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Frederick Glover
Private, A Coy. 9th Battalion Parachute Regiment.
6th Airborne.
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Ce qui suit est mon souvenir
des événements juste avant et après mon atterrissage
le Jour J, 6 juin 1944. Les pensées et les faits sont aussi
précis que je peux me rappeler.
Il est 00h30 et je suis,
ainsi que mes camarades, assis près de la piste de Harwell,
l'aérodrome duquel nous devrons décoller pour la Normandie.
Notre rôle est de, à la vue d'un signal venant du sol,
de s'écraser en planeur sur les casemates d'une batterie
d'artillerie et de soutenir le reste de l'unité qui lancera
un assaut de l'extérieur du périmètre.
Comme j'attendais mes pensées
retournèrent au jour où il fût demandé
à la Compagnie A de fournir des volontaires pour une mission
spéciale. Aucun détail spécifique ne fût
donné mais tous les hommes avancèrent d'un pas ; Il
fût décidé que, dans la mesure du possible,
seuls les hommes célibataires seraient choisis. Nous serions
menés par le Capitaine Gordon-Brown et désignés
sous le nom de " G.B Force ".
Une maquette très précise de la batterie a été
employée à chaque briefing et une réplique
construite sur un site à Westwood Hay. Des répétitions
ont eu lieu de jour et de nuit jusqu'à ce que nous ayons
été au courant de tous les aspects en ce qui concernait
les possibilités défensives de l'objectif.
Le déplacement suivant fût dans un camp de transit
sous haute sécurité et c'est alors que nous apprîmes
l'endroit précis de l'objectif : Merville ! Chacun attendait
l'ordre d'y aller mais il y eu un report de 24 heures aussi nous
vérifiâmes une fois de plus les armes et l'équipement
; Jouant aux cartes et essayant, dans la mesure du possible et vu
les circonstances, de nous détendre. Le moral était
haut, nous étions dirigés par des officiers de première
classe et avions pleine confiance en nous-même. Mon souci
principal était de jouer mon rôle pleinement, le faire
bien et ne pas laisser tomber mes camarades ni mon régiment.
Enfin l'attente se termina, les camions nous emmenèrent à
la piste et il ne nous restait plus qu'à patienter.
Mon esprit se remémorait
les événements des dernières semaines mais
je fus brusquement ramené à la réalité
par l'agitation soudaine lorsque l'ordre d'embarquement fut donné.
Je me redressais et me plaçais dans l'alignement ; C'est
le sentiment le plus étrange, comme si j'étais participant
mais également observateur des événements.
J'embarquais et allais à mon siège à l'extrémité
arrière du planeur, m'installant aussi confortablement que
possible en dépit de la majeure partie de l'équipement
et de mon arme. Bien que ce ne fut jamais mentionné nous
savions que notre arrivée ne sera pas une surprise totale
pour l'ennemi, les parachutages auront déjà eu lieu
et sans aucun doute ils seront en état d'alerte. La synchronisation
de l'assaut était cruciale afin que d'aucune façon
cela ne puisse indiquer un débarquement sur ce qui allait
devenir connu sous le nom de Sword Beach; Gardez à l'esprit
la localisation de la batterie.
Mon esprit devint actif à
nouveau comme j'essayais de me rappeler la disposition de la cible
; Où étaient ces positions de mitrailleuses ? Et que
dire du canon anti-aérien ? Atterririons-nous comme prévu
entre les casemates. Les moteurs de l'avion remorqueur hurlent alors
qu'il roule sur la piste, il y a une secousse lorsque le mou de
la remorque est pris et nous devenons aéroportés.
Dans très peu de temps nous serons transportés du
calme de la campagne anglaise au cur de la bataille. Comme
le vol progresse il y a des tentatives d'humour et quelqu'un essaie
d'entamer une chanson mais bientôt tout redevient silencieux
excepté le bruit que peut faire un planeur pendant son vol,
nous sommes tous plongés dans nos propres pensées.
Pour ma part j'examine mentalement mes armes ; grenades amorcées
? Magasins chargés ? Couteau de combat prêt à
être utilisé ?
