J'avais tout juste 18 ans
quand je fus incorporé dans l'Armée le 6 mars 1943
à Rochester, état de New York, avec beaucoup d'autres
jeunes, originaires du centre et de l'ouest de l'état. Nous
étions cantonnés à Fort Niagara qui était
alors un centre de recrutement pour les jeunes soldats.
Quand il y eut suffisamment
de recrues qualifiées, on nous affecta dans une nouvelle
unité de l'armée de terre : Le 299th Engineer Combat
Battalion. Après un long voyage en chemin de fer, nous arrivâmes
à Camp White, dans l'Oregon, près de Medford. Là,
à plusieurs mois d'entraînement de base succédèrent
plusieurs mois de manoeuvres de campagne dans les régions
désertiques de l'Oregon. Je fus promu chef d'équipe
lors de la première phase d'entraînement et reçus
mes galons de caporal ensuite.
Fin octobre ou début
novembre 1943, on nous envoya à Fort Lewis dans l'état
de Washington en attendant, pensions nous, notre affectation pour
le théâtre des opérations dans le Pacifique.
J'eus alors droit à 4 semaines de permission. En décembre
1943, nous reçûmes l'ordre de rejoindre par le train
Fort Pierce, en Floride. C'était une station navale d'entraînement
et nous suivîmes un entraînement intensif : exercices
de débarquement dans des véhicules amphibies, techniques
de démolition, ainsi que bien d'autres spécialités
de la marine, comme le combat corps à corps et le judo. Je
me souviens que nous devions sauter d'une plateforme de 4,5m avec
notre fusil et notre sac à dos, sur une plage de sable en
effectuant un roulé-boulé à l'arrivée
au sol pour ne rien nous casser. C'était assez impressionnant
surtout la première fois. Nous passions des heures à
nous entraîner sur des bateaux de caoutchouc. Il fallait souvent
écoper ou retourner le bateau rempli par les grosses vagues.
Je ne savais pas nager, juste patauger comme un petit chien. Alors,
comme j'étais responsable je disais aux autres que c'était
à moi de tenir les rames - sans leur révéler
la véritable raison : les rames me donnaient un degré
supplémentaire de flottaison !
Pour mon 19ème anniversaire
(le 11 janvier 1944) je reçus mes galons de Sergent. Les
manoeuvres à Fort Pierce se poursuivirent jusqu'au 1er
mars 1944. Ce jour-là, nous partîmes par le train pour
Camp Pickett, en Virginie où on nous entraîna, entre
autres exercices, à ramper sous les barbelés tandis
que des mitrailleuses tiraient à balles réelles juste
au dessus de nos têtes. De temps en temps, ils utilisaient
des balles traçantes pour que nous constations à quel
point leurs trajectoires étaient toutes proches de nous.
Nous apprîmes à utiliser les masques à gaz dans
des pièces remplies de gaz lacrymogène. Je me souviens
de l'impression de brûlure sur notre cou causée par
le mélange de sueur et de gaz. Pendant un mois, on nous entraîna
à la marche, au tir de précision, au lancer de grenades
etc. En même temps nous subîmes examens médicaux,
vaccins et conférences d'endoctrinement à propos de
l'ennemi.
Le 1er avril 1944 nous reprîmes
le train pour Camp Kilmer, dans le New Jersey. Le 4 avril, nouveau
départ par train puis par ferry-boat pour le port de New
York où nous embarquâmes sur un bateau transporteur
de troupes, L'Exchequer. Nous quittâmes New York le 6 avril
au matin et dès le soir, notre navire se retrouva dans un
convoi avec d'autres transporteurs de troupes, des cargos et plusieurs
destroyers. Un bateau de guerre et un croiseur lourd nous précédaient.
Comme beaucoup de mes compagnons,
j'avais le mal de mer et n'avait guère d'appétit.
Nous dormions dans la soute du bateau. Les hamacs étaient
superposés : cinq les uns au dessus des autres et comme il
y avait peu d'espace entre eux, celui du dessus nous pendait sur
la figure. Les toilettes étaient branchées sur un
gros tuyau, sans séparation entre elles et nous entendions
l'urine jaillir de chacun de nous, ce qui nous incitait à
sortir de là au plus vite. Je me souviens avoir pris une
douche et un shampooing avec de l'eau salée, ce qui avait
rendu mes cheveux désagréablement poisseux et emmêlés.
