Men of D-Day


    
 Troop Carrier
Michael N. Ingrisano
Robert E. Callahan
Benjamin F. Kendig
John R. Devitt
Arthur W. Hooper
Ward Smith
Julian A. Rice
Charles E. Skidmore
Sherfey T. Randolph
Louis R. Emerson Jr.
Leonard L. Baer
Robert D. Dopita
Harvey Cohen
Zane H. Graves
John J. Prince
Henry C. Hobbs
John C. Hanscom
Charles S. Cartwright
 
 82nd Airborne
Leslie Palmer Cruise Jr.
Marie-T Lavieille
Denise Lecourtois
Howard Huebner
Malcolm D. Brannen
Thomas W. Porcella
Ray T. Burchell
Robert C. Moss
Richard R. Hill
Edward W. Shimko
 
 101st Airborne
John Nasea, Jr
David 'Buck' Rogers
Marie madeleine Poisson
Roger Lecheminant
Dale Q. Gregory
George E. Willey
Raymond Geddes
 
 Utah Beach
Joseph S. Jones
Jim McKee
Eugene D. Shales
Milton Staley
 
 Omaha Beach
Melvin B. Farrell
James R. Argo
Carl E. Bombardier
Robert M. Leach
Joseph Alexander
James Branch
John Hooper
Anthony Leone
George A. Davison
James H. Jordan
Albert J. Berard
Jewel M. Vidito
H. Smith Shumway
Louis Occelli
John H. Kellers
Harley A. Reynolds
John C. Raaen
Wesley Ross
Richard J. Ford
William C. Smith
Ralph E. Gallant
James W. Gabaree
James W. Tucker
Robert Watson
Robert R. Chapman
Robert H. Searl
Leslie Dobinson
William H. Johnson
 
 Gold Beach
George F. Weightman
Norman W. Cohen
Walter Uden
 
 Juno Beach
Leonard Smith
 
 Sword Beach
Brian Guy
 
 6th Airborne
Roger Charbonneau
Frederick Glover
Jacques Courcy
Arlette Lechevalier
Charles S. Pearson
 
 U.S.A.A.F
Harvey Jacobs
William O. Gifford
 
Civils
Philippe Bauduin
Albert Lefevre
René Etrillard
Suzanne Lesueur
Marie Thierry
 

 

Julian A. Rice
1st Pilot, 37th Squadron, 316th Troop Carrier Group

POUR MEMOIRE :
L'histoire d'un pilote

Tout ou à peu près tout a été écrit sur l'invasion de la Normandie le Jour J, les préparations, l'entrainement, les avions, les divisions parachutistes, les équipages, le vol au dessus de la péninsule du Cotentin.... je partage l'honneur d'avoir volé lors de cette mission historique avec 1 600 pilotes.
Mon nom est Julian A. Rice, S/N 0679800, 1st Pilot, 37th Sqdn, 316th Troop Carrier Group.
Notre équipage était composé du Co-pilote Lt. LaRue Wells, Chef d'équipage T/Sgt. Thaddeus J. Urbaniak, et de l'Opérateur radio S/Sgt. Harold C. Gondolfe. Mes ordres étaient clairs et simples; piloter l'avion, respecter le silence radio, garder une formation serrée, et larguer 21 paras sur la Drop Zone "O" au Nord Ouest de Sainte Mère Eglise.
Notre position au sein de la formation était ailier droit du Flight "B", avion N° 42-24328, Chalk #41. Notre groupe transportait les 2ème et 3ème bataillon du 505th Parachute Infantry Regiment de la 82nd Airborne, de l'aérodrome de Cottesmore dans les Midlands jusqu'à la péninsule du Cotentin.

