles suivies ensuite de ces décollages
pour une première mission. Les deux pistes sud étaient parallèles
à la piste principale. La plus au sud avec une desserte approchait le
cantonnement de la troupe. De nos jours une brèche d'une vingtaine de
mètres dans le talus d'un champ demeure le seul vestige visible de tout
cet ensemble.
Le cantonnement était installé au nord ouest du village du "Flechet".
Il était important et regroupait un grand village de toile. Un réfectoire
et une cuisine y étaient joints. Il comportait aussi un groupe directeur
des vols, qui assurait la sécurité de tout l'A-28. A 200 mètres
de ce camp existait aussi un dépôt d'essence en jerricans de dimension
moyenne. Toujours près du "Flechet" au lieu dit "l'Epine
Chesnel" un dépôt de bombes était installé dans
un champ clos de talus et plantés de grands arbres. Ces bombes de 250
kilos étaient disposées à même le sol sur une hauteur
de 1 mètre. Ce dépôt était approvisionné en
permanence. Un témoin raconte les colonnes de camions GMC sur la route
d'Antrain, souvent en double file, affluant vers l'aérodrome apportant
tout ce dont avait besoin l'ensemble. Au carrefour de la route d'Antrain et
de la route qui va au village du "Flechet" sur la gauche, dans un
champ était installé le dispensaire médical d'aviation.
Des médecins dont un chirurgien, aidés d'infirmières étaient
en attente pour les soins à dispenser si besoin. Il faut noter également
au nord du village du "Flechet" ce petit poste de MP. Soldats affectés
à la police militaire (Military Police) prévus pour le maintien
de l'ordre dans la troupe US. Le Poste de commandement était installé
au "Clos Houet" à l'ouest de la piste de desserte nord. Les
officiers de L'USAAF logeaient en ville mais en permanence assuraient à
tour de rôle leur travail au PC.»
Le contact avec les militaires Américains fut excellent et perdure toujours
dans la mémoire des témoins. On notait parmi eux des gens de couleur.
Quelques civils purent se faire soigner au dispensaire médical d’aviation.
Le 13 août, la population civile fut invitée à visiter l’aérodrome
avant sa mise en service. Impensable dans nos mentalités !
Le 15 août, sous un soleil radieux arrivèrent les premiers avions
en provenance de A-14 Cretteville. Il s’agissait des P-47 du 358th Fighter
Group, une centaine en tout, ce qui fit un vacarme étourdissant qui effraya
quelque peu la population. Cette frayeur se transformant très vite en
espoir d’une fin prochaine du martyre de la France. Une telle puissance
la rassurait en fait et lui donnait le sentiment qu’elle était
vraiment protégée et qu’il ne pouvait plus rien lui arriver.
Les officiers furent logés en ville à Pontorson. Un service de
jeeps avec chauffeurs assuraient leur transport depuis leurs hôtels jusqu’à
la base. Cela les changeait de Cretteville !
Dès
le 16 août les missions reprirent à un rythme très éprouvant
pour les pilotes. Le 25 août au petit matin les P-47 s’envolèrent
pour la région de Poitiers, Le Blanc et Châteauroux avec pour mission
le mitraillage systématique de tout véhicule ennemi aperçu
dans le secteur. De nombreux véhicules allemands furent détruits,
notamment deux camions citerne et deux voitures de commandement. Le but de la
mission était de tenter de couper la route aux nombreux convois qui remontaient
vers le nord dans une tentative de regroupement de leurs forces afin de faire
face à la menace de plus pesante sur les frontières du Reich.
En début d’après-midi deux missions de bombardement du port
de Brest n’obtinrent pas les résultats escomptés du fait
de la météo. Sur 16 avions, 12 rentrèrent à Boucey
sur ordre du leader. L'ALG fut opérationnel du 15 août au 11 septembre
44 jour où le 358ème FG s'envola à destination de Villacoublay.
