Tout ou à peu près
tout a été écrit sur l'invasion de la Normandie
le Jour J, les préparations, l'entrainement, les avions,
les divisions parachutistes, les équipages, le vol au dessus
de la péninsule du Cotentin.... je partage l'honneur d'avoir
volé lors de cette mission historique avec 1 600 pilotes.
Mon nom est Julian A. Rice, S/N 0679800, 1st Pilot, 37th Sqdn, 316th
Troop Carrier Group.
Notre équipage était composé du Co-pilote Lt.
LaRue Wells, Chef d'équipage T/Sgt. Thaddeus J. Urbaniak,
et de l'Opérateur radio S/Sgt. Harold C. Gondolfe. Mes ordres
étaient clairs et simples; piloter l'avion, respecter le
silence radio, garder une formation serrée, et larguer 21
paras sur la Drop Zone "O" au Nord Ouest de Sainte Mère
Eglise.
Notre position au sein de la formation était ailier
droit du Flight "B", avion N° 42-24328, Chalk #41. Notre groupe
transportait les 2ème et 3ème bataillon du 505th Parachute
Infantry Regiment de la 82nd Airborne, de l'aérodrome de
Cottesmore dans les Midlands jusqu'à la péninsule
du Cotentin.
Mon but en écrivant cet
article est de réfuter certaines allégations négatives
proférées dans le livre écrit par Monsieur
Stephen Ambrose, auteur américain bien connu spécialisé
dans la recherche et la documentation d'événements
historiques. dans son livre sur le D-Day. Il m'accuse, moi et mes
camarades pilotes qui ont effectué le vol sur la Normandie,
d'avoir été "mal entrainé et efffrayé".
De plus, il écrit, "...les pilotes ont effectué
des manoeuvres échappatoires pour éviter la
flak... les pilotes ont largué les troupes à haute
altitude (1 500 pieds)... les pilotes ont largué les troupes
à grande vitesse (150 mph)... les pilotes ont largué
les troupes au dessus des zones inondées, provocant les noyades
de certains, et tous les autres éparpillés aux mauvais
endroits". La plupart de ces informations ont été
glanées auprès du Major Dick Winters, 506 PIR, qui
commandait la compagnie "E" de ce régiment, et
qui a donné de longs interviews à Ambrose, à
partir desquelles, Ambrose a écrit le fameux "Band of
Brothers", qui mettait en évidence Dick Winters et les
héros de la compagnie "E".
Cela est vrai! Certains de ces
malheureux événements se sont déroulés.
Quelques parachutistes ont effectivement subi ces événements
imprévisibles et parfois tragiques. Ceux qui y ont survécu
ont eu tôt fait de de raconter ce qu'ils considéraient
comme un échec de la part des pilotes de l'Air Corps. C'est
vrai qu'une erreur est une erreur de trop. Néanmoins, elles
ont eu lieu, et les hommes qui ont survécu après avoir
été largués dans des zones inondées
ou au mauvais endroit ont tout de suite tourné leur colère
et leurs récriminations contre les transports de troupes
(Troop carrier). Heureusement, les paras mal largués étaient
relativement peu nombreux en rapport aux quelques 10 000 paras largués
depuis les C-47 le 6 juin. Après réflexion, il fut
établi que les objectifs de notre mission ne furent pas compromis
suite à ces mauvais largages. En fait, on a appris que les
largages éparpillés ont provoqué une grande
confusion parmi les défenseurs allemands. Nous reprochons
à Monsieur Ambrose d'avoir donné un large, grossier
et négatif retentissement aux plaintes à propos de
ces largages, sans prendre le temps d'interroger ou de s'enquérir
auprès des équipages pour avoir leur point de vue
sur la question. Il en résulte que tout le corps des pilotes
de transport de troupes a été mis au pilori par les
écrits dramatiques publiés dans ce Best Seller.