Mon but en écrivant cet article est de réfuter certaines allégations négatives proférées dans le livre écrit par Monsieur Stephen Ambrose, auteur américain bien connu spécialisé dans la recherche et la documentation d'événements historiques. dans son livre sur le D-Day. Il m'accuse, moi et mes camarades pilotes qui ont effectué le vol sur la Normandie, d'avoir été "mal entrainé et efffrayé". De plus, il écrit, "...les pilotes ont effectué des manoeuvres échappatoires pour éviter la flak... les pilotes ont largué les troupes à haute altitude (1 500 pieds)... les pilotes ont largué les troupes à grande vitesse (150 mph)... les pilotes ont largué les troupes au dessus des zones inondées, provocant les noyades de certains, et tous les autres éparpillés aux mauvais endroits". La plupart de ces informations ont été glanées auprès du Major Dick Winters, 506 PIR, qui commandait la compagnie "E" de ce régiment, et qui a donné de longs interviews à Ambrose, à partir desquelles, Ambrose a écrit le fameux "Band of Brothers", qui mettait en évidence Dick Winters et les héros de la compagnie "E".

Cela est vrai! Certains de ces malheureux événements se sont déroulés. Quelques parachutistes ont effectivement subi ces événements imprévisibles et parfois tragiques. Ceux qui y ont survécu ont eu tôt fait de de raconter ce qu'ils considéraient comme un échec de la part des pilotes de l'Air Corps. C'est vrai qu'une erreur est une erreur de trop. Néanmoins, elles ont eu lieu, et les hommes qui ont survécu après avoir été largués dans des zones inondées ou au mauvais endroit ont tout de suite tourné leur colère et leurs récriminations contre les transports de troupes (Troop carrier). Heureusement, les paras mal largués étaient relativement peu nombreux en rapport aux quelques 10 000 paras largués depuis les C-47 le 6 juin. Après réflexion, il fut établi que les objectifs de notre mission ne furent pas compromis suite à ces mauvais largages. En fait, on a appris que les largages éparpillés ont provoqué une grande confusion parmi les défenseurs allemands. Nous reprochons à Monsieur Ambrose d'avoir donné un large, grossier et négatif retentissement aux plaintes à propos de ces largages, sans prendre le temps d'interroger ou de s'enquérir auprès des équipages pour avoir leur point de vue sur la question. Il en résulte que tout le corps des pilotes de transport de troupes a été mis au pilori par les écrits dramatiques publiés dans ce Best Seller.

En tant que pilote appartenant au 316th TCG qui a transporté le 3ème bataillon de la 82ème Airborne du Général Ridgway, je voudrais raconter ce que j'ai vu, ce que j'ai fait, et ce que je crois avoir été accompli par le 316th Troup Carrier Group sur la Drop zone "O". En réponse aux remarques de Monsieur Ambrose, je propose le texte suivant :

Tout d'abord, "Mal entrainé"? je ne me sentais certainement pas mal entrainé. J'avais suivi 18 mois d'entrainement technique et théorique, y compris 400 heures de vol avant même de rejoindre le 316th Troup Carrier Group en Sicile fin 1943. Au Jour J, j'avais accumulé 800 heures de vol au total. Parmi celles ci, quelques vols d'approvisionnement, mais surtout beauoup d'entrainement de nuit comme de jour au vol en formation serrée, entrainement au largage de parachutistes, remorquage de planeurs, atterrissage sur des terrains très courts, vol aux instruments, etc... Nous savions tous que l'Invasion de l'Europe allait commencer et nous nous concentrions chaque jour à exercer nos talents. Les pilotes subissaient un entrainement rigoureux et étaient régulièrement testés pour conserver leur classement "carte verte", absolument nécessaire pour rester premier pilote.

Deuxièmement : "Effrayé"? P....n que oui! J'avais la trouille. Qui ne l'avait pas? Tous ceux qui faisaient partie de ce train d'avions en route pour la Normandie. Qui savait ce qui nous attendait? Des pensées vous assaillissent, des pensées que vous essayez d'ignorer. "Est-ce que ma dernière heure est venue? "EFFRAYANT?" tu parles! Et pourtant, nous étions chacun de nous entrainés et engagés à exécuter le boulot qui nous avait été confié, et de le faire au mieux de nos capacités.

