J'étais parachutiste durant la seconde
guerre mondiale.
J'appartenais à la 82ème division aéroportée,
508ème régiment, Compagnie E. J'ai suivi ma formation à
Fort Benning en Georgie.
Mon sergent chef instructeur avait du mal avec moi. A deux reprises, il m'a
surpris hors de la formation. Il m'a attrapé une première fois
alors que je cueillais des mûres sur le bord de la route. La seconde
fois, un chien avait bloqué un écureuil en haut d'un arbre et
j'avais couru à son secours. La nuit, dans les baraquements, quand
tout le monde était prêt à se coucher pour dormir, je
me levais dans l'obscurité et hurlais le cri de tarzan. Un peu plus
tard, le sergent chercha à savoir qui faisait cela. Quelqu'un m'a désigné
dans la foule. Il a dit : "Hill, j'aurai du me douter que c'était
toi". Mais il ne fut pas trop méchant avec moi cependant. Tout
cela était le bon temps, comparé à ce qui allait suivre.
Le 25 décembre 1943, nous avons
quitté New York City pour l'Irlande, puis l'Angleterre. En quittant
le port de New York, j'ai vu la statue de la Liberté disparaître
au loin. J'avais le coeur lourd, ne sachant pas si je la reverrai un jour.
Nous sommes arrivés à Port Stewart en Irlande, et de là
avons rejoint l'Angleterre. Nous nous entraînions et campions dans l'attente
de la "grande nuit" dans le parc magnifique de la forêt de
Nottingham. Durant les 6 mois de notre présence là bas, j'ai
rencontré une fille nommée Joan Pilgrim. Ses parents m'ont invité
chez eux et ont tout fait pour que je me sente à l'aise, chez moi si
loin de mon foyer. Nous avons parlé mariage, mais Dieu avait d'autres
projets pour moi. Le 5 juin 1944, je faisais partie de l'invasion du Jour
J en Normandie. En survolant la Manche, j'ai pris la plus importante décision
de toute ma vie en offrant ma vie au Christ. J'avais souvent entendu les bonnes
paroles durant mon enfance, lors de camps en Oklahoma. Mais à cet instant,
tout m'est revenu en mémoire et j'ai entendu l'Esprit saint m'appeler
par mon nom. Dans ce vieux C-53, je me suis agenouillé et j'ai prié.
Je voyais distinctement le visage du Christ, mais ses yeux étaient
clos. J'ai continué de prier jusqu'à ce que... Jésus
ouvre les yeux. J'ai compris alors et de manière indéniable
que j'étais sauvé pour toujours. Quoi qu'il puisse désormais
m'arriver ne dépendait plus que de Dieu.
Le "grand soir" s'est avéré
être un saut "suicide" pour faire diversion et attirer l'ennemi
afin que l'invasion terrestre puisse commencer. Ce fut un largage de nuit,
au beau milieu d'une tempête imprévue. L'avion se cabrait et
beaucoup d'hommes ne parvenaient pas à s'accrocher pour le saut. Ils
étaient littéralement jetés sur le plancher de l'avion.
Le bruit des balles contre la carlingue ressemblait à une tempête
de grêle. Mon degré de peur dépassait les bornes. Je ne
pouvais plus parler. La nuit était noire, avec quelques taches de lumières
sur le visage des hommes et au bout des avions. Au moment de sauter, le Lieutenant
Allbright était le premier à la porte. Il a accroché
son mousqueton à la static line et nous a ordonné de le suivre.
J'étais N° 2 à sauter. En descendant, je voyais les balles
traçantes qui montaient vers lui. J'ai pensé qu'il avait du
être touché. Puis je vis les traçantes autour de moi.
