Men of D-Day


    
 Troop Carrier
Michael N. Ingrisano
Robert E. Callahan
Benjamin F. Kendig
John R. Devitt
Arthur W. Hooper
Ward Smith
Julian A. Rice
Charles E. Skidmore
Sherfey T. Randolph
Louis R. Emerson Jr.
Leonard L. Baer
Robert D. Dopita
Harvey Cohen
Zane H. Graves
John J. Prince
Henry C. Hobbs
John C. Hanscom
Charles S. Cartwright
 
 82nd Airborne
Leslie Palmer Cruise Jr.
Marie-T Lavieille
Denise Lecourtois
Howard Huebner
Malcolm D. Brannen
Thomas W. Porcella
Ray T. Burchell
Robert C. Moss
Richard R. Hill
Edward W. Shimko
 
 101st Airborne
John Nasea, Jr
David 'Buck' Rogers
Marie madeleine Poisson
Roger Lecheminant
Dale Q. Gregory
George E. Willey
Raymond Geddes
 
 Utah Beach
Joseph S. Jones
Jim McKee
Eugene D. Shales
Milton Staley
 
 Omaha Beach
Melvin B. Farrell
James R. Argo
Carl E. Bombardier
Robert M. Leach
Joseph Alexander
James Branch
John Hooper
Anthony Leone
George A. Davison
James H. Jordan
Albert J. Berard
Jewel M. Vidito
H. Smith Shumway
Louis Occelli
John H. Kellers
Harley A. Reynolds
John C. Raaen
Wesley Ross
Richard J. Ford
William C. Smith
Ralph E. Gallant
James W. Gabaree
James W. Tucker
Robert Watson
Robert R. Chapman
Robert H. Searl
Leslie Dobinson
William H. Johnson
 
 Gold Beach
George F. Weightman
Norman W. Cohen
Walter Uden
 
 Juno Beach
Leonard Smith
 
 Sword Beach
Brian Guy
 
 6th Airborne
Roger Charbonneau
Frederick Glover
Jacques Courcy
Arlette Lechevalier
Charles S. Pearson
 
 U.S.A.A.F
Harvey Jacobs
William O. Gifford
 
Civils
Philippe Bauduin
Albert Lefevre
René Etrillard
Suzanne Lesueur
Marie Thierry
 

 

Richard R. Hill
Pfc - E Co. 508th Parachute Infantry Regiment. - 82nd Airborne Division.

J'étais parachutiste durant la seconde guerre mondiale.
J'appartenais à la 82ème division aéroportée, 508ème régiment, Compagnie E. J'ai suivi ma formation à Fort Benning en Georgie.
Mon sergent chef instructeur avait du mal avec moi. A deux reprises, il m'a surpris hors de la formation. Il m'a attrapé une première fois alors que je cueillais des mûres sur le bord de la route. La seconde fois, un chien avait bloqué un écureuil en haut d'un arbre et j'avais couru à son secours. La nuit, dans les baraquements, quand tout le monde était prêt à se coucher pour dormir, je me levais dans l'obscurité et hurlais le cri de tarzan. Un peu plus tard, le sergent chercha à savoir qui faisait cela. Quelqu'un m'a désigné dans la foule. Il a dit : "Hill, j'aurai du me douter que c'était toi". Mais il ne fut pas trop méchant avec moi cependant. Tout cela était le bon temps, comparé à ce qui allait suivre.

Le 25 décembre 1943, nous avons quitté New York City pour l'Irlande, puis l'Angleterre. En quittant le port de New York, j'ai vu la statue de la Liberté disparaître au loin. J'avais le coeur lourd, ne sachant pas si je la reverrai un jour. Nous sommes arrivés à Port Stewart en Irlande, et de là avons rejoint l'Angleterre. Nous nous entraînions et campions dans l'attente de la "grande nuit" dans le parc magnifique de la forêt de Nottingham. Durant les 6 mois de notre présence là bas, j'ai rencontré une fille nommée Joan Pilgrim. Ses parents m'ont invité chez eux et ont tout fait pour que je me sente à l'aise, chez moi si loin de mon foyer. Nous avons parlé mariage, mais Dieu avait d'autres projets pour moi. Le 5 juin 1944, je faisais partie de l'invasion du Jour J en Normandie. En survolant la Manche, j'ai pris la plus importante décision de toute ma vie en offrant ma vie au Christ. J'avais souvent entendu les bonnes paroles durant mon enfance, lors de camps en Oklahoma. Mais à cet instant, tout m'est revenu en mémoire et j'ai entendu l'Esprit saint m'appeler par mon nom. Dans ce vieux C-53, je me suis agenouillé et j'ai prié. Je voyais distinctement le visage du Christ, mais ses yeux étaient clos. J'ai continué de prier jusqu'à ce que... Jésus ouvre les yeux. J'ai compris alors et de manière indéniable que j'étais sauvé pour toujours. Quoi qu'il puisse désormais m'arriver ne dépendait plus que de Dieu.