Le briefing dans la salle des Opérations pour l'invasion de la Normandie (nom de code "Bigot Neptune") était complet. Une pause favorable dans la météo était attendue. La cible du 505th Parachute Infantry regiment était la ville de Ste Mère Eglise sur la péninsule du Cotentin. Tous les points de passages pour la route à suivre vers les Drop Zones furent méticuleusement notés. Notre DZ portait le nom de code "O", et se situait un demi mile dans le Nord Ouest de la ville. Le vol des pathfinders, guidé par radar, allait localiser et sauter sur la DZ. Là, les pathfinders allaient marquer la zone d'un grand "T" lumineux pour guider les avions vers leurs DZ assignées. Des photos aériennes furent projetées pour indiquer les points de défense anti-aérienne. Tous les parachutistes devaient être largués sur ou au plus près de leur DZ respective. "Attention! veillez à votre vitesse au dessus des DZ ; les avions seront surchargés de plus de 500 kg, et une vitesse inférieure à 110 mph peut provoquer l'arrêt du moteur. Aucun parachutiste ne doit être ramené en Angleterre sauf si blessé ou si l'avion est endommagé par la flak. Tout parachutiste refusant de sauter sera traduit en cour martiale. Seuls les premiers avions disposeront de navigateurs embarqués. Il est impératif que tous les avions sans navigateur conservent une formation serrée durant toute la mission... (Ah bon!? mais si quelque chose.... ok! laisse tomber, pensai je ; reste en formation et suit ton leader jusqu'au bout...)

A la fin de ce briefing, le commandant du 316th T.C.G, le Lt Col. Washburn nous a tous regardés et a dit : "Messieurs, vous allez prendre part à la plus grande armada aérienne jamais rassemblée. Le 316th fera décoller 72 avions et 13 groupes identiques nous rejoindront pour un vol de 2 heures et 51 minutes vers la Drop Zone en Normandie. Faisons le boulot pour lequel nous avons été entrainés. Restons en formation serrée. Faites effectuer à vos troupes un bon voyage vers la DZ. Bonne chance. Allons-y."

A 21 heures 30, tous les sticks de parachutistes avaient rejoint leurs avions respectifs, qui étaient identifiés par un grand chiffre marqué à la craie près de la porte côté gauche. Ils ont grimpé à bord avec difficulté, lourdement chargés, en s'aidant mutiuellement à gravir l'échelle métallique, avant de s'asseoir sur les longues rangées en aluminium. Le jumpmaster, un grand type avec de la suie noire sur le visage, était très impressionnant. Il devait peser près de 150 kg avec tout son équipement. Il me donnait l'impression de pouvoir gagner la guerre à lui tout seul. Il avait hâte d'y aller et me rappela d'essayer de larguer son stick à 700 pieds d'altitude et à 115 mph. Je l'ai assuré que je ne voyais aucun problème à réaliser cela. (On ignorait ce qui nous attendait). On a embarqué.

Quelques minutes plus tard, l'aérodrome de Cottesmore tremblait du bruit sourd de 288 Pratt et Whitney (moteur de C-47) en train de démarrer. On a roulé à tour de rôle pour nous positioner au départ de la piste d'envol n° 50. En attendant le feu vert de la tour de contrôle, j'ai refait toutes les vérifications d'usage dans le cockpit, pour la 3ème ou 4ème fois, tout en disant une petite prière.

A 23 heures précises, la fusée de signal verte a illuminé la tour de contrôle. C'était le début de l'invasion! notre Group Leader en première position sur la piste a commencé à rouler. Les uns après les autres, les avions ont grimpé dans la nuit....

