Sitôt l’ELS de Pouppeville terminé, dans la nuit du Jour
J, le Lt Col. Mc Crory et son état major ont essayé de reconnaître
le site initialement prévu pour l’édification du premier
ALG dans le secteur d’Utah. Après avoir été pris
dans un tir croisé entre la 82nd Airborne et les avant-postes de la 4th
I.D. d’un côté et les allemands de l’autre, la reconnaissance
tourne court. La ligne de front passait justement sur le terrain qu’ils
devaient sonder. Sous les balles ennemies, Mc Crory et son état-major
doivent retourner à leur bivouac. Au petit matin, un tir de barrage allemand
oblige le bataillon à déplacer les engins dans un endroit plus
sûr. Puis une équipe de reconnaissance menée par le Master
Sergent Charles A. Lane part vers St Martin de Varreville afin d’examiner
deux emplacements possibles. Ils retiennent le site de la ferme de La Londe,
endroit plat situé en bordure de la route reliant Beuzeville au Plain
à Ste Mère Eglise sur le territoire de cette dernière commune.
Ils prennent leurs mesures alors que cette zone est encore sous le feu des snipers
et des armes anti-chars. La patrouille est obligée de se retirer vers
l’ELS de Pouppeville.
Durant la nuit 7 juin et la matinée du 8, la compagnie de support composée
de 4 officiers et 105 hommes débarque en toute sécurité.
Au matin du 8 juin, un élément avancé fort d’une
cinquantaine de sapeurs est au travail, à 10 heures. Après une
journée de dur labeur presque au cœur des combats durant laquelle
le bataillon perdra 7 hommes, la piste est pratiquement prête. La présence
de snipers et d’avions ennemis la nuit interdisent tout travail nocturne.
Tout d’abord le terrain est mis au standard R&R (refuelling and rearming).
Dans cette configuration, il est terminé le 14 juin. Néanmoins,
dès le 10 juin, 3 spitfires d’un squadron polonais de la 2nd Tactical
Air Force britannique s’étaient déjà posés
sur le terrain. Le premier avion américain y atterrit le 11 et le même
jour, 5 planeurs Waco remplis de munitions et de renfort pour la 82nd Airborne
s’y posent également. Le lendemain un parachutage de plus de 20
tonnes de munitions a lieu au dessus de l’aérodrome. Le reste du
bataillon rejoint la compagnie de support les 11 et 12 juin.
SOURCES : USAF Historical Division Air University Department
of the Air Force. The History of IX Engineer Command. Airfield statistics annex.
General Herbert W. Ehrgott, USAF, Chief of Staff, IX Engineer Command.
Ci-contre : Le 11juin, atterrissage des planeurs Waco alors que le terrain
est encore en construction. A gauche, sur le bord de la piste des rouleaux de
grillage SMT prêts à être posés. 10 m² par heure
pouvaient être couverts, soit une petite semaine pour un runway de 1 200
mètres et une dizaine de jours pour un de 1 500. 2 560 rouleaux étaient
nécessaires pour couvrir la piste d’un ALG. Si le SMT avait été
posé , le planeur n’aurait pas pu atterrir sans capoter dès
que les patins auraient «mordu» le grillage, ce qui fixe la date
de cette prise de vue entre le 7 et 17 juin.
Une nouvelle directive demande alors au bataillon de le mettre au standard «Supply
and evacuation» afin de procéder au rapatriement des parachutistes
de la 82nd Airborne.
C’est
en tant qu’ALG A-6 dont le nom selon les sources américaines est,
soit celui de La Londe du nom de la ferme située en plein cœur des
installations, soit de Beuzeville (au Plain) du nom du village situé
le plus près de la piste ou bien encore de Ste Mère Eglise du
nom de la commune sur le territoire de laquelle il était édifié,
qu’il accueillera les P-47 du 371st Fighter Squadron du 17 au 23 juin.
Mais avant cela, ce terrain construit très rapidement a servi de terrain
d’accueil pour les fighter-group qui ne disposaient encore de leur terrain
et qui passaient la journée sur le Continent. Pour tenter d’en
améliorer l’utilisation et surtout de diminuer les nuages de poussière,
les sapeurs chargés de son entretien étendirent de l’hessian
mat sur le SMT originel ce qui eut pour effet de gêner considérablement
les pilotes au roulage. En effet s’ils freinaient trop brutalement, les
roues bloquées froissaient le tissu goudronné devant elles et
le déchirait. Cet essai ne fut pas poursuivi.