Le "grand soir" s'est avéré être un saut "suicide" pour faire diversion et attirer l'ennemi afin que l'invasion terrestre puisse commencer. Ce fut un largage de nuit, au beau milieu d'une tempête imprévue. L'avion se cabrait et beaucoup d'hommes ne parvenaient pas à s'accrocher pour le saut. Ils étaient littéralement jetés sur le plancher de l'avion. Le bruit des balles contre la carlingue ressemblait à une tempête de grêle. Mon degré de peur dépassait les bornes. Je ne pouvais plus parler. La nuit était noire, avec quelques taches de lumières sur le visage des hommes et au bout des avions. Au moment de sauter, le Lieutenant Allbright était le premier à la porte. Il a accroché son mousqueton à la static line et nous a ordonné de le suivre. J'étais N° 2 à sauter. En descendant, je voyais les balles traçantes qui montaient vers lui. J'ai pensé qu'il avait du être touché. Puis je vis les traçantes autour de moi. J'ai atterri dans un grand buisson d'épineux. Mon parachute resta accroché, et seuls mes genoux et mes coudes touchaient le sol. Mon parachute était percé de trous de balles. J'ai compris plus tard que le vent nous avait écartés de la zone de saut. J'ai atterri sur la péninsule du Cotentin dans l'Ouest de la France près de St Lô. J'étais au sol depuis près d'une heure quand j'entendis quelqu'un approcher derrière la haie. Je ne me rappelais plus du mot de passe en cas de rencontre amie. Je devais dire "flash" et il devait répondre "thunder". Quand je me suis enfin souvenu de "Flash", c'est lui qui ne se souvenait plus de "thunder". A cet instant, mon M1 était assemblé et pointé sur son crâne quand il a enfin dit "Thunder". C'est une chance que je ne l'ai pas tué. Il s'appelait Coffee. Nous avons fait du grand buisson d'épineux sur lequel j'ai atterri notre camp de base. Nous avons planqué notre équipement et nos réserves de nourritures dans ses grandes racines J'ai juste conservé mon fusil et quelques grenades sur moi. Le second jour, la fatigue due au manque de sommeil a commencé à nous peser. On a rencontré deux autres gars et un Lieutenant. On a pensé que les traçantes provenaient d'une ferme au loin, et que peut-être les soldats allemands étaient encore là. Le lieutenant m'ordonna de rester et de surveiller la ferme. Il me donna l'ordre si je voyais quelque chose bouger, de tirer dessus. Ces 3 hommes et Coffee sont partis chercher les mortiers et les équipements nécessaires pour s'emparer de la ferme. Je n'ai plus jamais revu aucun d'entre eux depuis.