En tant que pilote appartenant
au 316th TCG qui a transporté le 3ème bataillon de
la 82ème Airborne du Général Ridgway, je voudrais
raconter ce que j'ai vu, ce que j'ai fait, et ce que je crois avoir
été accompli par le 316th Troup Carrier Group sur
la Drop zone "O". En réponse aux remarques de Monsieur
Ambrose, je propose le texte suivant :
Tout d'abord, "Mal entrainé"?
je ne me sentais certainement pas mal entrainé. J'avais suivi
18 mois d'entrainement technique et théorique, y compris
400 heures de vol avant même de rejoindre le 316th Troup Carrier
Group en Sicile fin 1943. Au Jour J, j'avais accumulé 800
heures de vol au total. Parmi celles ci, quelques vols d'approvisionnement,
mais surtout beauoup d'entrainement de nuit comme de jour au vol
en formation serrée, entrainement au largage de parachutistes,
remorquage de planeurs, atterrissage sur des terrains très
courts, vol aux instruments, etc... Nous savions tous que l'Invasion
de l'Europe allait commencer et nous nous concentrions chaque jour
à exercer nos talents. Les pilotes subissaient un entrainement
rigoureux et étaient régulièrement testés
pour conserver leur classement "carte verte", absolument
nécessaire pour rester premier pilote.
Deuxièmement : "Effrayé"?
P....n que oui! J'avais la trouille. Qui ne l'avait pas? Tous ceux
qui faisaient partie de ce train d'avions en route pour la Normandie.
Qui savait ce qui nous attendait? Des pensées vous assaillissent,
des pensées que vous essayez d'ignorer. "Est-ce que
ma dernière heure est venue? "EFFRAYANT?" tu parles!
Et pourtant, nous étions chacun de nous entrainés
et engagés à exécuter le boulot qui nous avait
été confié, et de le faire au mieux de nos
capacités.
Le briefing dans la salle
des Opérations pour l'invasion de la Normandie (nom de code
"Bigot Neptune") était complet. Une pause favorable
dans la météo était attendue. La cible du 505th
Parachute Infantry regiment était la ville de Ste Mère
Eglise sur la péninsule du Cotentin. Tous les points de passages
pour la route à suivre vers les Drop Zones furent méticuleusement
notés. Notre DZ portait le nom de code "O", et
se situait un demi mile dans le Nord Ouest de la ville. Le vol des
pathfinders, guidé par radar, allait localiser et sauter
sur la DZ. Là, les pathfinders allaient marquer la zone d'un
grand "T" lumineux pour guider les avions vers leurs DZ
assignées. Des photos aériennes furent projetées
pour indiquer les points de défense anti-aérienne.
Tous les parachutistes devaient être largués sur ou
au plus près de leur DZ respective. "Attention! veillez
à votre vitesse au dessus des DZ ; les avions seront surchargés
de plus de 500 kg, et une vitesse inférieure à 110
mph peut provoquer l'arrêt du moteur. Aucun parachutiste ne
doit être ramené en Angleterre sauf si blessé
ou si l'avion est endommagé par la flak. Tout parachutiste
refusant de sauter sera traduit en cour martiale. Seuls les premiers
avions disposeront de navigateurs embarqués. Il est impératif
que tous les avions sans navigateur conservent une formation serrée
durant toute la mission... (Ah bon!? mais si quelque chose.... ok!
laisse tomber, pensai je ; reste en formation et suit ton leader
jusqu'au bout...)
A la fin de ce briefing, le commandant
du 316th T.C.G, le Lt Col. Washburn nous a tous regardés
et a dit : "Messieurs, vous allez prendre part à la
plus grande armada aérienne jamais rassemblée. Le
316th fera décoller 72 avions et 13 groupes identiques nous
rejoindront pour un vol de 2 heures et 51 minutes vers la Drop Zone
en Normandie. Faisons le boulot pour lequel nous avons été
entrainés. Restons en formation serrée. Faites effectuer
à vos troupes un bon voyage vers la DZ. Bonne chance. Allons-y."
A 21 heures 30, tous les sticks
de parachutistes avaient rejoint leurs avions respectifs, qui étaient
identifiés par un grand chiffre marqué à la
craie près de la porte côté gauche. Ils ont
grimpé à bord avec difficulté, lourdement chargés,
en s'aidant mutiuellement à gravir l'échelle métallique,
avant de s'asseoir sur les longues rangées en aluminium.
Le jumpmaster, un grand type avec de la suie noire sur le visage,
était très impressionnant. Il devait peser près
de 150 kg avec tout son équipement. Il me donnait l'impression
de pouvoir gagner la guerre à lui tout seul. Il avait hâte
d'y aller et me rappela d'essayer de larguer son stick à
700 pieds d'altitude et à 115 mph. Je l'ai assuré
que je ne voyais aucun problème à réaliser
cela. (On ignorait ce qui nous attendait). On a embarqué.