Quelqu'un cria que nous avions
atteint la côte ; heureusement il n'y avait pas de flak près
de nous et nous avancions sans incident. Comme tous les autres j'en
suis certain, ma principale pensée est d'être à
la hauteur de la tâche, de supporter mes camarades et d'honorer
le régiment.
Le mouvement du Horsa ralentit, suivi du bruit étrange du
planeur en vol libre ; nous sommes au-dessus de la cible. Comme
nous commençons notre descente il y a des tirs de mitrailleuses
frappant le fuselage, des éclairs et des bruits comme si
quelqu'un essayait d'enfoncer une porte en bois. Je sens une douleur
aiguë à ma jambe gauche et presque aussitôt un
coup à ma cuisse droite alors que l'éclat m'atteint.
Un certain nombre d'autres sont également blessés
mais nous comptons toujours descendre sur la cible. Il y a des cris
pour que nous nous préparions à un atterrissage d'urgence.
En raison du fiasco du largage du bataillon et de la perte de la
majeure partie de l'équipement il n'y avait aucune fusée
pour indiquer au pilote que nos camarades étaient en position.
Pendant ce temps nous avons atterri au bord d'un verger près
du chemin menant à la batterie. Le Horsa s'est désintégré
et j'ai été projeté dans un fossé situé
le long du chemin. Un combat commença immédiatement
et des ordres en Allemand pouvaient être entendus. Nous nous
apercevions que l'ennemi se déplaçait pour renforcer
la batterie et c'était une consolation que, bien que n'ayant
pas atterri à l'intérieur de l'objectif, nous apportions
une contribution utile à l'action.
Quand les tirs ont faibli
mes blessures ont été examinées et il a été
constaté que l'éclat avait traversé ma jambe
gauche mais qu'un morceau s'était logé dans ma cuisse
droite, et qu'il y aurait besoin de chirurgie pour l'enlever. Après
l'action le bataillon devait se diriger à un autre point
de rendez-vous ; j'ai essayé de continuer mais suis tombé
un peu plus loin. J'ai été rattrapé par un
groupe mené par le capitaine Gordon-Brown ; Il fut décidé
que je devrais rester avec deux allemands blessés et attendre
l'arrivée de nos troupes avançant de la plage.
Plusieurs heures passèrent
et pendant ce temps j'administrais de la morphine à l'un
des deux allemands, un acte qui je pense fut heureux à la
vue des événements qui suivirent. En fin d'après-midi
un médecin nous trouva et commença à soigner
nos blessures ; ce faisant une patrouille ennemie fut aperçue
à travers champ et se dirigeant dans notre direction. Il
n'y avait rien d'autre à faire pendant qu'ils approchaient
que de démonter ma Sten et de détruire le percuteur.
Malheureusement j'avais oublié le couteau de combat ainsi
qu'une grenade Gammon dans laquelle j'avais inséré
quelques balles de 9mm afin d'en amplifier l'effet. Quand ces matériels
furent découverts il y eu quelques murmures tandis qu'ils
les manipulaient. A ce moment le moins blessé des allemands
montra son camarade et l'indication précisant l'heure ou
la morphine avait été injectée. L'atmosphère
changea très nettement et je fus placé sur une civière,
dans une ambulance et transporté dans un hôpital de
campagne. Quelque chose que je n'avais pas considéré
pendant un moment venait de se produire : J'étais Prisonnier
de Guerre !
Après de nombreux
déplacements en différents endroits j'arrivais à
l'hôpital de la Pitié à Paris. Comme les alliés
approchaient, les Allemands commencèrent à évacuer
les blessés et il devint impératif d'éviter
que cela ne se produise sinon cela signifiait un camp de prisonniers
pour le reste de la guerre. Heureusement les gardes, ne souhaitant
pas devenir prisonniers eux-mêmes, devinrent négligents
et ainsi avec l'aide du personnel soignant français et malgré
les risques qu'ils courraient je pus, avec d'autres camarades, m'évader
et fut caché par la résistance. Après la libération
de la ville je fus évacué en Angleterre et après
plusieurs semaines dans un hôpital militaire, rejoignis mon
unité à la fin octobre.
Frederick Glover (27
Octobre 2001)
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