J'ai atterri dans un grand buisson d'épineux. Mon parachute resta accroché,
et seuls mes genoux et mes coudes touchaient le sol. Mon parachute était
percé de trous de balles. J'ai compris plus tard que le vent nous avait
écartés de la zone de saut. J'ai atterri sur la péninsule
du Cotentin dans l'Ouest de la France près de St Lô. J'étais
au sol depuis près d'une heure quand j'entendis quelqu'un approcher
derrière la haie. Je ne me rappelais plus du mot de passe en cas de
rencontre amie. Je devais dire "flash" et il devait répondre
"thunder". Quand je me suis enfin souvenu de "Flash",
c'est lui qui ne se souvenait plus de "thunder". A cet instant,
mon M1 était assemblé et pointé sur son crâne quand
il a enfin dit "Thunder". C'est une chance que je ne l'ai pas tué.
Il s'appelait Coffee. Nous avons fait du grand buisson d'épineux sur
lequel j'ai atterri notre camp de base. Nous avons planqué notre équipement
et nos réserves de nourritures dans ses grandes racines J'ai juste
conservé mon fusil et quelques grenades sur moi. Le second jour, la
fatigue due au manque de sommeil a commencé à nous peser. On
a rencontré deux autres gars et un Lieutenant. On a pensé que
les traçantes provenaient d'une ferme au loin, et que peut-être
les soldats allemands étaient encore là. Le lieutenant m'ordonna
de rester et de surveiller la ferme. Il me donna l'ordre si je voyais quelque
chose bouger, de tirer dessus. Ces 3 hommes et Coffee sont partis chercher
les mortiers et les équipements nécessaires pour s'emparer de
la ferme. Je n'ai plus jamais revu aucun d'entre eux depuis.
Au 3ème jour, je suis tombé
sur 4 autres GI's. On a trouvé une tente pour 4 hommes et une moto.
Les Allemands devaient se trouver là quand ils nous tiraient dessus.
Ils étaient partis à présent. Nous avons détruit
la tente et la moto. On les a mis en pièces. Plus tard, nous marchions
dans un verger quand les Allemands nous ont repérés et ont ouvert
le feu. Ils ont tué deux d'entre nous qui dormions dans la haie. J'ai
dit : "Foutons le camp d'ici." Nous étions cachés
derrière les pommiers et les fleurs s'envolaient dans l'air sous les
impacts de balles. J'ai été touché au pied. Ce n'était
pas grave, juste une égratignure. Cela faisait comme si une fourmi
me piquait. Les Allemands approchaient du sergent qui nous a crié ;
"Vous ne pensez pas qu'on devrait se rendre?" J'étais trop
effrayé pour faire ou dire quoi que ce soit. Il m'a probablement sauvé
la vie. Il a brandi un mouchoir blanc et les tirs se sont arrêtés.
On s'est levé. Il y avait 5 Allemands qui se sont immédiatement
emparés de tout ce qui les intéressait. Ils m'ont pris 3 paquets
de cigarettes ainsi que ma ceinture. Nous avions commencé à
avancer mais ils nous arrêtaient souvent pour fumer. Ils nous ont menés
jusqu'à une vieille grange. Il y avait là environ 15 autres
soldats prisonniers. Ils ont commencé à nous interroger, un
soldat demandant "Qui est du 504 ici, et qui est du 508". On se
contenta de lever la main. Il y avait un grande paillasse et certains d'entre
nous se sont allongés pour dormir. Deux jours plus tard, ils ont commencé
à nous envoyer plus loin en France et vers l'Allemagne. Le premier
jour où ils ont essayé de nous sortir, nous avons eu une visite
venue du ciel. On a vu un P-47 américain descendre un avion allemand.
C'était du beau boulot. Cela nous a grandement remonté le moral,
mais pas celui du conducteur du camion. Enfin, ce n'était pas vraiment
un camion, plus un vieux car d'écoliers. On y a embarqué jusqu'à
une petite ville. Il n'y avait vraiment que quelques maisons et des habitations
clairsemées. Puis ils nous ont fait monter dans des camions plus grand,
5 hommes par camion. On était 35 au total. Plus on avançait,
et plus ils ajoutaient des prisonniers. On était à l'arrière
des camions bâchés. Un jour, on a entendu l'Air Corps au-dessus
de nous. J'ai soulevé la bâche et j'ai compté 11 P-47.