Quelques minutes plus tard, l'aérodrome
de Cottesmore tremblait du bruit sourd de 288 Pratt et Whitney (moteur
de C-47) en train de démarrer. On a roulé à
tour de rôle pour nous positioner au départ de la piste
d'envol n° 50. En attendant le feu vert de la tour de contrôle,
j'ai refait toutes les vérifications d'usage dans le cockpit,
pour la 3ème ou 4ème fois, tout en disant une petite
prière.
A 23 heures précises,
la fusée de signal verte a illuminé la tour de contrôle.
C'était le début de l'invasion! notre Group Leader
en première position sur la piste a commencé à
rouler. Les uns après les autres, les avions ont grimpé
dans la nuit....
Notre tour arriva. J'ai roulé
jusqu'au début de la piste, bloqué la roue arrière
en position, mis les dérives à 15 degrés, et
ai poussé les manettes de gaz à fond. Un instant plus
tard, mon appareil lourdement chargé était en l'air.
Le Lt LaRue, mon co pilot a relevé le train d'atterrissage
pendant que je combattais les turbulences provoquées par
les nombreux hélices des avions qui me précédaient.
A 500 pieds, LaRue a fermé les volets et j'ai commencé
à monter à 180 degrés sur la gauche pour prendre
ma position à la droite du B flight. En montant à
1 000 pieds, le 316th TGC était assemblée en une formation
serrée de 72 appareils et se dirigeait vers un checkpoint
bien précis où nous allions nous mêler à
13 autres groupes similaires provenant d'autres aérodromes.
Essayez d'imaginer si vous le pouvez, de multiples groupes de
72 avions décollant de différents aérodromes
et volant de nuit vers les mêmes checkpoints, à la
même altitude, sans radar, sans communication radio, juste
avec l'aide de navigation conventionnelle et du regard des pilotes
et des navigateurs perçant la nuit à la recherche
des faibles lueurs des feux de navigation des autres groupes. Imaginez
si vous le pouvez cette immense armada de 800 avions convergeant
cette nuit là, aile contre aile, sans une seule collision!
Monsieur Ambrose semble tout ignorer de l'entrainement qui nous
a permis d'accomplir cette tâche difficile.
En atteignant le sud de l'Angleterre,
on était assemblés en un long convoi portant les 10
000 parachutistes des 82 et 101 ème Airborne vers la Normandie.
je me souviens de mon dernier avertissement. "Souviens toi,
seulement 10/% des avions ont des navigateurs à bord. Les
Group et Squadron leaders et quelques commandants de vols secondaires
sont avec les navigateurs. Donc, nous autres orphelins ferions bien
de nous serrer les coudes et rester serrés sous peine de
se perdre..."
Nous avons quitté la côte
du sud de l'Angleterre au point dénommé "Portland
Bill". Le ciel cette nuit là était sombre malgré
quelques brefs rayons de lune à travers les nuages. L'air
était léger et doux. Un strict silence radio était
observé. Pendant un moment, la lumière ambrée
au bout de chaque aile a aidé les pilotes à maintenir
leur position. Pendant la traversée de la Manche, les appareils
de tête volaient à basse altitude (500 pieds). Les
squadrons qui suivaient étaient échelonnés
en altitude pour éviter les turbulences des moteurs les précédant.
Peu de temps après avoir dépassé la côte
anglaise, les feux de positions en bout d'aile furent éteints
comme prévu dans les plans. Pour nous guider, nous n'avions
plus que de petites lumières bleues installés sur
l'épine dorsale des appareils et à l'amorce des ailes.
En gardant le contact visuel avec ces lumières, les flight
leaders et les ailiers pouvaient rester en formation en V. C'était
très difficile. Si on perdait de vue ces lumières,
il ne restait plus que la silhouette sombre des avions pour se repérer.
Sueurs froides garanties...
Le cockpit est plongé
dans l'obscurité, à part la lumière fluorescente
des instruments de navigation. Le siège de gauche sur lequel
je suis assis me parait différent à cause de la protection
anti flak qui l'équipe sous mes fesses. De plus, je porte
un harnais de parachute, chose qui me semble totalement inutile.
