Men of D-Day


    
 Troop Carrier
Michael N. Ingrisano
Robert E. Callahan
Benjamin F. Kendig
John R. Devitt
Arthur W. Hooper
Ward Smith
Julian A. Rice
Charles E. Skidmore
Sherfey T. Randolph
Louis R. Emerson Jr.
Leonard L. Baer
Robert D. Dopita
Harvey Cohen
Zane H. Graves
John J. Prince
Henry C. Hobbs
John C. Hanscom
Charles S. Cartwright
 
 82nd Airborne
Leslie Palmer Cruise Jr.
Marie-T Lavieille
Denise Lecourtois
Howard Huebner
Malcolm D. Brannen
Thomas W. Porcella
Ray T. Burchell
Robert C. Moss
Richard R. Hill
Edward W. Shimko
 
 101st Airborne
John Nasea, Jr
David 'Buck' Rogers
Marie madeleine Poisson
Roger Lecheminant
Dale Q. Gregory
George E. Willey
Raymond Geddes
 
 Utah Beach
Joseph S. Jones
Jim McKee
Eugene D. Shales
Milton Staley
 
 Omaha Beach
Melvin B. Farrell
James R. Argo
Carl E. Bombardier
Robert M. Leach
Joseph Alexander
James Branch
John Hooper
Anthony Leone
George A. Davison
James H. Jordan
Albert J. Berard
Jewel M. Vidito
H. Smith Shumway
Louis Occelli
John H. Kellers
Harley A. Reynolds
John C. Raaen
Wesley Ross
Richard J. Ford
William C. Smith
Ralph E. Gallant
James W. Gabaree
James W. Tucker
Robert Watson
Robert R. Chapman
Robert H. Searl
Leslie Dobinson
William H. Johnson
 
 Gold Beach
George F. Weightman
Norman W. Cohen
Walter Uden
 
 Juno Beach
Leonard Smith
 
 Sword Beach
Brian Guy
 
 6th Airborne
Roger Charbonneau
Frederick Glover
Jacques Courcy
Arlette Lechevalier
Charles S. Pearson
 
 U.S.A.A.F
Harvey Jacobs
William O. Gifford
 
Civils
Philippe Bauduin
Albert Lefevre
René Etrillard
Suzanne Lesueur
Marie Thierry
 

 

John Hooper
Omaha Beach - 115th Infantry Regiment, 1st Bn, Hq Co, A&P Platoon

Je m'appelle John Hooper, peloton de pionniers, compagnie QG, 1er Bataillon du 115e Régiment de la 29e Division d'infanterie. C'est une opportunité inhabituelle pour moi de relater le moment ancré dans ma mémoire le plus excitant et le plus effrayant de ma vie : cette première journée d'action sur la côte normande dans le secteur nommé Easy Red.

Bien qu'étant en 1991, je peux toujours me rappeler précisément ces jours de 1944, l'interminable préparation en Angleterre et cette journée de terreur le 6 Juin. Je venais d'avoir 19 ans trois mois avant et j'avais été affecté au 115e régiment de la division en tant que remplaçant après mon arrivée en Angleterre via l'Ecosse en Janvier. Nous, les remplaçants, passions inaperçus dans une division qui était au Royaume-Uni depuis fin 1942. Visiblement nous étions là pour compléter le tableau d'organisation de la division pour quelque chose d'important sur le point d'arriver. Les rumeurs de caserne voulaient qu'une invasion de la France soit imminente mais toute la question était de savoir où et quand elle aurait lieu ?

Notre chef de bataillon était le Lieutenant Colonel Richard Blatt, un grand et imposant officier sortit de West Point qui, lorsqu'il réunissait le bataillon pour faire un discours, s'adressait à nous les types de la compagnie QG en disant : " vous les spécialistes ". Chaque bataillon avait dans sa compagnie QG un peloton de reconnaissance ou de renseignement, un peloton anti-char et un peloton de pionniers auquel j'étais assigné. La tâche de ce dernier consistait à poser des mines, trouver et enlever les mines ennemies, poser des obstacles en fils barbelés, réapprovisionner le bataillon en munitions, détruire des obstacles et en général faire le même travail que celui des troupes du génie.