Au 3ème jour, je suis tombé sur 4 autres GI's. On a trouvé une tente pour 4 hommes et une moto. Les Allemands devaient se trouver là quand ils nous tiraient dessus. Ils étaient partis à présent. Nous avons détruit la tente et la moto. On les a mis en pièces. Plus tard, nous marchions dans un verger quand les Allemands nous ont repérés et ont ouvert le feu. Ils ont tué deux d'entre nous qui dormions dans la haie. J'ai dit : "Foutons le camp d'ici." Nous étions cachés derrière les pommiers et les fleurs s'envolaient dans l'air sous les impacts de balles. J'ai été touché au pied. Ce n'était pas grave, juste une égratignure. Cela faisait comme si une fourmi me piquait. Les Allemands approchaient du sergent qui nous a crié ; "Vous ne pensez pas qu'on devrait se rendre?" J'étais trop effrayé pour faire ou dire quoi que ce soit. Il m'a probablement sauvé la vie. Il a brandi un mouchoir blanc et les tirs se sont arrêtés. On s'est levé. Il y avait 5 Allemands qui se sont immédiatement emparés de tout ce qui les intéressait. Ils m'ont pris 3 paquets de cigarettes ainsi que ma ceinture. Nous avions commencé à avancer mais ils nous arrêtaient souvent pour fumer. Ils nous ont menés jusqu'à une vieille grange. Il y avait là environ 15 autres soldats prisonniers. Ils ont commencé à nous interroger, un soldat demandant "Qui est du 504 ici, et qui est du 508". On se contenta de lever la main. Il y avait un grande paillasse et certains d'entre nous se sont allongés pour dormir. Deux jours plus tard, ils ont commencé à nous envoyer plus loin en France et vers l'Allemagne. Le premier jour où ils ont essayé de nous sortir, nous avons eu une visite venue du ciel. On a vu un P-47 américain descendre un avion allemand. C'était du beau boulot. Cela nous a grandement remonté le moral, mais pas celui du conducteur du camion. Enfin, ce n'était pas vraiment un camion, plus un vieux car d'écoliers. On y a embarqué jusqu'à une petite ville. Il n'y avait vraiment que quelques maisons et des habitations clairsemées. Puis ils nous ont fait monter dans des camions plus grand, 5 hommes par camion. On était 35 au total. Plus on avançait, et plus ils ajoutaient des prisonniers. On était à l'arrière des camions bâchés. Un jour, on a entendu l'Air Corps au-dessus de nous. J'ai soulevé la bâche et j'ai compté 11 P-47. Cinq d'entre eux ont plongé. Je me suis écrié ; "Dehors tout le monde!". Le conducteur allemand avait déjà stoppé et courrait se mettre à l'abri. Plusieurs prisonniers furent tués par ces tirs amis. L'Air Force pensait que ces camions emportaient des soldats allemands vers l'arrière. J'ai vu les corps alignés sur le bord de la route. Les blessés furent portés vers une petite maison. Un jeune soldat avait reçu une rafale en plein ventre et je l'ai tenu dans mes bras jusqu'à ce qu'il rende son dernier soupir. Il a appelé sa mère jusqu'à ce qu'il meure. Peut-être lui dois-je la vie aujourd'hui. Quand j'ai hurlé à tout le monde de sortir du camion, on est allé si vite qu'il est tombé à l'arrière du camion. Mon pied a heurté son cou et j'ai pu plonger derrière la haie. Je n'aurai pas pu me planquer ainsi en conditions normales. Je suis allé me cacher derrière un bâtiment de plâtre. Une grande femme française est apparue au coin de la maison, tenant ses bras croisés. Elle marchait en articulant des choses inaudibles. Elle ne s'est pas fait tirer dessus. Personne aux alentours de la maison n'a été touché. J'étais dans le camion de tête. Il n'a pas été touché autant que les camions de l'arrière. Après que les P-47 en eurent fini avec nous, ce sont les P-51 qui sont arrivés. Ils étaient 5 et ils ont réduit les camions en miettes. Il ne restait pas un écrou. Les camions étaient en feu. Sur l'un des camions, on avait l'impression qu'un boulet de canon avait transpercé le moteur. Il n'y avait plus de moteur.

Il avait beaucoup plu et un des prisonniers avait encore un peu de tabac dans une conserve "Prince Albert". Il y a mis le feu pour le sécher plus vite. Nous étions tout autour à contempler le feu. Un soldat allemand avait un Luger à la hanche. Un POW s'est montré intéressé par le pistolet. L'Allemand a enlevé le chargeur et nous a laissé manipuler l'arme. On lui a rendu et quand il a remis le clip en place, le coup est parti. Un POW nommé Borhman a reçu la balle dans le ventre. Il s'est écroulé en boule au sol. Je n'ai jamais vu quelqu'un si mal encaisser le coup que ce soldat allemand. Il est tombé à genoux et s'est mis à pleurer. Il a rampé vers Bohrman et lui a parlé en allemand. Bohrman lui a d'abord répondu par des injures, puis il l'a regardé dans les yeux et il a dit ; "je te pardonne... je sais que tu ne voulais pas faire ça." On l'a porté avec une échelle vers une maison des environs. Il m'a dit qu'il savait que c'était fichu pour lui. Il dit que peut-être il pourrait s'en sortir s'il recevait une assistance médicale. J'ai appris plus tard qu'il est mort dans la nuit.