Notre tour arriva. J'ai roulé jusqu'au début de la piste, bloqué la roue arrière en position, mis les dérives à 15 degrés, et ai poussé les manettes de gaz à fond. Un instant plus tard, mon appareil lourdement chargé était en l'air. Le Lt LaRue, mon co pilot a relevé le train d'atterrissage pendant que je combattais les turbulences provoquées par les nombreux hélices des avions qui me précédaient. A 500 pieds, LaRue a fermé les volets et j'ai commencé à monter à 180 degrés sur la gauche pour prendre ma position à la droite du B flight. En montant à 1 000 pieds, le 316th TGC était assemblée en une formation serrée de 72 appareils et se dirigeait vers un checkpoint bien précis où nous allions nous mêler à 13 autres groupes similaires provenant d'autres aérodromes. Essayez d'imaginer si vous le pouvez, de multiples groupes de 72 avions décollant de différents aérodromes et volant de nuit vers les mêmes checkpoints, à la même altitude, sans radar, sans communication radio, juste avec l'aide de navigation conventionnelle et du regard des pilotes et des navigateurs perçant la nuit à la recherche des faibles lueurs des feux de navigation des autres groupes. Imaginez si vous le pouvez cette immense armada de 800 avions convergeant cette nuit là, aile contre aile, sans une seule collision! Monsieur Ambrose semble tout ignorer de l'entrainement qui nous a permis d'accomplir cette tâche difficile.

En atteignant le sud de l'Angleterre, on était assemblés en un long convoi portant les 10 000 parachutistes des 82 et 101 ème Airborne vers la Normandie. je me souviens de mon dernier avertissement. "Souviens toi, seulement 10/% des avions ont des navigateurs à bord. Les Group et Squadron leaders et quelques commandants de vols secondaires sont avec les navigateurs. Donc, nous autres orphelins ferions bien de nous serrer les coudes et rester serrés sous peine de se perdre..."

Nous avons quitté la côte du sud de l'Angleterre au point dénommé "Portland Bill". Le ciel cette nuit là était sombre malgré quelques brefs rayons de lune à travers les nuages. L'air était léger et doux. Un strict silence radio était observé. Pendant un moment, la lumière ambrée au bout de chaque aile a aidé les pilotes à maintenir leur position. Pendant la traversée de la Manche, les appareils de tête volaient à basse altitude (500 pieds). Les squadrons qui suivaient étaient échelonnés en altitude pour éviter les turbulences des moteurs les précédant. Peu de temps après avoir dépassé la côte anglaise, les feux de positions en bout d'aile furent éteints comme prévu dans les plans. Pour nous guider, nous n'avions plus que de petites lumières bleues installés sur l'épine dorsale des appareils et à l'amorce des ailes. En gardant le contact visuel avec ces lumières, les flight leaders et les ailiers pouvaient rester en formation en V. C'était très difficile. Si on perdait de vue ces lumières, il ne restait plus que la silhouette sombre des avions pour se repérer. Sueurs froides garanties...

Le cockpit est plongé dans l'obscurité, à part la lumière fluorescente des instruments de navigation. Le siège de gauche sur lequel je suis assis me parait différent à cause de la protection anti flak qui l'équipe sous mes fesses. De plus, je porte un harnais de parachute, chose qui me semble totalement inutile. Le petit parachute en forme de saucisse est calé sous mon siège. Si mon avion est touché et que je doive sauter, je dois attraper le parachute, trouver et attacher les crochets en métal à mon harnais, sortir du cockpit, courir vers le fond de l'avion vers la porte de sortie, en espérant qu'il ne soit pas en flammes, et sauter. "Bonne chance!" pensai-je en moi-même.

Au dessus de la Manche, nous avons franchi différents points de passage à l'heure prévue, "Flatbush, Gallup et Hoboken...." Puis tout de suite après Guernesey, notre formation de la 82nd Airborne a viré de 135 degrés vers la péninsule du Cotentin. La 101ème s'est séparée de nous en virant de 140 degrés. En passant à l'est de Guernesey, on a subi quelques tirs anti aériens, mais sans dommage pour notre formation. En dessous de nous, la Manche était zébrée des sillages de milliers d'embarcations en route pour Omaha et Utah. Les allemands avaient solidement fortifié ces plages avec des emplacements en béton pour canons au dessus des falaises. Les troupes que nous acheminions vers les DZ à l'intérieur des terres éteint chargés de sécuriser les plages et les accès aux plages autour de la ville de Ste Mère Eglise, pour empêcher les renforts de l'armée allemande d'atteindre les défenseurs du Mur de l'Atlantique.