Nous n'étions pas autorisés à tenir des journaux ou à avoir des appareils-photos. Vers la mi-Mai, on nous dit de renvoyer chez nous toutes les choses qui n'étaient pas essentielles, que nous ne pouvions ou ne voulions pas emporter. A ce moment nous rendîmes nos uniformes HBT fatigués. Nous ne les porterions plus. Il y avait beaucoup d'activité dans le camp mais on ne nous ordonna rien de particulier. Allions-nous vraiment partir ou pas ? Un matin nous embarquâmes dans des camions pour parcourir la quinzaine de Kms nous séparant de Plymouth et rejoindre une base navale appelée base Sir Walter Raleigh. Une fois les portes refermées, plus personne n'était autorisé à sortir. Nous étions cantonnés dans les casernes de la Navy et un détachement de la 5e Division blindée préparait en grande quantité le genre de repas que nous n'avions pas pu apprécier auparavant. On nous servait des steaks et de délicieux menus que nous n'avions pas vus depuis notre départ des Etats-Unis. Les blagueurs disaient qu'on nous engraissait avant que nous nous fassions tuer. Là-bas on nous donna des manuels de français et on paya l'équivalent de quatre dollars en "monnaie d'invasion". On nous emmena à l'extérieur au rythme d'un peloton à la fois dans un bâtiment spécialement grillagé où de grandes cartes de la côte française étaient exposées, et on nous dit que l'invasion aurait lieu dans les semaines à venir. Le Colonel Blatt pointa l'objectif du régiment, un petit village situé à 2kms ou plus de la côte. Il l'appela "Saint Laurent sur Mer". La carte révélait le tracé que nous allions essayer d'emprunter pour quitter la plage. Notre chef de peloton avait reçu l'ordre d'installer ses hommes sur une portion de route menant au sud, situé juste à l'est du village. On nous dit que notre régiment ne serait pas en tête, ceci était réservé au 116e régiment de la division avec quelques éléments de la 1e Division d'infanterie. Nous serions de la deuxième vague et serions débarqués avec des munitions et des explosifs supplémentaires. Nous avions été entraînés intensivement à débarquer sur la côte anglaise alors je suppose que nous nous considérions aussi prêts que nous ne le serions jamais. Nous vérifiâmes nos masques à gaz dans le bâtiment prévu pour et on nous donna de nouveaux uniformes OD imprégnés d'un produit chimique huileux résistant au gaz.

C'était durant les derniers jours de Mai sous un beau soleil printanier et je regardai le vaste port de Plymouth, le soleil brillait sur les centaines de bateaux bercés silencieusement dans leur mouillage. Cette nuit là un avion allemand solitaire survola Plymouth. Les grands projecteurs s'allumèrent et révélèrent l'avion durant un moment pendant que le feu de l'artillerie anti-aérienne remplit le ciel. Je fus stupéfait qu'aucune bombe ne fut larguée et que l'avion disparut dans la nuit. Nous pensions à la cible formidable que représentaient tous ces bateaux d'invasion ancrés dans le port. Il reviendrait sûrement et cette fois avec pleins d'amis mais le principal souvenir de cette nuit là est un inquiétant souvenir.

Le jour suivant nous fûmes conduits de la base navale aux docks où des rangées entières de bateaux attendaient. Ils semblaient neufs, lisses et brillants, pas comme ces petites embarcations ressemblant à des boites, avec lesquelles nous nous entraînions. Ces bateaux avaient l'apparence de yachts privés. Longs et minces mais hérissés de canons de 20mm. Nous embarquâmes par des rampes juste assez larges pour une seule compagnie. Je crois qu'il pouvait contenir notre compagnie entière moins les armes anti-char. Le capitaine du navire nous accueillit depuis un pont miniature et nous dit que son bateau était un Landing Craft Infantry (LCI), de grosses lettres blanches étaient peintes sur sa coque : LCI 455. Je pris note de ceci et écrivit à mes parents en mentionnant ce chiffre au cas où ils verraient ce bateau dans les journaux qui couvriraient sûrement l'invasion.