Cinq d'entre eux ont plongé. Je me suis écrié ; "Dehors
tout le monde!". Le conducteur allemand avait déjà stoppé
et courrait se mettre à l'abri. Plusieurs prisonniers furent tués
par ces tirs amis. L'Air Force pensait que ces camions emportaient des soldats
allemands vers l'arrière. J'ai vu les corps alignés sur le bord
de la route. Les blessés furent portés vers une petite maison.
Un jeune soldat avait reçu une rafale en plein ventre et je l'ai tenu
dans mes bras jusqu'à ce qu'il rende son dernier soupir. Il a appelé
sa mère jusqu'à ce qu'il meure. Peut-être lui dois-je
la vie aujourd'hui. Quand j'ai hurlé à tout le monde de sortir
du camion, on est allé si vite qu'il est tombé à l'arrière
du camion. Mon pied a heurté son cou et j'ai pu plonger derrière
la haie. Je n'aurai pas pu me planquer ainsi en conditions normales. Je suis
allé me cacher derrière un bâtiment de plâtre. Une
grande femme française est apparue au coin de la maison, tenant ses
bras croisés. Elle marchait en articulant des choses inaudibles. Elle
ne s'est pas fait tirer dessus. Personne aux alentours de la maison n'a été
touché. J'étais dans le camion de tête. Il n'a pas été
touché autant que les camions de l'arrière. Après que
les P-47 en eurent fini avec nous, ce sont les P-51 qui sont arrivés.
Ils étaient 5 et ils ont réduit les camions en miettes. Il ne
restait pas un écrou. Les camions étaient en feu. Sur l'un des
camions, on avait l'impression qu'un boulet de canon avait transpercé
le moteur. Il n'y avait plus de moteur.
Il avait beaucoup plu et un des prisonniers
avait encore un peu de tabac dans une conserve "Prince Albert".
Il y a mis le feu pour le sécher plus vite. Nous étions tout
autour à contempler le feu. Un soldat allemand avait un Luger à
la hanche. Un POW s'est montré intéressé par le pistolet.
L'Allemand a enlevé le chargeur et nous a laissé manipuler l'arme.
On lui a rendu et quand il a remis le clip en place, le coup est parti. Un
POW nommé Borhman a reçu la balle dans le ventre. Il s'est écroulé
en boule au sol. Je n'ai jamais vu quelqu'un si mal encaisser le coup que
ce soldat allemand. Il est tombé à genoux et s'est mis à
pleurer. Il a rampé vers Bohrman et lui a parlé en allemand.
Bohrman lui a d'abord répondu par des injures, puis il l'a regardé
dans les yeux et il a dit ; "je te pardonne... je sais que tu ne voulais
pas faire ça." On l'a porté avec une échelle vers
une maison des environs. Il m'a dit qu'il savait que c'était fichu
pour lui. Il dit que peut-être il pourrait s'en sortir s'il recevait
une assistance médicale. J'ai appris plus tard qu'il est mort dans
la nuit.
On était dans la merde à
partir de ce moment. Ils nous ont fait marcher ou bien nous ont fait monter
comme du bétail dans des wagons, nous dirigeant vers l'est, via Alençon
et Paris. Et chaque fois que notre aviation nous repérait, elle plongeait
sur notre colonne. Ces avions tiraient sur tous les rassemblements d'hommes
qui marchaient en groupe. C'était mon 4ème jour de captivité
et j'avais très faim, vraiment faim. Ils nous ont mis dans un endroit
assez proche de la cathédrale Notre dame à Paris. Nous sommes
entrés dans un vieux bâtiment et nous avons croisé une
trentaine de moines qui partaient. Ils portaient des chapeaux et des robes
noires. On a pris ce qu'ils avaient, et il n'y avait pas grand chose chez
ces moines. C'est là que nous avons trouvé une vache qui avait
été tué dans un bombardement. On l'a mangé. J'ai
eu le foie. J'ai bouffé tout ce que je pouvais. Je sais que cela m'a
beaucoup aidé. On est finalement sorti de ce merdier et on est entré
dans Paris. Ils nous ont filmés à des fins de propagande. Nous
étions 50 POWs et ils nous ont fait défiler dans les rues de
Paris. Ils nous filmaient sous tous les angles comme pour montrer qu'il y
avait beaucoup plus que 50 prisonniers. Les rues étaient pleines de
français. Beaucoup nous faisaient le V de la victoire ou essayaient
de nous serrer la main. Les gardes allemands les frappaient pour les éloigner.