Après deux heures et demi de vol, tout s'était déroulé en douceur. Cependant, je transpirai sous l'effort de devoir garder à vue les lumières bleutées. Dans un coin de ma tête, je n'ai pas honte de le dire, j'entendais une petite prière qui répétait "Seigneur protégez nous, Seigneur protégez nous..."

A travers la brume devant nous, apparut le détour plus sombre de la côte. Les pilotes de tête de notre groupe volaient très bas, 500 pieds, tandis que le reste des appareils étaient à 1.000 pieds. Note vitesse s'était réduite à 120 mph, en vue de l'approche sur les DZ, 18 ou 20 miles devant nous, et nous allions encore réduire à 115 mph pour le saut. "Souvenez vous, quand les C 47 surchargés vont approcher la DZ, le pilote doit surveiller sa vitesse. Toute vitesse inférieure à 110 mph sera critique et peut provoquer l'arrêt du moteur avec insuffisamment d'altitude pour repartir..."

Et puis soudain, sans crier gare, ce fut le bordel total ! Juste au moment où nous survolions la plage, on a heurté un mur de brouillard de 1.500 pieds de haut qui a recouvert entièrement notre formation. Non seulement les lumières bleues ont totalement disparu, mais la vue de tous les avions a disparu. Il m'était même impossible de distinguer mes propres ailes. A ce moment , la crainte des tirs ennemis était secondaire. Notre premier soucis était la crainte de collision en plein ciel avec les avions qui nous entouraient. Dans l'obscurité du cockpit, la petite aiguille fluorescente indiquant la vitesse, l'altimètre et le contrôle de la ligne d'horizon concentrèrent toute mon attention. C'est à ce moment qu'une autre partie de notre entrainement intervient automatiquement. Emergency Dispersal Procedure! La procédure automatique de dispersion. Ecartez vous! J'ai poussé la manette de mélange des gaz à fond et ai augmenté le régime moteur, synchronisé la montée en puissance des hélices, poussé à fond le gouvernail gauche, tiré les doubles manettes pour une ascension de 500 pieds minutes. 45 secondes plus tard, je me suis stabilisé à 1.400 pieds; toujours dans un brouillard à couper au couteau. J'ai continué à naviguer à la boussole sur un cap fixé sur la DZ, et j'ai prié pour qu'il n'y ait pas d'autres avions devant moi. C'était hallucinant de naviguer ainsi, sans entendre rien d'autre que le ronronnement de mon avion. Bien que je ne pouvais rien voir d'autre derrière les vitres que le brouillard, j'avais le sentiment de la proximité des autres avions. CONCENTRE TOI! J'ai fixé mon attention sur le tableau de bord et je me suis accroché aux manettes. Encore plus de suées!!

Pendant ce temps, les autres infortunés pilotes privés de navigateurs étaient coincés dans cette panade, volant seuls à l'aveuglette. Il n'est pas étonnant que certains aient perdu leurs repères et leurs caps et ont raté la drop zone. Il n'y avait pas de matériel GPS sophistiqué, pas de radar ni de navigateurs. Ils volaient à bord des avions de l'âge de pierre de l'aéronautisme; S'ils parvenaient à éviter les collisions et à sortir de la purée de pois indemne, il leur fallait se débrouiller pour descendre et trouver la DZ qui leur était assignée. (Malheureusement, Monsieur Ambrose et ses "devins" n'étaient pas assis dans ces cockpits pour dire à ces "pilotes effrayés et mal entrainés" ce qu'ils devaient faire.)