Une fois à bord et assignés dans nos quartiers, nous étions libres de nous relaxer, de lire quelques papiers des forces armées ou d'écouter des disques avec le tourne disque portable prêté par la Navy. Les rations étaient préparées par les cuisiniers de la Navy. Un marin apporta une caisse remplit d'inhabituelles boîtes de soupe. C'étaient des boîtes grises, fabriquées en Angleterre, environ deux fois plus grosses que les boîtes conventionnelles avec l'unique caractéristique de posséder un mécanisme auto chauffant activé par un piston en fer. J'en pris deux. Nous quittâmes Plymouth et plusieurs heures après nous nous rassemblâmes dans un autre port, quelqu'un dit que nous étions à Weymouth. Le Jour-J était prévu pour le lendemain matin, lundi 5 Juin 1944. Des prospectus contenant un message d'Eisenhower expliquant la grande tâche à venir furent distribués. Je pliai soigneusement le prospectus et le mis dans la poche de ma chemise. Je l'inclurais dans ma prochaine lettre pour mes parents. Je l'aurais pour toujours dans le livre de souvenirs que mes parents avaient commencé à assembler.

Des offices religieux avaient lieu cette nuit du 4 Juin. J'étais de garde ce qui ne signifiait rien de plus qu'être debout sur le pont scrutant la nuit toutes les deux heures. Cela me paraissait une chose assez insensée à faire à cause des centaines de bateaux ancrés ici. Notre équipement fut revérifié. Nos masques à gaz, qui incluait un large sac en plastique vert se terminant par du plastique transparent, formant un carreau de vision à 360°, étaient pliés dans un paquet de 4x8 inches. Une fois ouvert cela couvrirait entièrement le soldat et devrait le protéger contre n'importe quel type de produit chimique que les allemands pourraient utiliser.

En plus des tenues anti-gaz précédemment mentionnées, je portais une paire de chaussures en cuir lisse, tout comme celles de la première guerre mondiale. Les autres avaient les chaussures régulières. Tout le monde portait des pantalons de toile et les vestes de combat brunes ou kakis. Nos paquetages étaient quasiment les mêmes que ceux de la grande guerre. Des pelles de tranchée pliables du nouveau modèle étaient sanglées dans leur étui de toile. Dans mon paquetage il y avait six boîtes (des rations K pour deux jours) en plus des deux boîtes britanniques de soupe auto chauffantes que j'avais ramassées plus tôt. Nous avions aussi un imperméable, une paire de chaussettes, un change de vêtements ainsi qu'un sac de tissu contenant un nécessaire de rasage et une brosse à dent. Ma gaine contenait un compartiment avec deux chargeurs pour ma carabine M-1. Celle-ci était attachée le long de la gaine avec l'habituelle trousse de premiers soins. J'avais deux grenades à fragmentation attachées aux sangles de mon paquetage. A ce moment là, on nous donna des gilets de sauvetage gonflables. Ils se gonflaient lorsqu'on pressait des pinces.

Ce soir là nous commençâmes à naviguer sur la Manche. La mer était assez houleuse et notre petit bateau tanguait et rebondissait inconfortablement mais nous fîmes demi-tour en direction du port de Weymouth. On nous prévint que l'invasion avait été reportée de 24 heures. Nous apprîmes que le temps n'était pas favorable pour ce que nous avions à faire. Nous nous relaxâmes encore et songeâmes au lendemain. Je m'assis sur ma couchette et écrivis une autre lettre. Il me semble que je dormis un peu aussi. Ensuite le lieutenant du peloton des communications fit une annonce assez surprenante. S'adressant au sergent de son peloton et à tous ceux qui étaient à portée de sa voix :
-"Sergent je veux que vous compreniez que vous avez ma permission pour exécuter chaque ordre que je donne ici."
Je pensais que c'était une annonce pompeuse et inutile. Nous étions soldats et les soldats sont conditionnés à l'obéissance. Pourquoi faire une telle remarque ? (Je reviendrai sur ce lieutenant plus tard).

