 | Melvin
B. Farrell Omaha Beach - 2nd Platoon, B Company, 121st
Engineer Combat Battalion
| A
environ une heure du matin le 6 Juin nous fûmes réveillés,
du moins ceux qui avaient pu dormir, et nous eûmes un déjeuner composé
de toasts et de café de GI. A 01h30, l'ordre arriva d'embarquer dans de
plus petites embarcations appelées "LCM", et au signal donné,
de se regrouper pour l'assaut frontal sur la plage normande. Ces bateaux étaient
assez larges pour recevoir un peloton entier, 41 hommes, équipement de
combat compris, et avaient à l'avant une rampe que le navigateur pouvait
abaisser afin de permettre une sortie rapide. Le
nôtre était le 2nd Platoon, B Company, 121st
Engineer Combat Battalion qui devait être le fer de lance de l'attaque à
cause de la nature de notre mission. Celle-ci
consistait à démolir un mur d'environ 4 pieds de haut pour 4 pieds
d'épaisseur qui courait parallèlement au bord de l'eau, de sorte
que les blindés puissent passer. Chacun d'entre nous portait 40 lb de charges
explosives plus un bangalore de 7 pieds afin d'atteindre notre but ainsi que notre
paquetage plein, notre fusil etc... A
quelques yards de la plage, il y avait un emmêlement de fils barbelés
que nous rencontrerions avant d'atteindre le mur. Les bangalores étaient
là pour creuser d'énormes brèches à travers ces obstacles. J'avais
été sur la Manche au moins quatre fois auparavant et jamais je n'avais
vu l'eau si houleuse. C'était méchant. Les vagues ballottaient le
LCM et il claquait l'eau tel un os se cassant. Chacun d'entre nous avait tellement
le mal de mer que nous avions tous vomi à 05h00. "L'heure
H" ou le moment de débarquer était initialement prévue
à 06h00. Cela avait changé, reculé à 06h20 à
cause de la marée haute et de la mer houleuse. Notre radio opérateur
était si malade qu'il manqua le message ainsi pour nous "l'heure H"
était toujours 06h00. Alors que
nous approchions, nous commençâmes à regarder autour de nous.
Jamais, pensais-je, il n'y avait eu autant de chalands de débarquement
et de navires dans le monde. Il y en avait partout ! L'Air-Force
amena un peu plus tôt les parachutistes dans ce qui apparu comme un flot
ininterrompu d'avions. Puis vers 6h00, ils commencèrent à bombarder
la plage pour tester et ramollir les défenses. Les grands cuirassés
derrière nous ouvrirent le feu avec leurs gros canons, leurs obus passaient
au dessus de nos têtes en direction de la plage. Il aurait semblé
que rien ne pourrait résister à une telle pluie d'obus et de bombes
mais tant bien que mal les soldats allemands échappèrent à
de sérieuses blessures. Ainsi ils étaient parfaitement vivants et
en état d'alerte à 06h00. A
environ 200 yards de la plage notre LCM avançait péniblement, quand
il heurta de plein fouet un obstacle de plage et s'enfonça dedans rapidement.
Le navigateur fit reculer le LCM et repartit mais cela ne marcha pas. Le tir de
mitrailleuse ricochait sur les côtés de l'embarcation produisant
un vacarme difficilement imaginable. Le navigateur abaissa la rampe et hurla :
"Foncez!" Je fus le troisième
homme dehors. Nous, les trois premiers hommes, roulâmes sur la gauche et
sautâmes par le côté de la rampe. Le feu des mitrailleuses
balayait désormais l'intérieur du LCM et un fort pourcentage de
nos hommes fut tué avant qu'ils n'aient pu sortir. Quand
les deux premiers hommes et moi-même eurent sauté, nous retombâmes
dans un trou d'obus et avec le poids de nos bagages coulâmes brusquement
comme des cailloux. Nous marchâmes sur le fond jusqu'à pouvoir sortir
du trou. Il sembla se passer une éternité avant de parvenir à
atteindre la surface. Nous fûmes ensuite sur le sable mais il y avait une
autre étendue d'eau entre nous et la plage. Cette étendue contenait
un dédale de pièges à chars, de mines et tous les objets
que les boches avaient pu planter pour contrecarrer une tentative de débarquement.