Ces quelques minutes dans la purée de pois nous parurent une éternité avec les yeux bandés. Quand nous sommes finalement sortis du brouillard, il y avait des avions éparpillés à gauche comme à droite et devant nous. J'ai laissé échappé un soupir de soulagement, mais pas pour longtemps. Il ne nous restait que peu de temps pour ramener l'appareil de 1.500 pieds à 700 pieds pour le largage (et ne pas accélérer car il nous fallait voler à 115 mph). J'ai coupé les gaz et j'ai commencé à descendre, et c'est là que l'enfer s'est déchainé. Un gros barrage d'artillerie anti-aérien à éclater à ma gauche puis à ma droite. Il y avait de gros nuages de fumée noire de la flak partout. Des lignes de balles traçantes semblaient à notre recherche. Une volée de balles tambourinait sur la queue de l'appareil, dérèglant le contrôle de niveau, et aussitôt nous commençâmes à descendre. J'ai tiré sur les doubles manettes et j'ai réajusté le niveau d'horizon. Notre avion n'avait pas de réservoirs d'aile étanches. Une balle traçante traversant cet endroit nous serait fatale. Le ciel était à présent d'un jaune ouaté. Les obus explosaient, secouant l'air de turbulences, malmenant l'appareil comme un yo yo. J'ai vu d'autres avions s'enflammer et descendre en vrille. On a survolé la ville de Ste Mère où de gros combats faisaient rage. Un grand incendie s'était déclaré au nord de la ville. Pendant que cet enfer avait lieu à l'extérieur, LaRue a déclenché le signal rouge d'avertissement pour que les paras se préparent à sauter. J'étais pendant ce temps très occupé à essayer d'amener l'appareil à 700 pieds sans dépasser les 115 miles à l'heure.

"Alors, il suffit de sauter sur les freins n'est ce pas? Quels freins! Pour réduire brutalement la vitesse d'un C-47, il faut trouver rapidement des astuces. Mon co-pilote Wells a ouvert les volets en grand et sorti le train d'atterrissage pour faire frein, pendant que j'actionnais le gouvernail et manipulais les ailerons dans tous les sens pour essayer de nous ralentir...
Le résultat est que la descente fut rude. Cela a dû mettre les paras en colère. Quelqu'un a dû suggérer à Monsieur Ambrose que les pilotes essayaient de d'échapper et de s'éloigner de la flak. Ils devaient se dire ; "Qu'est ce qu'ils foutent à l'avant?" Désolé les gars! Je n'avais pas d'autre moyen de ralentir pour vous larguer!"

Quelques instants plus tard, des parachutes se sont ouverts sous les avions qui me précédaient. Puis j'ai vu le "T" lumineux que les pathfinders avaient placé sur la DZ "O". Quelques secondes plus tard, nous avons allumé la lumière verte. Avec les flaps en position basse et le train sorti, on était parvenus à ralentir l'avion jusqu'à 118 mph, à une altitude de 750 pieds. C'était un peu haut et un peu rapide.Mais c'était la meilleure récupération possible depuis le brouillard, compte tenu de la faible distance qui nous séparait alors de la DZ. Trente secondes plus tard, les paras étaient largués et descendaient pour libérer Ste Mère Eglise.

Le C-47 est un appareil rustique, très fiable, mais ce n'est pas un avion qui vole en douceur, particulièrement à basse altitude. Les parachutistes qui ont passé de longues heures à s'entrainer à sauter d'un C-47 savent de quoi je parle. Mais peut être ignorez-vous ce qu'un pilote doit accomplir pour adapter le vol de l'avion à des conditions imprévisibles. Quand vous vous trouvez soudain plongé dans un blackout total avec des centaines d'avions tout autour, il faut s'écarter très vite. Dans notre cas, on a viré et on grimpé à une altitude de sécurité. quand on est sorti du brouillard, il nous a fallu nous précipiter pour redescendre pour rejoindre une altitude de saut raisonnable. Avec aucun système de freinage pour nous ralentir, on a fait ce qu'on a pu pour ralentir notre vitesse en coupant les gaz, abaissant les volets, descendant le train d'atterrissage, et en secouant les manettes dans tous les sens pour augmenter la trainée. C'est ce qui est arrivé.