Nous avions quelques exercices
légers : port du masque à gaz, inspection des armes.
Je me rappelle l'aumônier célébrant la messe
de Pâques. Je me rappelle aussi l'entraînement au tir
avec les canons du bateau. Nous entendions souvent des explosions
dans les profondeurs. Il y eut plusieurs alertes aux sous-marins,
et on nous dit que l'un d'eux avait été coulé.
Le 14 avril, le convoi commença
à s'éparpiller pour prendre diverses destinations.
La nuit du 16 au 17 avril, nous accostâmes à Cardiff,
au Pays de Galles. Nous débarquâmes le 18 et prîmes
le train pour Ilfracombe. Des camions nous emmenèrent dans
une autre gare et nous prîmes à nouveau le train pour
Brauton Camp Hut. Nous fûmes alors assignés à
la 1ère Armée.
L'entraînement sur les véhicules amphibies commença
dès notre arrivée. Ma compagnie B fut assignée
au VIIème Corps, les compagnies A et C au Vème Corps.
On nous entraîna à débarquer, à patauger
dans l'eau pour accomplir notre travail de démolition des
obstacles installés sur la plage, tout ce que nous avions
déjà pratiqué à Fort Pierce en Floride.
Nous utilisions des charges explosives C-2 et du tetranol (un explosif
solide ressemblant à une brique). Le C-2 était placé
dans des tubes de toile qui comportaient un crochet à une
extrémité et une corde à l'autre bout, ce qui
permettait de les attacher très rapidement à l'obstacle.
Cet assemblage qui pesait environ 1kg était appelé
le "Hagensen Pack" du nom du Lieutenant (général)
Carl P. Hagensen de la Marine nationale de Etats-Unis, qui l'avait
conçu et expérimenté. Des détonateurs,
fixés à un fil, étaient pré-inserés
dans le plastic, tous reliés en série à un
fil principal muni d'une amorce qui les mettrait tous à feu.
Vers le 14 mai, on nous annonça
que certains d'entre nous seraient rattachés au personnel
de démolition de la Marine. La moitié de mon équipe
et moi-même, fûmes donc mis sous les ordres du Lieutenant
E.P. Clayton, de la Marine, qui amena autant de ses hommes pour
faire équipe avec nous. En plus de l'entraînement habituel
et des préparatifs en vue du Jour-J on nous fit travailler
dans une piscine très profonde pour nous habituer à
rester sous l'eau, avec un casque de plongée pour y pratiquer
nos exercices de démolition. Dieu merci, nous n'avons pas
eu à mettre cela en pratique le Jour-J.
Après deux semaines
de cet entraînement, on nous emmena dans un camp isolé,
sans aucun contact avec l'extérieur de façon à
tenir secrètes les opérations de débarquement.
Le 4 juin, on nous fit monter à bord d'un L.S.T. (péniche
de débarquement) et on nous expliqua en quoi consisterait
notre mission. Nous devions débarquer sur les côtes
françaises le 5 juin, mais les conditions météorologiques
étant très mauvaises, nous restâmes sur le bateau
et on nous dit que les opérations de débarquement
étaient reportées au 6 juin.
La veille du 5 juin, le LST
quitta le port. Je ne sais pas au juste où nous étions,
sans doute quelque part à l'ouest de Weymouth, peut être
à Plymouth. Nous étions trop anxieux pour nous préoccuper
du nom de l'endroit que nous quittions. Ce qui nous intéressait,
c'était de savoir où nous allions et quelle sorte
de réception nous attendait là-bas !
Jour-J - L'invasion.
Le jour J a été
et est resté pour moi une journée mémorable
puisque j'ai participé à l'assaut initial à
Utah-Beach. J'étais alors un jeune sergent de 19 ans, membre
d'une équipe de démolition qui s'était entraînée
plusieurs semaines en Angleterre en vue du Grand Jour.
Notre équipe se composait de 6 ou 7 soldats du Génie
(la moitié de mon contingent) et du même nombre de
spécialistes de la démolition sous-marine, appartenant
à la Marine.