Tout cela semblait irréel, une
sorte de rêve éveillé, les hommes criaient et mouraient tout
autour de moi. Je me suis souvent demandé si tous les hommes avaient prié
de manière aussi fervente que je l'avais fait. Je me souviens être
passé devant un obstacle contre les chars fait de rondins de bois. Je me
hissai à côté de lui et m'accroupis aussi bas que je pus pour
me reposer un moment et trouver le meilleur abri qu'il était possible de
trouver contre l'averse de balles des mitrailleuses. Regardant par dessus l'obstacle,
je découvris qu'il y avait à environ mi-chemin vers le haut une
grosse mine Teller avec des fils métalliques allant dans toutes les directions.
La plupart de ces détonateurs étaient des mécanismes à
tension, je savais que si une balle coupait un de ces fils cela me réduirait
en charpie. Mais la question était comment continuer? Je savais que je
devais le faire alors sans hésitation je partis en biais vers la gauche
et avec l'aide divine de Dieu j'y parvint à travers le labyrinthe de fils
avec tout mon équipement. Soudain
je me trouvai confronté avec ce qui semblait être une montagne de
fils barbelés rouillés. Je fis glisser le bangalore aussi profondément
que je pouvais, coupai la mèche aussi court que j'ai osé, l'allumai
et couru environ dix pas en arrière et m'aplatis à même le
sol. Il explosa en creusant un trou d'environ vingt pieds de large dans les barbelés. Cette
section était sous un feu intense venant de blockhaus que nous voyions
sur la colline. Dans chaque bande de balles tirées par des mitrailleuses,
la cinquième est une traçante que vous voyez rougeoyer. Celles-ci
apparaissaient de manière tellement dense et entrecroisée qu'il
est difficile de croire que quelqu'un pouvait s'en sortir indemne. Avec
une lenteur déchirante j'arrivai au mur derrière lequel plusieurs
de nos hommes nous attendaient déjà. Je jetai mon sac de charges
sur le mur et attachai la mèche principale au raccord qu'ils avaient déjà
étendu et ils commencèrent à ramper en arrière pour
se protéger de l'explosion à venir. Quand
l'explosion eut lieu, la première vague d'infanterie était à
environ 100 yards de là. A ce moment notre mission initiale était
accomplie alors nous nous blottissions derrière les restes inégaux
du mur que nous venions de détruire. Je détournai mon regard vers
l'infanterie arrivant et vis mon sergent, Steve Kleman qui n'était pas
à 40 yards de moi. Il était assis, il avait été touché
aux hanches. J'essayai quatre fois d'aller vers lui pour le traîner à
l'abri. A chaque fois que je me mettais à découvert, une pluie de
balles me faisait reculer. A ce moment, il avait été touché
tant de fois que c'était sans espoir. La
B Company subit 73% de pertes pendant ce débarquement, mais allongés
derrière le mur nous ne pouvions détourner notre regard de l'infanterie.
Ils couraient à travers la colline en un flot incessant, les morts et les
mourants s'empilaient derrière eux. Honnêtement, j'aurais pu marcher
sur toute la longueur de la plage sans toucher le sol que les corps jonchaient.
Dans toutes les formes imaginables, la mort rôdait tout autour de nous.
Je me souviens d'un caporal marchant toujours à la recherche d'un médecin,
il avait le menton et le nez atteints, coupés proprement et régulièrement. Je
me demande si je serai jamais capable d'oublier tout ça. Melvin
B. Farrell Traduction réalisée par Guillaume Ferey
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