Je suis désolé que Monsieur Ambrose suggère que les pilotes étaient "effrayés et mal entrainés". Je pense qu'il avait à moitié raison, car je me souviens avoir eu la trouille.
Mais, la supposition que "les pilotes ont effectué des manoeuvres d'évasion pour éviter la flak, est absolument ridicule. Le fait est tout simplement qu'aucun C-47 surchargé ne peut faire de manoeuvres fantaisistes ou virer sans raison, sans parler d'éviter la flak. Cela aurait été de la magie. Nous n'étions que des pilotes aux commandes d'avions primitifs de la seconde guerre mondiale, pas des magiciens."

Ainsi que tout le monde le sait à présent, l'invasion de la Normandie a été un succès. Les largages dispersés n'ont pas plombé la mission. Dans un cas que je connais particulièrement, un mauvais largage a sauvé des vies car la DZ initiale était occupée par des nids de mitrailleuses allemandes. Des paras descendant vers eux auraient été massacrés avant même de pouvoir se libérer de leurs parachutes. A la fin de cette longue journée, tous les objectifs de la mission avaient été atteints. En conclusion, tous les participants à la mission en Normandie ont réussi., y compris les conducteurs de bus, les équipages des C-47 et des planeurs qui ont réussi à larguer les troupes et les approvisionnements, et qui ont réussi à éviter les collisions en plein ciel dans le brouillard, qui ont survécu à la flak, et qui ont ramené les C-47 à la base pour y être réparés, prêt à voler dès le lendemain; pour voler et se battre une jounée supplémentaire.

Band of Brothers est un portrait émouvant de Dick Winters et de ses hommes de la compagnie "E" du 506th PIR. Eux, ainsi que tous les membres de la 82ème et de la 101ème ont fait un boulot sensationnel. Ils ont donné le meilleur d'eux mêmes; certains ont tout donné, y compris leur vie. Ils méritent tous les honneurs et le respect possibles, maintenant et à jamais.

Les Troup Carrier Wings étaient simplement des armes de soutien. On a aidé à l'entrainement des parachutistes. On a aidé à les emmener au combat. On ne les a pas laissé livrés à eux mêmes. On les a approvisionnés en Afrique, en Normandie, à Bastogne, en Hollande, à Wesel, en Allemagne. On a évacué leurs blessés. Nos pilotes, nos navigateurs, nos opérateurs radios et nos chefs d'équipage si motivés se sont écrasés et ont brûlé à leur côtés. On a perdu nous aussi beaucoup d'amis, comme les paras, de manière terrible à raconter.
J'ai pris le temps d'écrire ce papier pour apporter un petit éclairage sur notre point de vue de l'histoire, un point de vue totalement passé sous silence par Monsieur Ambrose. J'espère que cela aidera à diminuer les dures critiques exprimés par certains parachutistes ces dernières années. Le courage des paras a été mis à rude épreuve. Nous avons nous aussi été soumis à de durs régimes aux côtés des paras, et de manière répétée. Les paras ont fait de leur mieux pour accomplir leur devoir. Nous aussi. Je garde mes souvenirs de la Normandie et des horreurs dont j'ai été témoin pour souligner l'héroïsme démontré par tant de soldats. Que la paix, la paix pour laquelle nous avons si durement combattu, nous apporte aussi tranquilité d'esprit. Nous sommes fiers d'avoir servi avec les paras, et nous espérons qu'ils se souviennent de nous de la même manière.

Julian A. Rice     (31 Août 2008)
S/N 0679800, 1er Pilote, 37th Sqdn, 316th Troop Carrier Group, WWII

Traduction réalisée par Denis van den Brink.