Le petit parachute en forme de saucisse est calé sous mon
siège. Si mon avion est touché et que je doive sauter,
je dois attraper le parachute, trouver et attacher les crochets
en métal à mon harnais, sortir du cockpit, courir
vers le fond de l'avion vers la porte de sortie, en espérant
qu'il ne soit pas en flammes, et sauter. "Bonne chance!"
pensai-je en moi-même.
Au dessus de la Manche, nous
avons franchi différents points de passage à l'heure
prévue, "Flatbush, Gallup et Hoboken...." Puis
tout de suite après Guernesey, notre formation de la 82nd
Airborne a viré de 135 degrés vers la péninsule
du Cotentin. La 101ème s'est séparée de nous
en virant de 140 degrés. En passant à l'est de Guernesey,
on a subi quelques tirs anti aériens, mais sans dommage pour
notre formation. En dessous de nous, la Manche était zébrée
des sillages de milliers d'embarcations en route pour Omaha et Utah.
Les allemands avaient solidement fortifié ces plages avec
des emplacements en béton pour canons au dessus des falaises.
Les troupes que nous acheminions vers les DZ à l'intérieur
des terres éteint chargés de sécuriser les
plages et les accès aux plages autour de la ville de Ste
Mère Eglise, pour empêcher les renforts de l'armée
allemande d'atteindre les défenseurs du Mur de l'Atlantique.
Après deux heures et demi
de vol, tout s'était déroulé en douceur. Cependant,
je transpirai sous l'effort de devoir garder à vue les lumières
bleutées. Dans un coin de ma tête, je n'ai pas honte
de le dire, j'entendais une petite prière qui répétait
"Seigneur protégez nous, Seigneur protégez
nous..."
A travers la brume devant nous,
apparut le détour plus sombre de la côte. Les pilotes
de tête de notre groupe volaient très bas, 500 pieds,
tandis que le reste des appareils étaient à 1.000
pieds. Note vitesse s'était réduite à 120 mph,
en vue de l'approche sur les DZ, 18 ou 20 miles devant nous, et
nous allions encore réduire à 115 mph pour le saut.
"Souvenez vous, quand les C 47 surchargés vont approcher
la DZ, le pilote doit surveiller sa vitesse. Toute vitesse inférieure
à 110 mph sera critique et peut provoquer l'arrêt du
moteur avec insuffisamment d'altitude pour repartir..."
Et puis soudain, sans crier
gare, ce fut le bordel total ! Juste au moment où nous
survolions la plage, on a heurté un mur de brouillard de
1.500 pieds de haut qui a recouvert entièrement notre formation.
Non seulement les lumières bleues ont totalement disparu,
mais la vue de tous les avions a disparu. Il m'était même
impossible de distinguer mes propres ailes. A ce moment , la crainte
des tirs ennemis était secondaire. Notre premier soucis était
la crainte de collision en plein ciel avec les avions qui nous entouraient.
Dans l'obscurité du cockpit, la petite aiguille fluorescente
indiquant la vitesse, l'altimètre et le contrôle de
la ligne d'horizon concentrèrent toute mon attention. C'est
à ce moment qu'une autre partie de notre entrainement intervient
automatiquement. Emergency Dispersal Procedure! La procédure
automatique de dispersion. Ecartez vous! J'ai poussé
la manette de mélange des gaz à fond et ai augmenté
le régime moteur, synchronisé la montée en
puissance des hélices, poussé à fond le gouvernail
gauche, tiré les doubles manettes pour une ascension de 500
pieds minutes. 45 secondes plus tard, je me suis stabilisé
à 1.400 pieds; toujours dans un brouillard à couper
au couteau. J'ai continué à naviguer à la boussole
sur un cap fixé sur la DZ, et j'ai prié pour qu'il
n'y ait pas d'autres avions devant moi. C'était hallucinant
de naviguer ainsi, sans entendre rien d'autre que le ronronnement
de mon avion. Bien que je ne pouvais rien voir d'autre derrière
les vitres que le brouillard, j'avais le sentiment de la proximité
des autres avions. CONCENTRE TOI! J'ai fixé mon attention
sur le tableau de bord et je me suis accroché aux manettes.
Encore plus de suées!!
Pendant ce temps, les autres
infortunés pilotes privés de navigateurs étaient
coincés dans cette panade, volant seuls à l'aveuglette.
Il n'est pas étonnant que certains aient perdu leurs repères
et leurs caps et ont raté la drop zone. Il n'y avait pas
de matériel GPS sophistiqué, pas de radar ni de navigateurs.