Il y avait une femme magnifique avec un chapeau qui se tenait sur un bloc
de béton. Elle m'a lancé un énorme sourire et s'est approchée
de moi en trottinant. Elle s'est mise sur la pointe des pieds et j'ai cru
qu'elle allait m'embrasser. Je me suis penché comme pour recevoir son
baiser, mais au lieu de cela, elle m'a giflé. Je ne l'oublierais jamais.
Cela m'a vrillé la tête. Elle m'avait vraiment frappé
fort. Au même moment, un garde lourdement botté m'a donné
un coup de pied dans le dos. Cela m'a bousille le coccyx pour le restant de
ma vie. Les semaines suivantes, j'ai dû voyager à genoux tellement
j'avais mal.
On a finalement pris un train pour quitter
Paris. Ce train a été mitraillé deux fois. C'est une
chose horrible de se trouver enfermé dans une boite que quelqu'un au-dessus
de vous utilise comme cible d'entrainement. On a traversé Francfort
où l'on a débarqué pour traverser la ville à pied.
On est entré dans un bâtiment qui était une école.
Ils nous ont procuré un peu de nourriture, de l'orge avec du lait.
C'est l'une des meilleures choses que j'ai jamais mangées. Leur café
était aussi à base d'orge.
Je fus conduit à un camp de prisonniers
appelé Stalag 13 B à Weiden. Il y avait 5 gros fours alignés.
C'était probablement pour le chauffage mais à l'époque,
dans un coin de ma tête, je pensais qu'ils servaient à autre
chose. Une fois, en pleine nuit, en me rendant aux toilettes, j'ai vu un homme
debout devant moi. Il avait l'air américain et portait un T shirt blanc
et un pantalon Khaki. J'ai dit "excusez-moi" afin qu'il me laisse
le passage. Il est resté immobile. J'ai avancé ma main pour
l'écarter et mon bras est passé à travers lui. Cela m'a
foutu une sacré trouille. J'ai cru devenir fou. Un peu plus tard, un
autre prisonnier a connu la même aventure. Puis on a trouvé un
projecteur qu'ils utilisaient pour projeter des images. J'ai pensé
qu'ils nous infligeaient des tortures psychologiques. C'était vraiment
effrayant.
On m'a transferé au stalag 4B à
Mulberg quelques jours plus tard. Les camps étaient dirigés
comme des petites villes. Les Britanniques étaient les maîtres
des camps. Ne vous méprenez pas, les Allemands étaient bien
les gardiens des camps, et ils étaient efficaces. Si vous travailliez
un peu, vous pouviez faire un peu de troc. On pouvait aussi échanger
des objets de nos colis de la Croix Rouge. Il y avait tout un système
en place qui décidait de la valeur des choses. J'ai reçu un
petit pot de moutarde et un peu de cirage noir. Quand j'y repense, je n'ai
aucune idée de ce que je pouvais faire avec du cirage noir. Les Britanniques
venaient tous les matins nous apporter les nouvelles, comme si cela venait
de la radio. Les Russes étaient installés près de nos
baraquements, derrière une clôture. On marchandait avec eux à
travers la clôture. Les Russes excellaient à fabriquer toutes
sortes de choses à partir de boites de conserve de nos colis de la
Croix Rouge. J'ai acheté un collier en forme de coeur fabriqué
par un prisonnier russe. Pour dormir, il y avait 3 couchettes superposées
avec un matelas de paille. J'ai toujours eu la paillasse du bas. On voyait
le jour à travers les planches au-dessus de ma tête. J'étais
nourri exclusivement de pain et de quelques patates. Les patates étaient
bonnes. Elles étaient généralement servies en purée
ou frites. Ils faisaient aussi des boulettes de patates...
Du Stalag IV B, on m'a envoyé dans
les Sudètes, à la frontière occidentale de la tchécoslovaquie.