On était dans la merde à partir de ce moment. Ils nous ont fait marcher ou bien nous ont fait monter comme du bétail dans des wagons, nous dirigeant vers l'est, via Alençon et Paris. Et chaque fois que notre aviation nous repérait, elle plongeait sur notre colonne. Ces avions tiraient sur tous les rassemblements d'hommes qui marchaient en groupe. C'était mon 4ème jour de captivité et j'avais très faim, vraiment faim. Ils nous ont mis dans un endroit assez proche de la cathédrale Notre dame à Paris. Nous sommes entrés dans un vieux bâtiment et nous avons croisé une trentaine de moines qui partaient. Ils portaient des chapeaux et des robes noires. On a pris ce qu'ils avaient, et il n'y avait pas grand chose chez ces moines. C'est là que nous avons trouvé une vache qui avait été tué dans un bombardement. On l'a mangé. J'ai eu le foie. J'ai bouffé tout ce que je pouvais. Je sais que cela m'a beaucoup aidé. On est finalement sorti de ce merdier et on est entré dans Paris. Ils nous ont filmés à des fins de propagande. Nous étions 50 POWs et ils nous ont fait défiler dans les rues de Paris. Ils nous filmaient sous tous les angles comme pour montrer qu'il y avait beaucoup plus que 50 prisonniers. Les rues étaient pleines de français. Beaucoup nous faisaient le V de la victoire ou essayaient de nous serrer la main. Les gardes allemands les frappaient pour les éloigner. Il y avait une femme magnifique avec un chapeau qui se tenait sur un bloc de béton. Elle m'a lancé un énorme sourire et s'est approchée de moi en trottinant. Elle s'est mise sur la pointe des pieds et j'ai cru qu'elle allait m'embrasser. Je me suis penché comme pour recevoir son baiser, mais au lieu de cela, elle m'a giflé. Je ne l'oublierais jamais. Cela m'a vrillé la tête. Elle m'avait vraiment frappé fort. Au même moment, un garde lourdement botté m'a donné un coup de pied dans le dos. Cela m'a bousille le coccyx pour le restant de ma vie. Les semaines suivantes, j'ai dû voyager à genoux tellement j'avais mal.

On a finalement pris un train pour quitter Paris. Ce train a été mitraillé deux fois. C'est une chose horrible de se trouver enfermé dans une boite que quelqu'un au-dessus de vous utilise comme cible d'entrainement. On a traversé Francfort où l'on a débarqué pour traverser la ville à pied. On est entré dans un bâtiment qui était une école. Ils nous ont procuré un peu de nourriture, de l'orge avec du lait. C'est l'une des meilleures choses que j'ai jamais mangées. Leur café était aussi à base d'orge.

Je fus conduit à un camp de prisonniers appelé Stalag 13 B à Weiden. Il y avait 5 gros fours alignés. C'était probablement pour le chauffage mais à l'époque, dans un coin de ma tête, je pensais qu'ils servaient à autre chose. Une fois, en pleine nuit, en me rendant aux toilettes, j'ai vu un homme debout devant moi. Il avait l'air américain et portait un T shirt blanc et un pantalon Khaki. J'ai dit "excusez-moi" afin qu'il me laisse le passage. Il est resté immobile. J'ai avancé ma main pour l'écarter et mon bras est passé à travers lui. Cela m'a foutu une sacré trouille. J'ai cru devenir fou. Un peu plus tard, un autre prisonnier a connu la même aventure. Puis on a trouvé un projecteur qu'ils utilisaient pour projeter des images. J'ai pensé qu'ils nous infligeaient des tortures psychologiques. C'était vraiment effrayant.