Le 371st FIGHTER GROUP
371st Fighter Group
404th Fighter Sq.
code 9Q
405th Fighter Sq.
code 8N
406th Fighter Sq.
code 4W
Le déménagement de Bisterne
à Beuzeville sur A-6 se passa progressivement du 17 au 29 juin. Durant
cette période, les opérations étaient le plus souvent menées
depuis Bisterne, A-6 étant considérée comme une piste R&R
(refuelling and rearming). Le 20 juin, un combat aérien durant une reconnaissance
armée se solda par 4 victoires sans perte.
Le 3 juillet, tout le Group, y compris son administration avait quitté
la Grande-Bretagne pour le Continent.
Le quartier général du Group était installé dans
la ferme de La Londe et une chapelle fut aménagée dans l’étable.
Il y avait même du matériel pour monter une scène de théâtre
stocké dans des remises.
Le 11 juillet, le Général Brereton, commandant pour quelques jours
encore la 9th Air Force est venu en compagnie du Général Royce
qui allait devenir l’adjoint de son successeur, le Général
Hoyt Vandenberg, remettre des médailles au Group dont une DUC quatre
jours avant une grande fête organisée pour le première anniversaire
de la création de l’unité en présence des civils
riverains. Le cidre et le calva ont coulé à flots paraît-il.
Les petites filles avaient toutes, dans les cheveux, un beau nœud blanc
confectionné avec de la toile à parachutes et une troupe de théâtre
avec de fort belles danseuses se produisit sur la scène, propriété
du Group. Les contacts avec la population se montrèrent d’emblée
très chaleureux au point que le colonel Kleine
ému par le cas d’une toute jeune adolescente très grièvement
blessée lors d’un duel d’artillerie que le chirurgien de
l’hôpital militaire de la Fière situé non loin du
terrain décida de la confier au médecin du Group, le capt. Lenoci
qui entreprit de la sauver. A chaque déménagement du Group, elle
était transportée par avion sur le nouvel emplacement pour que
le médecin continue à la soigner. Cette jeune fille de 1944, Yvette
Hamel, devint connue de la France entière quand en 1994 pour le cinquantième
anniversaire du Débarquement, elle fut invitée de la télévision
française à une heure de grande écoute pour raconter son
histoire et présenter un livre narrant son épopée.
Arrivée de Lightnings sur le terrain.
En
juin 12 terrains avaient été mis en chantier mais à la
fin du mois, seuls 7 étaient entièrement disponibles pour 7 groups
au complet. Cela n’était pas dû au manque d’efficacité
des sapeurs du génie de l’Air qui accomplissaient un travail remarquable,
mais plutôt à la résistance opiniâtre des allemands
qui ne reculaient que pied à pied. L’espace libéré
et sécurisé ne permettait pas d’en construire plus au risque
de perturber gravement la circulation aérienne. Les ALG étaient
déjà très proches les uns des autres, à tel point
qu’un observateur ayant pratiqué l’aviation peut se demander,
encore aujourd’hui, comment il était possible de se rassembler,
d’aller au combat sur plusieurs objectifs situés parfois dans des
directions opposées et de revenir, parfois en ordre dispersé sans
qu’il y n’eut plus de collisions ou d’erreurs d’identifications
soit du terrain soit des avions des différentes unités. Cette
situation était la même pour les terrains anglo-canadiens qui n’étaient
guère éloignés des américains et appelés
souvent à effectuer des opérations combinées. Les services
de régulation du trafic et les G.C.I. britanniques faisaient certainement
du bon travail.
Début juillet 2 autres terrains furent terminés (A-2 et A-7) mais
l’efficacité des opérations de coopération avec les
chasseurs-bombardiers plaidaient pour une présence sur le terrain d’encore
plus d’avions de ce type situés à proximité du front.
Ainsi, ils seraient pratiquement toujours là au moment où il le
fallait. Le souci du IX Tactical Command était donc d’amener sur
le Continent le plus rapidement possible le plus d’avions possible. Le
367th Group dut par conséquent séparer ses 3 squadrons sur 3 terrains
différents en attendant qu’un terrain qui lui soit entièrement
attribué.
L’échelon avancé du 394th squadron arriva donc à
Beuzeville/Ste Mère-Eglise sur A-6 le 20 juillet pour préparer
l’arrivée de ses Lightnings pour le 27. Ils y restèrent
jusqu’au 14 août.