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Marie-T Lavieille née Champel
Prétot - Manche
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6 JUIN 1944. 6 heures du matin.
Au cœur du Cotentin, dans la ferme isolée
tenue par ma mère, je m’éveille brusquement. Que se passe-t-il ?
J’ai l’impression que le mur contre lequel est appuyé mon lit tremble
et résonne. Des voix me parviennent de la cuisine.
Vite, je me lève et découvre une scène insolite.
Un homme - tellement bizarre - est assis sur une chaise au
milieu de la pièce. Il porte une sorte d’uniforme kaki, très souple,
avec des poches partout.
Il est coiffé d’un casque recouvert de feuillage.
Son visage est barbouillé de noir. Il prononce des mots incompréhensibles.
Ma mère et mes frères qui l’entourent, essaient de deviner ce qu’il
veut dire.
Sa main gauche semble soutenir son bras.
Sans cesse, il répète « broken… broken.. »
Soudain, lâchant son bras, il sort un poignard
dissimulé dans le bas de son pantalon. Il coupe alors une bande
de tissu fixée au bas de sa jambe et extrait - merveille !
- une tablette de chocolat qu’il nous tend.
Cet homme, si étrange, est donc un ami…
« Broken… » ce premier mot d’anglais restera
gravé dans ma mémoire.
Le parachutiste de la 82nd
Airborne perdu dans la campagne normande, ce matin-là, avait l’épaule
brisée. Un de mes frères le conduira en lieu sûr où il sera soigné.
Quant à moi, je venais de prendre mes 9 ans,
- est-ce à cause de cette rencontre extraordinaire ? - je
deviendrai professeur d’anglais et j’aurai souvent l’occasion, notamment
lors des cérémonies de l’anniversaire du débarquement de servir
d’interprète….
Marie-T Lavieille (05
Avril 2001)
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