Ils volaient à bord des avions de l'âge de pierre de
l'aéronautisme; S'ils parvenaient à éviter
les collisions et à sortir de la purée de pois indemne,
il leur fallait se débrouiller pour descendre et trouver
la DZ qui leur était assignée. (Malheureusement, Monsieur
Ambrose et ses "devins" n'étaient pas assis dans
ces cockpits pour dire à ces "pilotes effrayés
et mal entrainés" ce qu'ils devaient faire.)
Ces quelques minutes dans la
purée de pois nous parurent une éternité avec
les yeux bandés. Quand nous sommes finalement sortis
du brouillard, il y avait des avions éparpillés à
gauche comme à droite et devant nous. J'ai laissé
échappé un soupir de soulagement, mais pas pour longtemps.
Il ne nous restait que peu de temps pour ramener l'appareil de 1.500
pieds à 700 pieds pour le largage (et ne pas accélérer
car il nous fallait voler à 115 mph). J'ai coupé les
gaz et j'ai commencé à descendre, et c'est là
que l'enfer s'est déchainé. Un gros barrage d'artillerie
anti-aérien à éclater à ma gauche puis
à ma droite. Il y avait de gros nuages de fumée noire
de la flak partout. Des lignes de balles traçantes semblaient
à notre recherche. Une volée de balles tambourinait
sur la queue de l'appareil, dérèglant le contrôle
de niveau, et aussitôt nous commençâmes à
descendre. J'ai tiré sur les doubles manettes et j'ai réajusté
le niveau d'horizon. Notre avion n'avait pas de réservoirs
d'aile étanches. Une balle traçante traversant cet
endroit nous serait fatale. Le ciel était à présent
d'un jaune ouaté. Les obus explosaient, secouant l'air de
turbulences, malmenant l'appareil comme un yo yo. J'ai vu d'autres
avions s'enflammer et descendre en vrille. On a survolé la
ville de Ste Mère où de gros combats faisaient rage.
Un grand incendie s'était déclaré au nord de
la ville. Pendant que cet enfer avait lieu à l'extérieur,
LaRue a déclenché le signal rouge d'avertissement
pour que les paras se préparent à sauter. J'étais
pendant ce temps très occupé à essayer d'amener
l'appareil à 700 pieds sans dépasser les 115 miles
à l'heure.
"Alors, il suffit de
sauter sur les freins n'est ce pas? Quels freins! Pour réduire
brutalement la vitesse d'un C-47, il faut trouver rapidement des
astuces. Mon co-pilote Wells a ouvert les volets en grand et sorti
le train d'atterrissage pour faire frein, pendant que j'actionnais
le gouvernail et manipulais les ailerons dans tous les sens pour
essayer de nous ralentir...
Le résultat est que la descente fut rude. Cela a dû
mettre les paras en colère. Quelqu'un a dû suggérer
à Monsieur Ambrose que les pilotes essayaient de d'échapper
et de s'éloigner de la flak. Ils devaient se dire ; "Qu'est
ce qu'ils foutent à l'avant?" Désolé les
gars! Je n'avais pas d'autre moyen de ralentir pour vous larguer!"
Quelques instants plus tard,
des parachutes se sont ouverts sous les avions qui me précédaient.
Puis j'ai vu le "T" lumineux que les pathfinders avaient
placé sur la DZ "O". Quelques secondes plus tard,
nous avons allumé la lumière verte. Avec les flaps
en position basse et le train sorti, on était parvenus à
ralentir l'avion jusqu'à 118 mph, à une altitude de
750 pieds. C'était un peu haut et un peu rapide.Mais c'était
la meilleure récupération possible depuis le brouillard,
compte tenu de la faible distance qui nous séparait alors
de la DZ. Trente secondes plus tard, les paras étaient largués
et descendaient pour libérer Ste Mère Eglise.
