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1st
Lieutenant John R. Devitt.
Pilot - 73rd Troop Carrier Squadron, 434th
Troop Carrier Group.
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J'ai effectué deux missions
le Jour J en tant que pilote de C-47, en support de la 101st Airborne.
Les autres membres de mon équipage étaient le 2Lt
Thomas L. D. Foreman, co-pilote, le T/Sgt Hipolito Gonzales, chef
d'équipage, et le S/Sgt Clarence LeBeau,mon opérateur
radio. Je faisais partie du 434th Troop Carrier Group, 73rd T.C.
Squadron, 9th Air Force. Le 434th TCG a été activé
le 30 janvier 1943, et a rejoint Fulbeck en Angleterre en octobre
afin de travailler avec la 101st. En mars 1944, le Group a aménagé
à Aldermaston, à environ 80 km au sud ouest d Londres.
C'est là qu'on a poursuivi l'entraînement aux techniques
d"enveloppement vertical", c'est à dire des exercices
de parachutage et et de planeurs, avec la 101st. La piste d'Aldermaston
a été élargie avec des PSP (Perforated Steel
planking - planches d'acier perforées - pour permettre aux
52 avions d'être couplés aux planeurs et faciliter
un décollage rapide.
Le 4 juin, on nous a briefé
sur l'Operation Overlord ainsi que sur nos missions spécifiques,
"Chicago" et "Keokuk". Les mesures de sécurité
se sont incroyablement renforcées après le briefing.
La Police Militaire de la 101st a totalement fermé le périmètre.
Pour aller aux toilettes, qui étaient situées dans
un autre bâtiment, on était escorté d'un garde
armé. Un report de 24 heures pour cause de conditions météos
inférieures au minimum vital fut imposé. Une reconnaissance
de dernière minute révéla que notre LZ (Landing
Zoone ) initiale avait été changée. Le Field
Marshall Rommel, qui avait accéléré les défenses
en Normandie ces derniers temps, avait fait érigé
des poteaux dans les champs du secteur, empêchant de les utiliser
pour les planeurs.
Après les briefings du
4 juin, on nous a conduit aux parkings des avions où on a
trouvé des seaux de peinture blanche et noire. On a alors
peint trois grandes bandes d'environ 33 cm de large sur les ailes
et le fuselage, deux bandes blanches séparées par
une bande noire. L'identification rapide et immédiate des
avions, ennemis ou amis était naturellement indispensable
dans une opération impliquant quelques 3 000 appareils alliés.
On s'est mis en ordre de départ
un petit peu avant minuit le 5 juin, à préparer l'avion
pour le vol, à synchroniser nos montrer, et à siroter
une dernière tasse de café offerte par la Croix Rouge.
Les équipages se voyaient assigner un avion spécifique
quand un vol était prévu de longue date, et nous le
considérions comme notre propriété. Le mien
était le C-47 43-16052, avec les lettres CN peintes sur le
nez pour désigner le 73rd Squadron, et la lettre O, pour
Oboe, sur l'empennage, pour l'identification radio. Alors que nous
effectuions les dernières vérifications extérieures
de l'appareil, le Lt Général Louis Brereton, Expert
en tactique aéroportée, a remonté toute la
file des appareils en marchant, échangeant quelques mots
avec les équipages, nous offrant ses encouragements et nous
souhaitant bonne chance.
En montant dans l'appareil, je
suis tombé sur Tommy Foreman qui était agenouillé
dans la cabine, récitant une prière en silence. Je
me souviens lui avoir tapoté l'épaule en entrant dans
le cockpit. Cela faisait un paquet d'années que je n'avais
pas discuté avec Dieu, et je me disais qu'il serait une peu
hypocrite de ma part de lui demander quelques faveurs aujourd'hui.
Je ne me rappelle pas si on nous avait communiquer les estimations
de pertes lors du briefing, mais je m'étais imaginé
que 5% était la barre optimiste, et 15% le niveau pessimiste.