On m'a transferé au stalag 4B à Mulberg quelques jours plus tard. Les camps étaient dirigés comme des petites villes. Les Britanniques étaient les maîtres des camps. Ne vous méprenez pas, les Allemands étaient bien les gardiens des camps, et ils étaient efficaces. Si vous travailliez un peu, vous pouviez faire un peu de troc. On pouvait aussi échanger des objets de nos colis de la Croix Rouge. Il y avait tout un système en place qui décidait de la valeur des choses. J'ai reçu un petit pot de moutarde et un peu de cirage noir. Quand j'y repense, je n'ai aucune idée de ce que je pouvais faire avec du cirage noir. Les Britanniques venaient tous les matins nous apporter les nouvelles, comme si cela venait de la radio. Les Russes étaient installés près de nos baraquements, derrière une clôture. On marchandait avec eux à travers la clôture. Les Russes excellaient à fabriquer toutes sortes de choses à partir de boites de conserve de nos colis de la Croix Rouge. J'ai acheté un collier en forme de coeur fabriqué par un prisonnier russe. Pour dormir, il y avait 3 couchettes superposées avec un matelas de paille. J'ai toujours eu la paillasse du bas. On voyait le jour à travers les planches au-dessus de ma tête. J'étais nourri exclusivement de pain et de quelques patates. Les patates étaient bonnes. Elles étaient généralement servies en purée ou frites. Ils faisaient aussi des boulettes de patates...

Du Stalag IV B, on m'a envoyé dans les Sudètes, à la frontière occidentale de la tchécoslovaquie. J'ai été désigné par les Anglais pour travailler dans les mines de charbon. On est parti en train puis on a marché. Il faisait froid. On a marché sur des kilomètres et des kilomètres à travers la montagne. Il y avait beaucoup de neige au sol. Nous n'avions pas de chaussures. Mes bottes m'avaient été retirées dès ma capture. Je portais des chaussures faites de chiffons et de bois. J'ai de la chance de ne pas avoir perdu d'orteil à cause des gelures, comme c'est arrivé à nombre d'entre nous. En traversant Prague, une femme a laissé tomber une carotte grosse comme une bouteille de sous ses vêtements. Je l'ai ramassée et l'ai dévorée. Elle a aussi laissé tombé une paire de gant en mousse, mais je ne l'ai pas ramassée.

Nous nous attendions à un camp de grande taille mais il n'y avait en fait qu'une petite maison. Je ne me souviens plus du nom officiel du camp, mais nous l'avons nommé "Howe". Peut-être la contraction d'un nom allemand? Environ 15 prisonniers américains travaillaient là, soit dans les mines de charbon, soit dans l'usine de verroterie. J'y suis resté environ 8 mois. Je travaillais 10 heures par jour et je charriais 10 à 13 tonnes de charbon par jour. J'ai connu un POW qui a tenté de s'échapper et qui a été tué. Le matin même, il m'avait dit qu'il ne serait plus là le lendemain. J'avais compris qu'il parlait d'évasion, mais je ne pensais pas qu'il passerait à l'acte. Il était juif. Il avait des ennuis. Les rats le mordaient la nuit alors qu'il essayait de dormir. Les Allemands lui ont tiré dessus à 12 reprises quand il a tenté de s'échapper. Ils ont mis son corps dans un grand panier tressé et l'ont laissé dans notre bâtiment. Ils voulaient qu'on ait le temps de le contempler. Le lendemain, quelques gars de corvée l'ont emmené loin dans les montagnes pour l'enterrer. Une autre fois, deux POWs ont essayé de s'échapper. Après les avoir capturés, les gardes allemands les ont poursuivis à bicyclette. Ils précipitaient les roues de leurs vélos dans les jambes des prisonniers, leur arrachant la peau des jambes. Plus tard, un autre prisonnier et moi-même furent accusés d'avoir essayé de saboter une des mines. Mais finalement, c'est un garde allemand qui fut déclaré coupable et puni. Cela aurait vraiment pu mal tourner. Pendant tout ce séjour, la faim nous rongeait de l'intérieur. Nous mangions n'importe quoi pour survivre. Nous avons mangé du chien plus d'une fois. Nous avons essayé un soir d'attirer un chat dans notre enclos pour en faire un civet. Le chat ne s'est pas laissé avoir. Nous faisions bouillir de l'herbe en place de soupe. Les Allemands nous donnaient les pelures de pommes de terre à faire bouillir. Ils ignoraient que le meilleur de la patate est dans la peau. Le Fuehrer Hoffmann était notre garde principal durant toute ma captivité. Ses bras étaient constellés des montres qu'il avait volées aux américains et à d'autres soldats. Une fois, les Tchèques avaient préparé une soupe pour les prisonniers faite de lait et d'oeufs. Nous nous étions alignés avec nos petites cantines pour recevoir notre part quand Hoffman est apparu et a renversé ma marmite d'un coup de pied. Toute la soupe s'est répandue au sol. Un garde allemand semblait montrer un peu de compassion à notre égard. Quand Hoffmann était absent, il nous laissait sortir du camp pour aller ramasser quelques pommes de terre. Les Tchèques les enterraient dans les collines environnantes. Je suis passé de 72 kgs à 49 kgs. Et je mesure 1,80 m. J'ai failli mourir de faim. J'avais un petit carnet et j'y écrivais les bonnes choses que j'aimerais manger un jour. Le plat principal était un steak, avec du poulet rôti, des frites et de la sauce. Un jour, 5 d'entre nous ont attrapé la dysentrie. J'étais très malade. On a reçu quelques médicaments qui nous ont soignés...