Tard dans l'après-midi du 5 Juin, les moteurs du bateau redémarrèrent et nous prîmes la direction de la France. Comme notre petit bateau approchait de la côte normande nous entendions le martèlement lourd des explosions. Une annonce fut faite plus tôt disant qu'aucune personne n'était autorisée sur le pont alors nous imaginâmes ce qu'il pouvait arriver comme le bateau s'ébranlait à chaque explosion, faisant résonner la coque comme si elle était une sorte de cloche géante étouffée. La tension montait et le silence était omniprésent lorsque quelqu'un grâce au haut parleur nous avertit de nous accrocher à quelque chose de solide car le navigateur était sur le point d'approcher le bateau aussi près du rivage que possible. Il dit aussi que nous étions à une centaine de mètres ou plus du point de débarquement assigné et qu'un marin tenterait bientôt de patauger jusqu'à la plage avec une corde attachée à une ancre que nous pourrions utiliser pour nous stabiliser dans le ressac. Il nous souhaita bonne chance et nous nous dirigeâmes vers le pont, notre section passa par-dessus la rampe tribord. Enfin sur le pont, il n'y avait plus aucun doute : nous étions en pleine guerre. D'énormes explosions semblaient venir de partout. Je me demandai si elles provenaient de mines ou d'obus. Alors que je descendais rapidement, je jetai rapidement un coup d'oeil à ma montre. Il était 8h20.

J'avais de l'eau jusqu'à la taille, j'actionnai le système de gonflage de mon gilet de sauvetage, juste au cas où l'eau fut trop profonde. Nous transportions tous des munitions en abondance. J'avais deux bandes de cartouches pour fusil en plus de ma propre réserve de cartouches et vingt livres de TNT dans un paquet imperméable que nous appelions " satchel charge ". Je ne pouvais pas utiliser ma carabine, qui était dans son enveloppe imperméable verte, avant d'avoir atteint la plage ce qui m'inquiétait quelque peu. En pataugeant dans l'eau je me rappelle avoir essayé de faire une plaisanterie ridicule, simplement pour dissiper la tension montante je suppose. Il me semble que ce fut quelque chose comme :
-"Hé les gars on ferait mieux de foutre le camp d'ici, on dirait qu'ils ne veulent pas de nous !"
Je ne voyais pas grand-chose au-delà de la plage car une fumée épaisse recouvrait les hauteurs devant moi. Elle recouvrait la zone entière d'ouest en est.

Avançant sur la plage, je m'accroupis, pas sur du sable comme je m'y attendais, mais sur des galets, je rampai entre deux chars au bord de l'eau. Celui qui était sur ma gauche semblait être en feu mais les deux tiraient avec leurs canons de 75mm. Des morts et des blessés étaient éparpillés partout. Mon dieu je découvris que j'étais en train de ramper sur des galets ruisselants de sang, et à ma droite un type semblait être coupé en deux ; ces deux parties tenant seulement grâce à ses vêtements. Arrachant le plastique protégeant ma carabine, je détachai immédiatement ma bouée de sauvetage ce qui me permis d'être plus près du sol de quelques centimètres. Je pouvais voir des obus éclater en ligne devant moi par intervalles de cinq secondes. Je décidai de m'éloigner et me redressant je courus sur environ 60m lorsqu'un obus éclata derrière moi. Me retournant à cet instant, j'en vis un frapper la rampe du LCI que j'avais quitté quelques moments plus tôt. La confusion la plus complète s'ajoutait à cette situation effrayante. Prenant conscience qu'il se pourrait que je ne quittasse pas la plage vivant, ma confusion en fut encore plus grande. Les explosions presque ininterrompues provenant à la fois des obus ennemis et du feu de la Navy étaient terrifiantes ! Dans quelle direction devais-je aller ? J'aperçu le sergent de mon peloton, à cent mètres ou plus en avant, qui nous ordonnait de le rejoindre. Là bas, où un trou avait été creusé dans les fils barbelés, nous tentâmes d'atteindre un coin plus abrité dans le versant surplombant la plage.