J'ai été désigné par les Anglais pour travailler
dans les mines de charbon. On est parti en train puis on a marché.
Il faisait froid. On a marché sur des kilomètres et des kilomètres
à travers la montagne. Il y avait beaucoup de neige au sol. Nous n'avions
pas de chaussures. Mes bottes m'avaient été retirées
dès ma capture. Je portais des chaussures faites de chiffons et de
bois. J'ai de la chance de ne pas avoir perdu d'orteil à cause des
gelures, comme c'est arrivé à nombre d'entre nous. En traversant
Prague, une femme a laissé tomber une carotte grosse comme une bouteille
de sous ses vêtements. Je l'ai ramassée et l'ai dévorée.
Elle a aussi laissé tombé une paire de gant en mousse, mais
je ne l'ai pas ramassée.
Nous nous attendions à un camp de
grande taille mais il n'y avait en fait qu'une petite maison. Je ne me souviens
plus du nom officiel du camp, mais nous l'avons nommé "Howe".
Peut-être la contraction d'un nom allemand? Environ 15 prisonniers américains
travaillaient là, soit dans les mines de charbon, soit dans l'usine
de verroterie. J'y suis resté environ 8 mois. Je travaillais 10 heures
par jour et je charriais 10 à 13 tonnes de charbon par jour. J'ai connu
un POW qui a tenté de s'échapper et qui a été
tué. Le matin même, il m'avait dit qu'il ne serait plus là
le lendemain. J'avais compris qu'il parlait d'évasion, mais je ne pensais
pas qu'il passerait à l'acte. Il était juif. Il avait des ennuis.
Les rats le mordaient la nuit alors qu'il essayait de dormir. Les Allemands
lui ont tiré dessus à 12 reprises quand il a tenté de
s'échapper. Ils ont mis son corps dans un grand panier tressé
et l'ont laissé dans notre bâtiment. Ils voulaient qu'on ait
le temps de le contempler. Le lendemain, quelques gars de corvée l'ont
emmené loin dans les montagnes pour l'enterrer. Une autre fois, deux
POWs ont essayé de s'échapper. Après les avoir capturés,
les gardes allemands les ont poursuivis à bicyclette. Ils précipitaient
les roues de leurs vélos dans les jambes des prisonniers, leur arrachant
la peau des jambes. Plus tard, un autre prisonnier et moi-même furent
accusés d'avoir essayé de saboter une des mines. Mais finalement,
c'est un garde allemand qui fut déclaré coupable et puni. Cela
aurait vraiment pu mal tourner. Pendant tout ce séjour, la faim nous
rongeait de l'intérieur. Nous mangions n'importe quoi pour survivre.
Nous avons mangé du chien plus d'une fois. Nous avons essayé
un soir d'attirer un chat dans notre enclos pour en faire un civet. Le chat
ne s'est pas laissé avoir. Nous faisions bouillir de l'herbe en place
de soupe. Les Allemands nous donnaient les pelures de pommes de terre à
faire bouillir. Ils ignoraient que le meilleur de la patate est dans la peau.
Le Fuehrer Hoffmann était notre garde principal durant toute ma captivité.
Ses bras étaient constellés des montres qu'il avait volées
aux américains et à d'autres soldats. Une fois, les Tchèques
avaient préparé une soupe pour les prisonniers faite de lait
et d'oeufs. Nous nous étions alignés avec nos petites cantines
pour recevoir notre part quand Hoffman est apparu et a renversé ma
marmite d'un coup de pied. Toute la soupe s'est répandue au sol. Un
garde allemand semblait montrer un peu de compassion à notre égard.
Quand Hoffmann était absent, il nous laissait sortir du camp pour aller
ramasser quelques pommes de terre. Les Tchèques les enterraient dans
les collines environnantes. Je suis passé de 72 kgs à 49 kgs.
Et je mesure 1,80 m. J'ai failli mourir de faim. J'avais un petit carnet et
j'y écrivais les bonnes choses que j'aimerais manger un jour. Le plat
principal était un steak, avec du poulet rôti, des frites et
de la sauce. Un jour, 5 d'entre nous ont attrapé la dysentrie. J'étais
très malade. On a reçu quelques médicaments qui nous
ont soignés...