Enfin, l'heure de la libération approchait. Les troupes américaines et Russes approchaient et on avait de plus en plus de liberté de mouvement. Tout disparaissait. Les Tchèques ont pris le relais pour nous nourrir. La plupart des allemands sont partis. Certains sont restés dans une vieille église. Mon pote et moi sommes descendus au village. On nous a identifiés comme américains et on nous a dit qu'une jeep américaine venait de passer. Et comme de juste, 30 minutes plus tard, un gros char américain est arrivé dans le village. Je m'étais juré d'embrasser le derrière du premier GI que je verrais. Bon! Il était sur un tank, et paraissait bien sale et de mauvais poil. Il m'a laissé l'opportunité de le faire mais je ne l'ai pas fait. Il nous a cependant donné, à mon pote et à moi un plein paquet de cigarettes. Il nous a conseillé de retrouver notre unité. Des dispositions étaient en cours pour nous évacuer. Cela paraissait loin mais cela ne prit que quelques jours avant que l'on ne vienne nous chercher.

Lorsque nous avons été libérés, on a eu la possibilité de nous venger sur certains méchants allemands. Ils nous ont dit de choisir quelques allemands parmi les prisonniers et de nous amuser un peu. Même si j'avais eu envie de tomber sur le dos des allemands, je savais que Dieu était seul juge et seul jury et que je ne pourrais pas vivre avec cela plus tard. Un pote ancien POW lui s'est un peu vengé. Il a emmené Hoffman et l'a aligné avec 10 des gardes les plus vicieux. Il y avait 5 hommes de chaque côté d'Hoffman. Il les a descendus à commencer par les hommes des extrémités, leur tirant dans les genoux jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'Hoffman. Il l'a finalement tué. A aucun moment il n'a demandé pitié.

On nous a menés jusqu'à une grande maison où nous devions rester jusqu'à notre évacuation. On avait des poux et il fallait nous donner un traitement. On nous a conseillé de piquer ce qui nous faisait plaisir. Il y avait des fusils qui avaient été jetés au fond d'une mare. J'ai pris un très beau fusil belge et j'ai réussi à le ramener chez moi. Les autorités de la ville avaient obtenu que chacun se débarrasse de ses armes. Nous étions une trentaine dans la maison? J'étais au second étage. J'ai aussi trouvé quelques très beaux couverts en argent. Je les ai envoyés chez moi mais ils n'y sont jamais arrivés. A la fin de la guerre, l'armée confisquait tout ce qui lui semblait avoir de la valeur. J'ai aussi mis la main sur une montre à gousset en or et une pipe faite de verre et de bois. Mais par-dessus tout, je désirais rentrer chez moi.

Nous avons pris un avion jusqu'au camp Lucky Strike, en France. Il y avait à tout ce que nous désirions manger. Un des ex POWs est mort d'avoir trop mangé. Il a mangé tant de donuts que ça l'a tué. J'avais englouti 4 boites de cacahuètes et j'attaquais ma 5ème quand on m'a arrêté. J'aurais pu mourir moi aussi. Il fallait être très prudent sur la manière de réhabituer notre organisme à la nourriture.

J'ai quitté Le Havre en bateau. La mer était mauvaise. En arrivant à New York, j'ai revu la Statue de la Liberté. Quelle vision magnifique! J'ai rejoint Vancouver, Washington, en train. Les MP ne sont pas restés plus de 5 mns avec nous. Les ex POWs les ont virés, et les officiers avec. C'était bizarre. Personne ne pouvait nous donner des ordres. Des prisonniers qui avaient été si liés en captivité se battaient à présent. Je pense que l'alcool y était pour beaucoup. Ils buvaient pour célébrer. Je suis resté 4 mois au Barnes General Hospital de Vancouver puis je suis rentré à Healdton, Oklahoma.