Le 1er novembre pour leur passage dans la 1st TAF, ils prendront le surnom de
« orange tail » en peignant la queue de leurs avions d’une
brillante couleur orange qui n’aurait guère était prisée
dans la 9th habituée à opérer avec plus de discrétion.
Du 11 au 26 septembre quelques C-47 se posèrent à Boucey pour
récupérer des soldats américains blessés et les
amener vers des hôpitaux anglais.
Le 15 août 1944 fut un grand jour. En effet, tout d'abord la météo
était très clémente, mais aussi en milieu de journée
le ciel de Boucey vit arriver les premiers avions. Un témoin raconte...
Nous avons été attirés par le bruit de tous ces avions,
ils brillaient dans le ciel bleu, nous savions que tout ça servait à
la libération de notre pays. Nous en étions très heureux.
Ce que nous craignions le plus c'était parfois les approchent des avions
allemands prêts à nous bombarder mais la DCA (défense contre
Aviation) Américaine était particulièrement efficace. Il
ne nous est rien arrivé. Toute cette armada bien bruyante se posa sans
encombre sur la piste A-28.
Ce groupe de combat était le 358th Fighter Group, de la 9ème US
AIR FORCE, il était commandé par le Colonel Cecil L. Wells.
Il était composé de trois squadrons (escadrilles) les 365th Fighter
Squadron; le 366th Fighter Squadron et le 367th Fighter Squadron, qui avait
hélas perdu un jeune pilote de 20 ans la veille même au cours d'une
mission près de Rânes dans l'Orne, le Lieutenant Guiamalva. Tous
ces aviateurs sont déjà des pilotes chevronnés malgré
leur jeune âge. Ils sont arrivés venant de Creteville (A-14) dans
le nord du département de la Manche. Ils ont participé activement
aux batailles de Saint-Lô et d'Avranches. Leurs missions, qui vont demeurer
les mêmes au départ de Boucey ont été les attaques
de blindés, de convois allemands et tout ce qui anéantira l'occupant. En
ce 15 août 1944, on compte sur l'aérodrome de Boucey une centaine
d'avions. Tous des Republic P-47 Thunderbolt. Cet avion est le fruit de l'imagination
de son concepteur Alexander Kartveli qui lors de l'élaboration du projet
en 1941 a eut un COUP DE FOUDRE pour son invention, coup de foudre se traduisant
par THUNDERBOLT. Donc s'en était joué de ce P-47 Thunderbolt que
l'on assembla principalement dans l'usine du constructeur Américain Republic
Aviation à Farmingdale, près de Long Island puis en seconde usine
à Evansville dans l'Indiana. Cet avion de combat pesait 7 tonnes et il
fallut adapter un moteur très puissant. Le moteur Pratt & Whitney
fut choisi. Moteur en double étoile de 18 cylindres de 2535 chevaux qui
propulsait l'avion à 500 kilomètres heure au décollage.Une
force très appréciée des pilotes et en vol donnait beaucoup
de ressources lors des attaques et des combats. Sa forme générale
très caractéristique l'avait fait surnommer le tonneau volant
ou encore la cruche (The Jug) par ses servants. Ce même jour arrivèrent
aussi toute la maintenance aéronautique nécessaire au suivi de
tous ces aéronefs. Les pilotes seront logés dans des hôtels
de Pontorson tout proche. Un service de Jeep avec chauffeurs assurait leurs
déplacements sur la base. La moitié de ces avions était
opérationnelle en permanence, prête à intervenir très
rapidement. Les services aux parkings étaient aussi très rapides.
L'essence avion était délivrée par camion citerne GMC avec
remorque. Pour l'approvisionnement en munitions, tout se faisait aussi très
vite. Un train de 5 à 6 petits chariots sur roues à pneus portant
5 à 6 bombes partait du dépôt de munitions passait près
du village de toiles et rejoignait les parkings, passant sous chaque aile. Il
fallait environ dix secondes pour placer chaque bombe, qui n'était armée
qu'au dernier moment. Un artificier vissait une fusée d'ogive rendant
ainsi la bombe opérationnelle. D'autres artificiers bien entraînés
armaient les tiroirs de munitions pour les 8 mitrailleuses d'ailes en calibre
.50 (12,7 mm). Ces munitions étaient acheminées par camions qui
se rendaient directement aux abords des parkings, elles n'étaient pas
stockées sur place. Dès le 16 août les missions commencèrent
au rythme de trois par jours, très éprouvantes pour les pilotes.