Notre entraînement comportait l'apprentissage de techniques
de destruction sous l'eau. Par bonheur, je n'ai jamais eu à
les expérimenter car je ne suis pas à l'aise sous
l'eau (je ne savais pas nager mais je ne l'avais avoué à
personne). Nous étions sous le commandement du Lt. E.P. Clayton, un plongeur de la marine qui gagna de l'importance au cours des opérations de sauvetage qui suivirent le naufrage d'un navire de la Marine, le S.S. Squalis. Ces équipes furent appellées Naval Combat Demolition Units (NCDUs), et la tâche de chaque unité était de dégager son secteur de plage, large de 45 mètres, de tous obstacles allemands car ceux-ci empêcheraient, voire pourraient endommager, les péniches de débarquement suivantes quand la marée monterait. C'est pourquoi nous devions débarquer à l'aube, quand la marée serait basse et les obstacles clairement visibles.
Le Jour-J commença
pour nous à bord d'un LST (péniche de débarquement)
quelque part dans la Manche, non loin des côtes qui font face
à la Normandie. Nous étions entourés de centaines
de transporteurs de troupes et de bateaux de guerre. Nous montâmes
à bord le 4 Juin en vue du débarquement le 5 mais
le départ fut retardé à cause de la tempête.
La météo était sous forte pression étant
donné que tout retard diminuait les chances de prendre l'ennemi
par surprise .Tout semblait reposer sur le temps et sur l'élément
de surprise. Nous avions déjà été sous
tension pour l'assaut du 5 Juin et nous allions devoir subir une
nouvelle montée d'adrénaline. L'attente nous permit
de réfléchir sur l'inconnu qui nous attendait et nos
pensées se tournèrent vers la méditation. Nous
savions que nous embarquions pour une mission à laquelle
certains d'entre nous ne survivraient pas. Sur le bateau, il n'y
avait guère de place pour la plaisanterie.
Nous reçûmes
enfin un ordre clair et précis. Notre LST se dirigea vers
sa nouvelle position le 5 Juin. Vers minuit, nous entendîmes
de nombreux avions qui partaient pour la Normandie. Nous savions
que des troupes aéroportées tenteraient d'établir
des têtes de pont à l'intérieur des terres ce
qui faciliterait notre travail. De notre embarcation, nous entendions
le bruit des bombardements et des tirs de DCA venant de la côte.
Au bout d'une heure environ, l'intensité des tirs s'accrut
et la côte était illuminée par les explosions.
D'autres vagues d'avions passaient au dessus de nous avec leur cargaison
de parachutistes. Comme nous l'apprîmes plus tard, nombre
d'entre eux périrent en tentant courageusement d'établir
des bases arrière.
Vers 2 heures du matin, on
nous donna l'ordre de mettre notre barge à la mer. Nous y
montâmes avec notre équipement complet de combat y
compris les boîtes d'explosifs divers, les détonateurs
et les amorces dont nous avions testé l'étanchéité.
A noter : une utilisation originale des préservatifs posés
sur les détonateurs manuels et fixés à l'extrémité
ouverte par une bande de caoutchouc. Les détonateurs étaient
ainsi étanches et on pouvait quand même tirer sur la
manette pour les activer.
La mer était encore agitée. Descendre le long d'une
échelle de corde - plus souvent appelée "filet
de dégringolade" - pour atteindre notre barge qui dansait
sur l'eau était assez effrayant en soi. De plus, il fallait
éviter de sauter dans l'embarcation quand celle-ci roulait
brusquement, car on risquait de se briser les os.
En plus des sous-vêtements
de laine, nous portions des vêtements spécialement
traités avec une espèce de cire pour les rendre étanches.
Nous nous rendîmes vite compte que cela n'avait aucun intérêt
car l'eau qui pénétrait quand même par les ouvertures
restait emprisonnée à l'intérieur (ce serait
le cas quand nous aurions atteint la plage). En fait, ces vêtements
étaient censés nous protéger des gaz. Nous
avions aussi un masque à gaz car, si les poumons étaient
atteints, nous avions peu de chances de survivre.