Enfin, l'heure de la libération
approchait. Les troupes américaines et Russes approchaient et on avait
de plus en plus de liberté de mouvement. Tout disparaissait. Les Tchèques
ont pris le relais pour nous nourrir. La plupart des allemands sont partis.
Certains sont restés dans une vieille église. Mon pote et moi
sommes descendus au village. On nous a identifiés comme américains
et on nous a dit qu'une jeep américaine venait de passer. Et comme
de juste, 30 minutes plus tard, un gros char américain est arrivé
dans le village. Je m'étais juré d'embrasser le derrière
du premier GI que je verrais. Bon! Il était sur un tank, et paraissait
bien sale et de mauvais poil. Il m'a laissé l'opportunité de
le faire mais je ne l'ai pas fait. Il nous a cependant donné, à
mon pote et à moi un plein paquet de cigarettes. Il nous a conseillé
de retrouver notre unité. Des dispositions étaient en cours
pour nous évacuer. Cela paraissait loin mais cela ne prit que quelques
jours avant que l'on ne vienne nous chercher.
Lorsque nous avons été libérés,
on a eu la possibilité de nous venger sur certains méchants
allemands. Ils nous ont dit de choisir quelques allemands parmi les prisonniers
et de nous amuser un peu. Même si j'avais eu envie de tomber sur le
dos des allemands, je savais que Dieu était seul juge et seul jury
et que je ne pourrais pas vivre avec cela plus tard. Un pote ancien POW lui
s'est un peu vengé. Il a emmené Hoffman et l'a aligné
avec 10 des gardes les plus vicieux. Il y avait 5 hommes de chaque côté
d'Hoffman. Il les a descendus à commencer par les hommes des extrémités,
leur tirant dans les genoux jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'Hoffman.
Il l'a finalement tué. A aucun moment il n'a demandé pitié.
On nous a menés jusqu'à une
grande maison où nous devions rester jusqu'à notre évacuation.
On avait des poux et il fallait nous donner un traitement. On nous a conseillé
de piquer ce qui nous faisait plaisir. Il y avait des fusils qui avaient été
jetés au fond d'une mare. J'ai pris un très beau fusil belge
et j'ai réussi à le ramener chez moi. Les autorités de
la ville avaient obtenu que chacun se débarrasse de ses armes. Nous
étions une trentaine dans la maison? J'étais au second étage.
J'ai aussi trouvé quelques très beaux couverts en argent. Je
les ai envoyés chez moi mais ils n'y sont jamais arrivés. A
la fin de la guerre, l'armée confisquait tout ce qui lui semblait avoir
de la valeur. J'ai aussi mis la main sur une montre à gousset en or
et une pipe faite de verre et de bois. Mais par-dessus tout, je désirais
rentrer chez moi.
Nous avons pris un avion jusqu'au camp
Lucky Strike, en France. Il y avait à tout ce que nous désirions
manger. Un des ex POWs est mort d'avoir trop mangé. Il a mangé
tant de donuts que ça l'a tué. J'avais englouti 4 boites de
cacahuètes et j'attaquais ma 5ème quand on m'a arrêté.
J'aurais pu mourir moi aussi. Il fallait être très prudent sur
la manière de réhabituer notre organisme à la nourriture.
J'ai quitté Le Havre en bateau.
La mer était mauvaise. En arrivant à New York, j'ai revu la
Statue de la Liberté. Quelle vision magnifique! J'ai rejoint Vancouver,
Washington, en train. Les MP ne sont pas restés plus de 5 mns avec
nous. Les ex POWs les ont virés, et les officiers avec. C'était
bizarre. Personne ne pouvait nous donner des ordres. Des prisonniers qui avaient
été si liés en captivité se battaient à
présent. Je pense que l'alcool y était pour beaucoup. Ils buvaient
pour célébrer. Je suis resté 4 mois au Barnes General
Hospital de Vancouver puis je suis rentré à Healdton, Oklahoma.