Mes pensées suivantes furent pour les mines, passant dans un petit trou d'obus j'en vis une, à demi exposée, alors je sautais par-dessus elle. Un autre sifflement d'obus en approche me fit plonger au sol. Il explosa terriblement près, derrière moi. Alors que j'essayai de me relever, je me rendis compte que je ne pouvais bouger un muscle. Je réalisai que j'étais complètement paralysé. Je pouvais seulement entendre quelqu'un hurler :
"- Quelqu'un est blessé ?"
Mais ne sentant aucune douleur, je pus me relever en quelques secondes. Continuant d'avancer, toujours recourbé, quelque chose sembla tirer sur mon paquetage. Me retournant, je vis que personne n'était près de moi alors je continuai d'avancer (je reviendrai là-dessus plus tard). Jetant un coup d'oeil vers la plage je vis d'énormes explosions et des débris fumants tomber du ciel. J'étais content d'être loin de la plage. Notre régiment d'assaut, le 116e d'infanterie, semblait avoir été décimé. J'avais l'impression que l'armée allemande tout entière me tirait dessus. Certaines des salves nous frappant provenaient directement de positions statiques situées à l'intérieur des terres.

Nous faisions des prisonniers dans les réseaux de tranchées que nous rencontrions mais ils n'étaient manifestement pas allemands. Ils avaient des traits orientaux et auraient pu être japonais. Ils se tenaient en petits groupes sur ce versant de la colline. Un destroyer, non loin de là sur la Manche, tira sur leurs retranchements et les défenseurs se rendirent après que des grenades leur aient été lancées. Ce fut à ce moment que je réalisai que ma main droite était trempée de sang. Je ne sentais rien et je ne pouvais imaginer ce qui avait causé ça. Je vis une entaille entre le pouce et l'index. J'enroulai mon mouchoir autour d'eux et continuai ma progression le long de la pente raide. Il y avait sur notre droite un défilé assez profond et certains d'entre nous essayaient de le prendre pour éviter les obus, mais celui-ci était sous le feu de l'artillerie à l'intérieur des terres. Je remarquai un énorme trou d'obus fait apparemment par les gros canons de la Navy dans lequel se trouvait, partiellement enterré, le nez fondu de ce qui avait du être un obus de 16 pouces. Je réalisai ensuite combien j'aurai aimé l'avoir pour collection une fois de retour à la maison. Mais comme les obus allemands tombaient dans cette zone je me désintéressai de lui. Quelqu'un d'autre aurait plus tard un joli souvenir.

Traversant le défilé à droite, nous atteignîmes une crête remplie de fumée, aussi brumeuse qu'épaisse, provenant des feux d'herbes. Nous ne voyons aucun allemand alors notre sergent tenta d'organiser notre groupe. Le chef de peloton était absent et je pensai qu'il était blessé. C'était alors le milieu de l'après midi. Avançant très prudemment, je trébuchai sur une mine sauteuse "Betty". Elle bondit et je m'aplatis au sol m'attendant à être réduit en morceaux. Elle retomba au sol dans un bruit sourd sans exploser, ce disfonctionnement était probablement dû au fait qu'elle avait passé plusieurs années en position. Nous étions bien dispersés, à 20 ou 30 mètres, les uns des autres et j'hésitai à bouger dans quelque direction que ce soit. Quand, encouragé par un autre, je me relevai et le suivis dans ses empreintes jusqu'à ce que nous crûmes être en dehors du champ de mines. Les gars avec les détecteurs de mine étaient toujours en train d'avancer sur la pente raide. Nous nous baissâmes et commençâmes à creuser pour attendre le regroupement du peloton.

Bien que sporadiquement, les obus allemands continuaient de tomber, passant au dessus de nos têtes en direction de la plage. D'où j'étais j'avais une bonne vue de celle-ci et je vis un bateau en feu ainsi que quelques chars en avançant vers la colline. Il y avait beaucoup d'avions semblant boucher le ciel, des chasseurs avec leurs bandes noires et blanches, juste tel que l'on nous avait dit qu'ils seraient marqués pendant le briefing en Angleterre. Il paraissait y en avoir des milliers faisant des allers-retours au dessus des plages et c'était une vision rassurante.