Notre bateau piloté
par un barreur, rejoignit les autres barges de notre LST qui formèrent,
ensemble, un large cercle, tournant au ralenti en attendant l'heure
H. L'attente semblait interminable! Les effets combinés du
roulis, des douches d'eau salée et des fumées du diesel
nous faisaient souhaiter de nous retrouver sur la plage le plus
vite possible. Je me disais que si je devais mourir, autant que
ce soit sur la terre ferme.
Aux premières heures
de l'aube, chaque bateau de l'armada ouvrit le feu de toute sa puissance
en direction de la côte et des batteries allemandes. Les bombardements
aériens s'amplifiaient. C'était effroyable. Les éclairs
des navires dessinèrent les silhouettes des innombrables
bâtiments de guerre restés jusqu'alors invisibles dans
la brume de l'aube. Pour nous, c'était un spectacle rassurant,
qui nous stimula. Dans nos petites embarcations, nous savions que
nous pouvions bénéficier de ce support impressionnant.
Plus les bombardements duraient et plus notre espoir de survivre
augmentait. Enfin vint le signal pour notre cercle d'embarcations
de nous diriger vers l'endroit de la côte qui nous était
assigné. Au passage, nous aperçûmes des barges
qui avaient sauté sur une mine ou avaient été
touchées par des obus ennemis. Les corps des GI flottant
sur l'eau me donnèrent la première vision de ce qu'est
vraiment la guerre. En fait, pensai-je, les chances ne sont peut-être
pas conformes aux prévisions.
Notre pilote n'était
pas chaud pour s'approcher de la côte. Il craignait que son
bateau heurte le fond. Ces bateaux sont prévus pour flotter
dans des eaux peu profondes et, sauf contre-ordre du lieutenant
Clayton, c'est là que nous devions débarquer. J'avais
la certitude que notre barreur avait peur et pensait qu'en s'arrêtant
plus tôt, il pourrait s'en tirer sans dommage, oubliant que
son geste ajoutait aux risques que nous courions C'est encore ma
conviction actuellement. Ce sentiment se confirma quand nous nous
retrouvâmes dans l'eau jusqu'aux épaules ou au cou
selon notre taille. Nous frayer un chemin jusqu'au rivage avec tout
notre équipement nous parut une éternité. Heureusement,
à ce moment-là, il ne semblait pas y avoir de tirs
d'armes individuelles venant des Allemands, seulement des tirs sporadiques
d'artillerie. Notre débarquement était prévu
à 6 h 30 ce qui nous permettrait de détruire les obstacles
sur la plage avant la marée haute. Nous devions placer les
charges explosives de telle sorte que les explosions projettent
les débris vers la mer. Cela pour épargner les soldats
déjà sur le sable. Mais, cela ralentissait notre action
car nous devions tenir compte des vagues de barges qui arrivaient
après nous. Les choses progressèrent, néanmoins,
sans trop de difficulté. Vers le milieu de la matinée,
notre tâche était terminée. Non sans douleur
cependant puisqu'un membre de mon équipe, Leo Indelicato,
fut tué par un obus.
Plus tard dans la matinée,
un autre chef d'équipe, Léon "Toby" Tobin,
arriva dans mon secteur. Il avait débarqué avec la
Compagnie B, un peu plus à gauche de ma position. Nous comparâmes
nos notes. Mon assistant, le caporal Alfred Kurzawski avait été
tué, de même qu'un simple soldat. Un autre, blessé,
avait été évacué sur un navire hôpital
et peut-être rapatrié en Angleterre. J'avais donc perdu
4 camarades new-yorkais sur un groupe de 13. Ceci se révéla
une moyenne normale pour le Jour-J.
Toby me raconta comment il l'avait échappé belle.
Il secoua sa gourde et on entendit le raclement d'un morceau de
métal à l'intérieur. L'éclat provenait
d'une de ces mines allemandes qui explosaient si on marchait dessus.
Elles projetaient alors des éclats dans toutes les directions.
Sur l'instant, il n'avait pas compris qu'un éclat avait touché
sa gourde pleine d'eau. C'est seulement quand cette eau s'écoula
par le trou qu'il sentit l'humidité et entendit le bruit
du morceau d'acier. Je ne sais pourquoi, ce type de mine (bombe
à ricochets) fut bientôt connu sous le nom de "la
Betty dodue".