Durant toute cette année de captivité,
j'étais considéré comme disparu au combat, considéré
comme mort. Mon père a été si bouleversé et nerveux
qu'il a eu le hoquet pendant tout ce temps. Il a aussi dû être
hospitalisé. Ma mère répétait qu'elle savait que
j'étais vivant. Et à la moitié de ma captivité,
Papa et Maman ont reçu un télégramme au bureau de poste
de Clemscot, Oklahoma. Il émanait de la Croix Rouge, et disait que
le Private Richard R. Hill était prisonnier de guerre et non mort.
Mes parents ont averti le war department de cette nouvelle. Ils ont su que
j'étais POW avant le war Department. Après cela, j'ai pu correspondre
avec eux. Quand je suis rentré à la maison, je ne parvenais
pas à parler. Mon père ne m'attendait pas. Il est arrivé
à la maison et j'étais là, assis sous le porche. Il n'est
pas sorti de la voiture. Il est resté derrière son volant et
s'est mis à pleurer.
Aux USA, je devais être en poste
à Fort Leonardwood, Missouri. Je pensais que j'aurais la chance d'y
apprendre un métier. Je savais que je voulais faire soudeur. J'ai épousé
une fille de mon patelin appelé Lawanna. Elle avait commencé
à m'écrire quand elle avait appris que j'étais POW. On
est allé passer notre lune de miel à Hot Springs, Arizona. Mais
l'armée avait une petite surprise pour moi. J'ai reçu l'ordre
de me présenter à Vancouver. Là, ils m'ont mis à
la garde de prisonniers italiens. Et je n'ai pas aimé ce que j'ai vu.
Je ne croyais pas mes yeux quand j'ai vu qu'ils s'amusaient comme des fous.
Par rapport à ce que j'avais enduré, ils faisaient la fête
et draguaient les Américaines. Malheureusement, un soir, j'ai bu quelques
bières de trop et je suis parti en vrille. Avant que je ne comprenne
ce qui se passait, je tenais un italien en joue avec mon revolver pointé
sur sa tête. Je n'ai pas été très sympa avec la
fille non plus. Je ne comprenais pas comment elle pouvait s'amuser ainsi avec
l'ennemi. Puis j'ai réalisé ce que j'étais en train de
faire. Je suis retourné au baraquement et j'ai rendu mon arme. Je m'y
dirigeais mais je me suis allongé en chemin sous un gros arbre et me
suis endormi. Plus tard, quelqu'un m'a mis dans ma couchette. Le lendemain,
la police militaire est venue me chercher. Je devais comparaître devant
le général le jour suivant. Il m'a dit qu'ils avaient suffisamment
de charges contre moi qu'ils pouvaient m'envoyer derrière les barreaux
pour toujours. Mais il a dit aussi qu'ils n'auraient jamais dû me mettre
dans cette situation après tout ce que j'avais enduré. On m'a
démobilisé.
J'ai appris plus tard que seuls 18 hommes
des 100 soldats de ma compagnie étaient rentrés chez eux. Quand
je suis rentré chez moi, je n'ai plus voulu parler de mes expériences
de la guerre. C'était trop douloureux. J'en faisais des cauchemars
parfois. Au fil du temps, le Seigneur m'a aidé à assumer mon
passé et à présent, je souhaite que mon histoire soit
connue. J'ai vécu une longue et belle vie et ai eu la chance d'avoir
une famille merveilleuse.
Ceci est une liste des soldats avec qui
j'étais ami durant la guerre. Certains ont été rencontrés
à l'entrainement et d'autres en captivité. ?Hester, Ralph (Greenville,
SC) - Green, Lester (Texas) - Norris, Bill (Tishmingo, OK) - Manning, Dan
(Philadelphia, PA) - Henson, Louis (Atlanta, GA) - Sears, Bill (Alabama) -
Estes, Arthur (Clifton Forge, VA) - Roper, Roy (Tyler, TX) - Fulkner, Truman
(Big Springs, TX) - Hencherd, Johnie (Norman, OK) - Bennett, Ray J. (Camargo,
OK) - Lambeth, Bob (Texas)