C'était difficile de tenir ma pelle pour creuser alors un infirmier me banda la main tout en me demandant ce qui c'était passé. Je lui dis que je n'en avais aucune idée et il s'en alla. Des sapeurs commençaient à marquer des passages à travers le champ de mines avec des bandes blanches alors que les choses commençaient à se calmer. Je n'aimais pas la façon dont mon bandage blanc se recouvrait de mon sang. Grandement fatigué, je m'allongeai simplement là où j'étais me demandant si la guerre durerait très longtemps. En un court instant nous étions debout avançant vers l'intérieur. Notre lieutenant surgit de nulle part. Notre peloton semblait toujours intact mais la confusion régnait et la communication avec nos chefs n'existait apparemment pas. Nous atteignîmes un corps de ferme entouré par un verger de pommiers. Les compagnies de fusiliers, dispersées de chaque côté, ne trouvèrent aucun allemand alors nous coupâmes par la ferme en direction d'une route menant au sud. Nous avancions le long de celle-ci lorsqu'un chasseur piqua en direction d'un endroit en le mitraillant et en le bombardant.

Approximativement une demi-heure plus tard nous arrivâmes près d'un char allemand qui avait été brûlé, son équipage était éparpillé au sol. Ils semblaient tous morts et salement brûlés. Parmis les corps il y avait sur la route un pied nu et blanc posé verticalement. Il était proprement séparé de son corps d'origine et n'était pas ensanglanté. Il se passait des choses tellement horribles. Ce char avait du être frappé par le chasseur que nous avions vu passer. Des buissons au bord de la route un soldat allemand appela " kameraden ". Ted Schwanke, de notre escouade, lui parla en allemand et apprit qu'il avait été salement blessé et demandait de l'aide. Nous ne pouvions rien pour lui. Schwanke lui dit que les médecins seraient bientôt dans les parages. Des coups de feu provenant d'un peu plus loin sur la route firent que nous nous abritâmes dans des bois ce qui nous empêcha de savoir d'où ceux-ci étaient tirés exactement. Les munitions commençaient alors à manquer et les bandes de cartouches que nous portions furent rassemblées et distribuées.

Ce fut là, sous un grand arbre poussant dans la haie que le lieutenant du peloton prit le fusil et les jumelles du sergent en disant qu'il allait grimper dans l'arbre pour avoir les salauds. Je me relevai pour le retenir en lui disant :
"-Ce n'est pas une bonne idée lieutenant" ou quelque chose dans le genre.
Me lançant un regard furieux il continua et trouva une bonne position de tir, il tira deux ou trois balles.
Il cria :
"- Mon dieu, je suis touché !" et tomba de l'autre côté de la haie.
Avec le sergent je plongeai dans celle-ci et le ramenai à l'abri. Il était touché à la poitrine, nous appelâmes un infirmier qui lui donna un peu de morphine. La compagnie se remit en route et nous dûmes laisser le lieutenant à d'autres. "Quel gâchis" pensais-je. Tout l'argent dépensé pour engager et entraîner ce gars qui voulut agir comme un Sergent York ! Quel terrible gâchis. Il mourut cette nuit là.

Il était tard dans l'après midi, nous longions une haie en colonne escouade par escouade. Nous étions tous très fatigués. Ca avait été une journée épuisante et nous n'avions rien mangé, bien que je ne me rappelle pas avoir eu faim. Une explosion à l'arrière de l'escouade provoqua un plaquage au sol devenu instinctif. Après une minute ou plus nous nous remîmes en route, la rumeur disait qu'une grenade pendant du paquetage d'un homme avait perdu sa goupille de sûreté. Suivirent immédiatement plusieurs victimes et un appel aux infirmiers. "Mon dieu" pensais-je, ils étaient arrivés si loin sans une égratignure et maintenant un stupide accident avait probablement tué quelqu'un. Il y avait un calme impressionnant alors que nous avancions le long d'une route sombre bordée de hautes haies. Le crépuscule se rapprochait et nous nous reposâmes quelques minutes. Le commandant de notre bataillon arriva en indiquant à notre lieutenant qu'il cherchait un endroit pour installer la compagnie de mortiers. Ils passèrent par un trou dans la haie et pendant qu'ils allèrent en reconnaissance dans le champ adjacent, les obus de mortier allemands tombèrent là où ils étaient. Le colonel fut mortellement blessé. Nous avions alors progressé de 5km vers l'intérieur et on nous dit que notre colonel avait été emmené sur une civière vers la plage où il mourut cette nuit du 6 Juin.