Dans les archives on retrouve deux incidents lors de la présence de l'A-28
sur Boucey, le premier le 22 août 44, le Lieutenant Johnson Alvind s'est
écrasé sur la piste au retour d'une mission endommageant son avion
mais n'étant pas blessé lui-même. L'autre incident majeur
eût lieu le 25 août 44 en milieu de journée, le Lieutenant
James E. Morris ayant dû s'éjecter de son P-47 au dessus de la
région de Plancoët (Côtes d'Armor). Ce crash sera l'objet
d'un nouveau récit que l'on retrouvera sur le site de L'ABSA 39-45, Côtes
d'Armor en fin d'année 2009.
Ce même 25 août, trois missions
partirent de l'A-28. La première tôt le matin eut pour objet le
mitraillage systématique de tout véhicule ennemi sur la route
nationale reliant les villes de Poitiers, Le Blanc et Châteauroux. Le
résultat fut important, de nombreux véhicules allemands dont deux
camions essence et deux voitures de commandement furent détruites, sans
compter de nombreux convois qui remontaient vers le nord. En milieu de journée
une mission de bombardement des navires dans le port de Brest commandée
par le Capitaine Farlow fut très réduite a cause de la météo
orageuse. Sur 16 avions, 12 rentrèrent à Boucey sur ordre du leader.
Au niveau de Saint-Brieuc ils firent demi tour. Seul Farlow et trois autres
lieutenants atteindront leur objectif. Le Lieutenant Morris connaîtra
un incident sur son retour mais aura la vie sauve.
La troisième mission aura également
pour objectif le port de Brest et les bateaux ennemis qui sont à quai.
Au retour le survol de la presqu'île de Crozon fera apparaître de
petits navires ennemis qui a leur tour seront touchés. Le retour sur
l'A-28 se fera sans problème. il est à noter au cour de cette
journée que certain pilotes effectueront les trois missions. On imagine
la fatigue d'une telle journée et les risques encourus. L'ALG A-28 Pontorson
fut opérationnel du 15 août au 11 septembre 44 jour ou le 358ème
FG s'envola vers Villacoublay (Yvelines), au sud-ouest de Paris.
Du 11 au 26 septembre quelques gros porteurs C-47 Skytrain se posèrent
à Boucey brièvement pour récupérer des soldats américains
blessés et les amener vers des hôpitaux anglais. Un témoin
se souvient d'avoir vu un Dakota en phase d'atterrissage sur l'aérodrome.
Le 819ème Bataillon du Génie
quitta Boucey le 14 septembre pour aller construire une piste d'atterrissage
à Vitry-le-François dans la Marne, appelé A-67. Le 26 septembre
1944, le terrain tout entier fût rendu à ses propriétaires.
Les américains leur laissant le soin de remettre en place la terre arable
en ayant récupéré tout ce qui s'y trouvait préalablement.
Les plaques bitumées longues de 61 mètres furent découpées.
Les treillages en fer à mailles carrées furent découpées
et distribuées pour en faire des clôtures, des barrières
ou comme fer pour armer le béton et bien d'autre usage. Il est très
facile de voir de nos jours ces éléments dans toute la campagne
Normande, en parfait état de conservation.
Aujourd'hui rien ne subsiste de cet aérodrome américain, seul
le souvenir bien vif de nos témoins Messieurs Lelandais et Martel qui
ont bien voulut éclairer notre recherche dans ce travail de Mémoire.
Nous les remercions bien sincèrement. Merci également à
Monsieur Pierre Touquette, Maire de Boucey ainsi que Monsieur Gilbert Gabriel
ancien Maire. Merci également a Monsieur Lelandais fils pour son aide.