Le C-47 est un appareil rustique,
très fiable, mais ce n'est pas un avion qui vole en douceur,
particulièrement à basse altitude. Les parachutistes
qui ont passé de longues heures à s'entrainer à
sauter d'un C-47 savent de quoi je parle. Mais peut être ignorez-vous
ce qu'un pilote doit accomplir pour adapter le vol de l'avion à
des conditions imprévisibles. Quand vous vous trouvez soudain
plongé dans un blackout total avec des centaines d'avions
tout autour, il faut s'écarter très vite. Dans notre
cas, on a viré et on grimpé à une altitude
de sécurité. quand on est sorti du brouillard, il
nous a fallu nous précipiter pour redescendre pour rejoindre
une altitude de saut raisonnable. Avec aucun système de freinage
pour nous ralentir, on a fait ce qu'on a pu pour ralentir notre
vitesse en coupant les gaz, abaissant les volets, descendant le
train d'atterrissage, et en secouant les manettes dans tous les
sens pour augmenter la trainée. C'est ce qui est arrivé.
Je suis désolé
que Monsieur Ambrose suggère que les pilotes étaient
"effrayés et mal entrainés". Je pense qu'il
avait à moitié raison, car je me souviens avoir eu
la trouille.
Mais, la supposition que "les pilotes ont effectué
des manoeuvres d'évasion pour éviter la flak, est
absolument ridicule. Le fait est tout simplement qu'aucun C-47 surchargé
ne peut faire de manoeuvres fantaisistes ou virer sans raison, sans
parler d'éviter la flak. Cela aurait été de
la magie. Nous n'étions que des pilotes aux commandes d'avions
primitifs de la seconde guerre mondiale, pas des magiciens."
Ainsi que tout le monde le sait
à présent, l'invasion de la Normandie a été
un succès. Les largages dispersés n'ont pas plombé
la mission. Dans un cas que je connais particulièrement,
un mauvais largage a sauvé des vies car la DZ initiale était
occupée par des nids de mitrailleuses allemandes. Des paras
descendant vers eux auraient été massacrés
avant même de pouvoir se libérer de leurs parachutes.
A la fin de cette longue journée, tous les objectifs de la
mission avaient été atteints. En conclusion, tous
les participants à la mission en Normandie ont réussi.,
y compris les conducteurs de bus, les équipages des C-47
et des planeurs qui ont réussi à larguer les troupes
et les approvisionnements, et qui ont réussi à éviter
les collisions en plein ciel dans le brouillard, qui ont survécu
à la flak, et qui ont ramené les C-47 à la
base pour y être réparés, prêt à
voler dès le lendemain; pour voler et se battre une jounée
supplémentaire.
Band of Brothers est un portrait
émouvant de Dick Winters et de ses hommes de la compagnie
"E" du 506th PIR. Eux, ainsi que tous les membres de la
82ème et de la 101ème ont fait un boulot sensationnel.
Ils ont donné le meilleur d'eux mêmes; certains ont
tout donné, y compris leur vie. Ils méritent tous
les honneurs et le respect possibles, maintenant et à jamais.
Les Troup Carrier Wings étaient
simplement des armes de soutien. On a aidé à l'entrainement
des parachutistes. On a aidé à les emmener au combat.
On ne les a pas laissé livrés à eux mêmes.
On les a approvisionnés en Afrique, en Normandie, à
Bastogne, en Hollande, à Wesel, en Allemagne. On a évacué
leurs blessés. Nos pilotes, nos navigateurs, nos opérateurs
radios et nos chefs d'équipage si motivés se sont
écrasés et ont brûlé à leur côtés.
On a perdu nous aussi beaucoup d'amis, comme les paras, de manière
terrible à raconter.
J'ai pris le temps d'écrire ce papier pour apporter un petit
éclairage sur notre point de vue de l'histoire, un point
de vue totalement passé sous silence par Monsieur Ambrose.
J'espère que cela aidera à diminuer les dures critiques
exprimés par certains parachutistes ces dernières
années. Le courage des paras a été mis à
rude épreuve. Nous avons nous aussi été soumis
à de durs régimes aux côtés des paras,
et de manière répétée. Les paras ont
fait de leur mieux pour accomplir leur devoir. Nous aussi. Je garde
mes souvenirs de la Normandie et des horreurs dont j'ai été
témoin pour souligner l'héroïsme démontré
par tant de soldats. Que la paix, la paix pour laquelle nous avons
si durement combattu, nous apporte aussi tranquilité d'esprit.
Nous sommes fiers d'avoir servi avec les paras, et nous espérons
qu'ils se souviennent de nous de la même manière.
Julian
A. Rice (31 Août 2008) S/N 0679800, 1er
Pilote, 37th Sqdn, 316th Troop Carrier Group, WWII