Peu après, alors que Toby et moi regardions la dune, nous
entendîmes une explosion toute proche et je vis deux soldats
projetés hors de leur tranchée. Je pensai à
une mine, mais, instinctivement, je regardai vers la mer et remarquai
une petite embarcation à moins de 100 mètres du rivage.
A son bord, deux hommes s'activaient autour d'un lance-roquette.
Je n'avais encore jamais vu un tel engin. Je me demandais s'ils
l'essayaient ou s'ils savaient ce qu'ils faisaient. Leur petit bateau
se dandinait sans arrêt. Comment pouvaient-ils alors savoir
à quel moment faire feu en étant sûrs d'atteindre
la cible ennemie et pas quelque infortuné GI qui ne se serait
pas attendu à être tué par son propre camp ?
Encore maintenant, je me pose toujours la question de savoir qui
a été responsable de la mort de ces deux soldats.
Récemment, j'ai été frappé par les prises
de conscience publiques et les débats à propos de
ces pertes dues "aux tirs amis" et de ces "dommages
collatéraux". Pendant la seconde guerre mondiale, nous
ne possédions pas l'armement sophistiqué qui est "censé"
permettre aujourd'hui des frappes chirurgicales.
Vers 13 heures, nous fîmes
nos adieux à nos camarades de la Marine puisqu'ils n'avaient
plus besoin de nous à Utah-Beach. Ils devaient remonter sur
une barge, première étape de leur retour en Angleterre
alors que nous, les équipes du Génie, devions progresser
à l'intérieur et rejoindre la Compagnie B. A cet instant,
c'est avec beaucoup d'envie que nous regardions nos copains marins
car, nous aussi, nous aurions bien voulu reprendre le bateau...
Pour eux, c'était peut-être le dernier jour de guerre.
Pour nous, les choses ne faisaient que commencer. Note : Pendant la guerre, l'un des membres de mon équipe
qui correspondait avec l'un des deux marins apprit que dans le groupe
qui avait travaillé avec nous, deux hommes étaient
morts accidentellement lors d'un exercice d'entraînement aux
USA. Triste ironie du sort.
Nous quittâmes la plage
et fûmes rejoints par le reste de mon groupe. On nous donna
l'ordre de nous mettre en position d'arrière-garde dans un
champ à 250 mètres de la plage. Nous étions
heureux de nous retrouver et d'être encore en vie, même
si j'avais perdu mon sac à dos contenant mes effets personnels.
Sans doute, les avais-je laissés dans la barge au moment
où le pilote avait jugé bon de ne pas aller plus loin.
Outre mon nécessaire de toilette, mes rations K et autres
objets, le sac à dos contenait des vêtements de rechange
qui me firent cruellement défaut! En effet, mes vêtements
trempés d'eau de mer avaient provoqué une crise d'urticaire
et ma cotte cirée accentuait le problème. La première
chose à faire aurait été de l'enlever pour
me sécher, mais la nuit étant froide, j'ai dû
faire avec.
Nous n'avions aucune nouvelle
de nos camarades des Compagnies A et C qui avaient débarqué
à Omaha. Plus tard, nous apprîmes qu'ils avaient vécu
un cauchemar infernal dont le souvenir marquerait les survivants.
Ce souvenir persiste chez les vétérans encore en vie
actuellement.
Environ un tiers des hommes
de notre bataillon - venus essentiellement de la moitié ouest
de l'Etat de New York - furent tués, blessés ou portés
disparus au cours de ce jour J. Ils furent remplacés par
des hommes de valeur qui devinrent des glorieux membres du fameux
299th Engineer Combat Battalion et servirent vaillamment avec nous
lors des campagnes suivantes (Notamment dans le Nord de la France,
à Bastogne, dans les Ardennes et sur le Rhin) jusqu'au jour
de la victoire en Allemagne.
Eugene D. Shales (07 Mai 1994)
Les expériences d' Eugene D. Shales furent recueillies avec l'aide de l'association "Les Fleurs de la Mémoire" Traduction réalisée par Marie-T Lavieille.