Je me souviens d'un vague sentiment qui ressemblait à de
la peur, mais j'étais submergé par l'excitation de
prendre part à la plus grande opération militaire
de tous les temps.
Le démarrage des moteurs
était fixé à 1 heure. Le décollage de
la mission "Chicago" était fixé à
1 heure 19. Le planeur CG_4A couplé à notre appareil
transportait un canon de 6 livres, ses munitions et ses 3 artilleurs.
L'équipage du planeur était constitué du Flight
Officer Leon C. Doelger, pilote, et du Flight Officer M. A. Trechak,
co-pilote. O a volé dans le plus absolu silence radio, sans
feux de position et en quatre formations de deux avions chacun.
Pour maintenir la formation de nuit, nous disposions de six feux
bleus de faible intensité sur la surface supérieure
de l'aile. Notre cap au sud ouest nous a mené jusqu'à
un point à l'est de Guernesey puis au sud de Jersey dans
la Manche. On a ensuite abordé notre LZ près de Ste
Mère Eglise en mettant cap à l'est.
Au dessus de la terre ferme,
on a rencontré d'assez violents tirs anti-aériens,
mais les balles traçantes indiquaient qu'ils tiraient trop
en avant des avions, probablement parce que nous volions moins vite
avec un planeur en remorque. On a atteint la Landing Zone vers 4
heures du matin. On a donné le signal du largage à
l'équipage du planeur en pointant vers lui un feu vert depuis
le dôme de plexiglas du C-47. Je leur ai silencieusement transmis
mon "Dieu soit avec vous" en les regardant descendre dans
les premières lueurs du matin. (Dix jours plus tard, les
deux pilotes de planeurs avaient été récupérés
et étaient de retour à Aldermaston, prêt pour
une autre opération.)
Afin de me protéger contre
les tirs venus du sol, j'ai plongé à hauteur d'arbres
et ai changé de direction au dessus d'Utah Beach peu de temps
après. L'alignement massif des bateaux de la Navy se tenait
immobile et sans lumière à cet instant. On a mis cap
au nord et on est rentré. De retour à Alderlmaston,
les services de renseignements nous ont interrogé, après
un bon verre de Scotch Whiskey. Nous avons appris plus tard que
nous ne déplorions qu'un seul avion perdu sur les 50 qui
avaient décollé, mais sept C-47 et 22 planeurs avaient
été touchés par des tirs anti-aériens.
On s'est écroulé sur nos lits pour récupérer
un peu avant un nouveau briefing pour la seconde mission "Keokuk".
J'ai eu du mal à m'endormir préoccupé par les
événements majeurs en développement en Normandie.
"Keokuk" a été
déclenché à 18 heures 30. Trente deux C-47
remorquant le gros planeur britannique Horsa ont participé.
C'est le planeur L894 qui était couplé à notre
avion, transportant sept hommes de la 101st, un camion, un canon
de 37 mm, des batteries de radio, des munitions, de l'essence et
des accessoires, en plus des pilotes. Le largage au dessus de la
Normandie était fixé pour 21 heures (Il faisait toujours
grand jour) et l'action était intense. Je me souviens avoir
vu un Horsa dont la structure était en contre plaqué,
réduit en miette du nez à la queue par des tirs d'arme
automatique juste au moment où il terminait sa course d'atterrissage.
90% des planeurs ont été détruits, 14 pilotes
de planeurs ont été tués dans des crashes ou
par les tirs ennemis, 20 sérieusement blessés et 10
disparus.
Le 434th a plus tard été
récompensé de la Croix de Guerre Française
avec palme, de la Bronze Arrowhead (pour avoir précédé
l'assaut) et la United States Distinguished Unit Citation.
John R. Devitt, Lt Colonel, USAF (Ret.)
Traduction
réalisée par Denis van den Brink.
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