Il faisait maintenant sombre et notre compagnie rampa vers une sorte de fossé à côté des haies qui nous camouflaient car elles étaient envahies d'arbres et de buissons. Mort de fatigue, je m'y allongeai mais le sommeil ne venait pas. Où menait cette route à côté de laquelle nous étions allongés ? Les boches l'utiliseraient-ils pour nous attaquer ? Je m'attendais à entendre un char à tout moment et mis à part le fait que mes camarades étaient proches de moi dans ce fossé, je me sentais très seul dans cet endroit horrible. Quelques uns avaient passé leur veste par-dessus leur tête pour pouvoir fumer. Le son familier d'un obus arrivant rompit le silence et je me préparai à recevoir l'explosion. Je ressentis l'impact quand celui-ci percuta la terre, je fus soulagé car il n'explosa pas. C'était peut être un obus saboté par les travailleurs forcés dont nous avions entendu parler. Cet obus serait sûrement suivi par d'autres, mais il n'arriva rien et le silence complet retomba.

Mon dieu, quelle merveilleuse sensation après une journée si misérable. Le sommeil arriva petit à petit alors que la nuit avançait. Des avions allemands volaient bas en direction de la plage, leurs bombes laissant supposer que celle-ci allait se prendre une sacrée saucée. Mieux valait être ici le long de la ligne de front pour le moment. Puis un avion solitaire longeant la route près de laquelle nous étions largua un lot terrifiant de bombes anti-personnel qui explosèrent dans un horrible rugissement, ne touchant apparemment personne car je n'entendis pas d'appels à l'aide. Une fois encore le silence retomba. Plus tard des bruits de pas me firent sursauter. J'imaginai que c'étaient des bottes allemandes qui martelaient la route. "Pour l'amour de dieu" pensais je "tout le monde dort ?" Quelqu'un ou peut être l'armée allemande tout entière marchait sur la route. Je remuai certains de mes compagnons :
"- Vous entendez ça ?"
On me répondit :
"- Oh zut, c'est probablement un foutu français dans ses sabots de bois."
Oui, c'était le son de deux pieds, rien de plus. "Comment était-ce possible ?" La plus grande invasion de l'Histoire avait eu lieu et maintenant un fermier français se promenait nonchalamment le long du bitume comme il le faisait probablement depuis des années.

C'est ainsi que se termina mon premier jour de combat en tant que fantassin, essayant de trouver le sommeil dans un fossé à quelques kilomètres d'une plage connu plus tard comme Omaha.

Maintenant, comme promis plus haut je reviens sur l'impression que j'eus que quelqu'un tirait sur mon paquetage lorsque j'essayais de quitter la plage. Quelques jours plus tard, la pluie me fit ouvrir mon paquetage et retirer mon imperméable soigneusement plié. Quelle surprise ! Il avait été réduit en lambeaux. Apparemment deux ou trois balles avaient pénétré par le haut presque parallèlement à mon corps. Entrant juste en dessous de mon compartiment à gamelle où je rangeais mes rations K et passant à travers le plis de mon imperméable. Oui, il y avait des trous de la taille d'un stylo juste en dessous le clapet protégeant le compartiment à gamelle. Nous avions mis de coté des sacs avec des couvertures et une paire de chaussures supplémentaire dans nos cantonnements en Angleterre qui devaient être amenés par camion par les gars du QG du bataillon. Je pris alors l'imperméable d'un homme qui n'en aurait plus besoin.

Ceci met fin à mes souvenirs concernant la longue préparation pour que je sois l'un des milliers qui furent présents à Omaha Beach ce matin du 6 Juin 1944.

John Hooper     (18 Juin 1991)

Traduction réalisée par Guillaume Ferey