Durant toute cette année de captivité, j'étais considéré comme disparu au combat, considéré comme mort. Mon père a été si bouleversé et nerveux qu'il a eu le hoquet pendant tout ce temps. Il a aussi dû être hospitalisé. Ma mère répétait qu'elle savait que j'étais vivant. Et à la moitié de ma captivité, Papa et Maman ont reçu un télégramme au bureau de poste de Clemscot, Oklahoma. Il émanait de la Croix Rouge, et disait que le Private Richard R. Hill était prisonnier de guerre et non mort. Mes parents ont averti le war department de cette nouvelle. Ils ont su que j'étais POW avant le war Department. Après cela, j'ai pu correspondre avec eux. Quand je suis rentré à la maison, je ne parvenais pas à parler. Mon père ne m'attendait pas. Il est arrivé à la maison et j'étais là, assis sous le porche. Il n'est pas sorti de la voiture. Il est resté derrière son volant et s'est mis à pleurer.

Aux USA, je devais être en poste à Fort Leonardwood, Missouri. Je pensais que j'aurais la chance d'y apprendre un métier. Je savais que je voulais faire soudeur. J'ai épousé une fille de mon patelin appelé Lawanna. Elle avait commencé à m'écrire quand elle avait appris que j'étais POW. On est allé passer notre lune de miel à Hot Springs, Arizona. Mais l'armée avait une petite surprise pour moi. J'ai reçu l'ordre de me présenter à Vancouver. Là, ils m'ont mis à la garde de prisonniers italiens. Et je n'ai pas aimé ce que j'ai vu. Je ne croyais pas mes yeux quand j'ai vu qu'ils s'amusaient comme des fous. Par rapport à ce que j'avais enduré, ils faisaient la fête et draguaient les Américaines. Malheureusement, un soir, j'ai bu quelques bières de trop et je suis parti en vrille. Avant que je ne comprenne ce qui se passait, je tenais un italien en joue avec mon revolver pointé sur sa tête. Je n'ai pas été très sympa avec la fille non plus. Je ne comprenais pas comment elle pouvait s'amuser ainsi avec l'ennemi. Puis j'ai réalisé ce que j'étais en train de faire. Je suis retourné au baraquement et j'ai rendu mon arme. Je m'y dirigeais mais je me suis allongé en chemin sous un gros arbre et me suis endormi. Plus tard, quelqu'un m'a mis dans ma couchette. Le lendemain, la police militaire est venue me chercher. Je devais comparaître devant le général le jour suivant. Il m'a dit qu'ils avaient suffisamment de charges contre moi qu'ils pouvaient m'envoyer derrière les barreaux pour toujours. Mais il a dit aussi qu'ils n'auraient jamais dû me mettre dans cette situation après tout ce que j'avais enduré. On m'a démobilisé.

J'ai appris plus tard que seuls 18 hommes des 100 soldats de ma compagnie étaient rentrés chez eux. Quand je suis rentré chez moi, je n'ai plus voulu parler de mes expériences de la guerre. C'était trop douloureux. J'en faisais des cauchemars parfois. Au fil du temps, le Seigneur m'a aidé à assumer mon passé et à présent, je souhaite que mon histoire soit connue. J'ai vécu une longue et belle vie et ai eu la chance d'avoir une famille merveilleuse.

Ceci est une liste des soldats avec qui j'étais ami durant la guerre. Certains ont été rencontrés à l'entrainement et d'autres en captivité. ?Hester, Ralph (Greenville, SC) - Green, Lester (Texas) - Norris, Bill (Tishmingo, OK) - Manning, Dan (Philadelphia, PA) - Henson, Louis (Atlanta, GA) - Sears, Bill (Alabama) - Estes, Arthur (Clifton Forge, VA) - Roper, Roy (Tyler, TX) - Fulkner, Truman (Big Springs, TX) - Hencherd, Johnie (Norman, OK) - Bennett, Ray J. (Camargo, OK) - Lambeth, Bob (Texas)

Richard R. Hill     (30 Septembre, 2007)

Traduction réalisée par Denis van den Brink.