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William "Bill" O. Gifford
2ndLt. - 95th Bomb Group - 8th Air Force
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6 juin 1944, le Jour J. Ca
y est. C'est la bagarre. J'étais affecté à
un autre équipage pour mon premier vol. Ce n'était
pas une pratique habituelle, mais l'équipage était,
pour une raison que j'ignore, privé de navigateur ce jour
là.
L'Armée avait crée
un fond spécial pour acheter des oeufs frais au marché
noir Anglais. Seul les équipages qui partaient en mission
de combat ce jour particulier avaient droit à deux oeufs
par homme. Tous les autres ont mangé cette horrible poudre
d'oeufs.
J'ai donc mangé mes
deux oeufs. J'ai vu presque des bagarres lorsque le cuisinier ne
les cuisait pas juste à point. En blaguant, on appelait ça
le "dernier petit déjeuner" .Pour beaucoup, ce
le fut vraiment. J'ai pris mon premier "dernier petit déjeuner"
et je me suis rendu au briefing.
Lorsque vous entrez dans
la salle de breifing, c'est exactement comme on le montre au cinéma.
Un rideau tendu sur le mur derrière l'estrade. Le pilote
commandant monte à la tribune. Le rideau et cérémonieusement
enlevé, laissant apparaître la carte du Continent avec
notre travail pour la journée. Le Pilote Commandant annonce
les objectifs, les routes pour les atteindre, les points chauds,
les dangers. Les zones de Flak sont dessinées en rouge. Les
avions et leurs positions en formation sont désignés.
L'officier météo
nous décrit le temps et l'aumônier donne la dernière
bénédiction .Bonne chance.
On avait la trouille, croyez-moi.
Check list, moteur en route, taxi en position.
"Nous décollons vers ce "là bas" bleu
et sauvage..." (Chant de l'Aviation)
En ce matin du Jour J, ce
"là-bas" bleu et sauvage était tout sauf
bleu. Le plafond était à 200 pieds. Le 95th utilisa
les bosquets de Horam comme balise de décollage! Mais nos
"balises" se confondaient avec celle d'une base proche
de B-24. Décollage, vitesse 155mph, montée à
500 pieds/minute jusqu'à l'altitude assignée. Dans
cette soupe, il était impossible d'avertir le pilote de l'approche
d'un autre avion sans lui crier "B-24 à 11 heures !!"
Rien qu'atteindre l'altitude
dans de pareilles conditions constituait un boulot à vous
faire dresser les cheveux sur la tête. Nous sortîmes
de la crasse à 19.000 pieds, rendez-vous avec les autres
formations, et en route pour la traversée du Channel et notre
objectif, Falaise, une ville normande à l'intérieur
des terres.
Au travers de rares trous
dans les nuages, nous apercevions l'Armada sur le Channel, au-dessous
de nous. C'était comme si on avait pu marcher dessus, mettant
un pied de bateaux en bateaux. Nos ordres étaient de bombarder
à vue uniquement. Personne ne savait ce qui allait se passer
au sol. Nous étions là pour une mission de support
et non pour mettre nos troupes au sol en danger.
Tous les avions disponibles
ce matin là étaient en l'air et le trafic était
à sens unique.
A l'école de navigation, on nous avait expliqué que
les chasseurs en l'air ressemblaient à des essaims d'abeilles.
Assis dans le nez du B-17, je comptais les essaims qui entouraient
les bombardiers.
"Chasseurs ennemis ?"
"Non, les nôtres !"
A chaque nouvelle apparition
d'un avion, même question, même réponse. Mon
cours d'identification à la base de Selman était un
échec complet. Je sais que le bombardier aurait été
heureux de retrouver son navigateur habituel !
Notre objectif était
dans la purée de pois et nous nous sommes dirigés vers
la péninsule de Cherbourg. Encore un virage et en route pour
la maison. "PAS D'ATTERRISSAGE AVEC DES BOMBES ARMEES.DEBARASSEZ-VOUS
EN AU-DESSUS DE LA MER DU NORD". Nous nous débarrassâmes
donc des nôtres.
Nous avons atterri sans problème.
Maintenant, je suis un vétéran.
Un bon bain et un repas chaud
vous attendent quand, mais surtout SI vous revenez. Des jeunes filles
de la Croix Rouge servent du café chaud et des doughnuts
aux hommes qui ont bravé le ciel aujourd'hui.
Je pense à ces pauvres
"bâtards" à terre, sur les plages. Un lit
douillet, un repas chaud, du café chaud et des doughnuts,
des filles. DES FILLES !!!!
Bill Gifford
Traduction réalisée par Philippe Save.
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