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Marie madeleine Poisson
Carentan - Manche
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J'avais 31 ans en juin 1944
et j'habitais dans la ferme de ma belle-mère située
sur la route de Periers, à l'entrée Sud-Ouest de Carentan.
Mon fiancé avait été capturé en 1940
par les allemands et je ne devais le revoir qu'après la fin
de la guerre, en 1945. Les conditions de vie étaient très
difficiles, nous avions des cartes de rationnement pour le pain,
le sucre, la viande. Toutefois nous étions quand même
mieux dans les fermes pour nous nourrir que dans les villes. La
ferme de ma belle-mère était réquisitionnée
par les allemands et servait d'infirmerie. Nous étions obligées
de vivre dans les étables mais la cohabitation ne se déroulait
pas trop mal.
Quelque temps avant le débarquement
les gens commençaient à s'inquiéter car il
y avait beaucoup d'avions mais ils ne savaient pas ce qui se passait.
Egalement beaucoup de bombardements qui se sont amplifiés
au fur et à mesure que l'on approchait du mois de juin.
Le 5 juin il y a eu d'importants bombardements, les avions visaient
les lignes électriques, la ligne de chemin de fer, les ponts
; A Carentan le pont de saint-hilaire-petitville sur la Taute a
été bombardé.
Lorsque les événements
ont débuté nous vîmes de nombreux largages de
parachutistes vers le nord et en direction de la mer. Les blessés
allemands traversaient les marais inondés pour venir se faire
soigner à la ferme. C'était rempli d'allemands, ils
avaient descendu tout le foin disponible et les blessés étaient
entassés partout où cela était possible. Certains
y mourraient à bout de sang, les blessés graves étaient
emmenés autre part. Au fur et à mesure que le temps
passait la situation à la ferme devenait de plus en plus
difficile pour ma belle-mère et moi, les allemands devenant
très nerveux. Notre voisin, Charles Pigault, est venu nous chercher en
nous disant qu'il ne fallait pas rester là car cela devenait
beaucoup trop dangereux pour nous et que nous n'étions pas
en sécurité. Nous l'avons suivi jusqu'à sa ferme et
avons retrouvé là une quarantaine d'autres réfugiés.
Nous étions enfermés
dans la maison et nous ne pouvions plus sortir ni nous montrer.
Dès que les allemands nous voyaient ils tiraient, même
en sachant que c'étaient des civils aussi nous ne bougions
pas de la maison ni ne nous montrions aux fenêtres, les hommes
avaient d'ailleurs placé une table et des matelas pour nous
protéger. Plus le temps passait et plus les allemands devenaient
vraiment méchants. Au cours des jours suivants la bataille
se déroulait autour de nous et les obus tombaient continuellement,
l'un d'eux est même tombé sur la cheminée.
Les premiers américains qui sont arrivés étaient
accompagnés d'un char, les hommes qui surveillaient depuis
la porte de la maison les ont vus arriver dans la cour. Nous avons
ouvert la porte et fûmes obligés de quitter la maison
car le toit de chaume avait pris feu et la maison brûlait.
Nous sommes repartis à travers champ en direction de notre
ferme d'où les allemands avaient été délogés.
La ferme était occupée par les américains et
servait également d'infirmerie. Ils n'ont jamais voulu que
nous restions chez nous aussi nous fûmes obligés de
partir vers Carentan, sur la route parmi les américains qui
montaient au front et les allemands emmenés comme prisonniers.
Dès que des combats se produisaient nous étions obligés
de nous coucher dans les fossés pour nous y réfugier.
A ce moment là nous avons eu vraiment peur.
Arrivés dans Carentan
nous nous rendîmes à la maison de madame Lecomte. Nous
y avons eu la visite d'un américain qui m'a semblé
saoul, il tenait sa baïonnette à la main et elle n'arrêtait
pas de tomber par terre. Il nous a tous mis en ligne et a pris un
des hommes pour faire le tour des pièces et visiter la maison.
Une fois ceci accompli et vu qu'il n'y avait que des civils il a
semblé se détendre et nous a même donné
à manger. Nous n'avons couché qu'une seule nuit dans
cette maison, cela n'était pas prudent d'y rester, le quartier
brûlait et la maison risquait d'être touchée
à son tour.
Nous avons donc déménagé à nouveau, pour un petit
magasin de meubles où nous sommes restés plusieurs jours. Après
un dernier déménagement dans une autre maison de Carentan nous
sommes enfin retournées, saines et sauves, à la ferme d'où
s'était éloignée la ligne de front.
Marie madeleine Poisson (23
Novembre 2003)
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