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Harley A. Reynolds Staff Sergeant, B Co, 16th Infantry
Regiment, 1st Infantry Division.
| Je mappelle Harley
A. Reynolds. Ma ville natale est St. Charles, Virginie, 24277. Je suis né
le 2 octobre 1924. Je mengageai dans larmée le 28 décembre
1940. Je fus affecté à la compagnie B du 16ème régiment
dinfanterie, 1ère Division, stationnée à Fort Jay sur
Governors Island, New York. Je servis ave cette unité jusquà
ma démobilisation le 4 juillet 1945 à Fort Meade, Maryland, après
la victoire en Allemagne. Nous étions évalués par un système
de points. Javais le plus grand nombre de points pour un homme en Angleterre
quand la guerre prit fin. Un groupe de dix-sept hommes ayant le plus de points
fut rapatrié pour tester le système et jeus la charge de nos
états de service, que nous emportions avec nous. Mon grade était
Staff Sergeant pendant linvasion de la France, et ce fut ma plus haute qualification. En
1940 la 1ère Division dInfanterie avait des détachements stationnés
dans de nombreux camps et forts autour de New York. Début 1941 toute la
division fut rassemblée à Fort Devens, Massachusetts. A Fort Devens,
la division mit en scène un débarquement factice à Buzzards
Bay, près de Cape Cod, Massachusetts. Nous participâmes également
à un exercice comportant des troupes de nombreux Etats du Sud, dont des
Marines. La 1ère Division était la force dinvasion censée
débarquer en Caroline du Nord. Les entraînements commencèrent
ainsi bien avant notre entrée en guerre. Début
1942 la Big Red One quitta Fort Devens pour Camp Blanding en Floride pour subir
un entraînement en climat chaud. Selon la rumeur, nous étions bons
pour le Pacifique. En juin 1942 nous quittâmes Camp Blanding pour Fort Benning,
Géorgie. Là nous prîmes pat à un exercice coordonné
comprenant des bombardements aériens, des largages de parachutistes, et
une attaque blindée soutenue par linfanterie. Nous étions
linfanterie de soutien. De Fort
Benning nous partîmes pour Indiantown Gap, Pennsylvanie, où nous
troquâmes nos uniformes kaki contre des tenues O.D. et léquipement
pour partir outre-mer. DIndiantown Gap nous gagnâmes le port de New
York où la totalité de la division denviron 16000 hommes sembarqua
sur le Queen Mary pour appareiller le 2 août 1942 et débarquer à
Glasgow, Ecosse, le 7 août 1942. De Glasgow nous prîmes le train pour
Tidworth Barracks près dAmesburry, Angleterre. Là nous nous
entraînâmes avec différentes armes et fîmes de nombreuses
et longues marches dans la campagne avec limpedimenta complète et
les armes. A Tidworth, nous voyageâmes
en train jusquà Gourock, Ecosse, et embarquâmes sur un petit
navire pour un exercice de débarquement. Nous ne le savions pas encore
mais cétait un entraînement sur un terrain semblable à
celui que nous aurions à affronter en Afrique du Nord. Je
commençai mon service comme fusilier à Fort Devens et plus tard
comme éclaireur. Ceci me donna mon premier galon : 1ère classe. A
Camp Blanding je me qualifiai comme Expert au fusil M1, à la mitrailleuse
légère, à la carabine .30 et au pistolet-mitrailleur .45. Me
qualifier à la mitrailleuse avec mes 6 pieds de haut et mes 178 livres
[environ 1.83m pour 81 kg] me qualifia pour un transfert à la section darmes
lourdes de la compagnie, peloton de mitrailleuses. Je fus affecté à
une section de mitrailleuse comme premier porteur de munitions. Ma mission consistait
à approvisionner le pourvoyeur et le relever si besoin. Les plus costauds
étaient requis pour porter toutes ces munitions. Au cours de lexercice
à côté de Gourock nous fîmes une marche forcée
avec tout léquipement pour traverser ce qui devait être la
plus haute montagne dEcosse. Nous escaladâmes toute la nuit, et la
plus grande partie du jour, pour finalement revenir à notre point de départ. Là
je regrettai limage de macho des porteurs de munitions. Nous en portions
assez pour tenir trois jours. Il plut tout au long de lexercice et ce furent
les deux jours les plus misérables de ma vie. Après un bref repos
sur le navire à léquipage indien, nous eûmes droit à
une nuit de permission à terre. De retour à Tidworth nous nous préparâmes
pour le débarquement en Afrique. Nous débarquerions également
en Sicile avant de retourner en Angleterre nous entraîner pour linvasion
de la France. Nous avions deux débarquements réussis à notre
actif (Afrique du Nord et Sicile) mais devions nous préparer pour celui-là
également. Une nuit dans un pub
le caporal Wm. Wilde de Vineland, New Jersey, porta un toast alors que nous prenions
une bière : « A ceci, et encore à cela, si vous y allez pour
le faire et que vous ne pouvez pas le faire, laissez-nous faire, nous avons lhabitude
! » Quelquun demandait alors : « Quoi ? » Nous criions
généralement en retour « Linvasion ! » Ceci était
devenu célèbre dans toute la Big Red One. De
Sicile nous retournâmes en Angleterre où nous fûmes stationnés
dans la petite ville de Lyme Regis près de Torquay. La compagnie fut logée
partout où une chambre pouvait se trouver pour quelques matelas ou lits
de camps. Les petits hôtels, les pensions, les maisons particulières,
les chambres inoccupées des bâtiments le long de la rue principale
et deux ou trois « Nisson Huts » laissées vacantes par la Home
Guard. Lyme Regis était le centre
dune zone où plusieurs sites dentraînement nous seraient
utiles. Au port, à lest, nous embarquions sur des transports de troupes
et à louest, près de Torquay à Slapton Sands nous faisions
des exercices dassaut. Nous prenions place dans des barges de débarquement
et rendions tout aussi réaliste que possible. Nous portions de vraies munitions
lors du dernier assaut et fûmes autorisés à tirer sur des
cibles sur les collines face à nous. Nous ouvrîmes le feu sur les
rochers, des buissons, des points plus sombres et des points de calcaire blanc,
et quand les lapins sortirent soudain de leurs terriers ils nous fournirent des
cibles mouvantes. Nous restâmes
à Lyme Regis de novembre 1943 à la mi-mai 1944. A ce moment javais
le grade de Staff Sergeant et commandais la section de mitrailleuses légères.
Les différentes places que joccupai, de premier porteur à
pourvoyeur, de tireur à chef de peloton, puis chef de section se sont succédé
parce que les hommes situés au-dessus de moi furent soit blessés
soit tués et je dus les remplacer. Pourquoi ai-je été si
chanceux ? JOUR-J : 6 JUIN 1944 Lheure
de linvasion sonna et nous embarquâmes sur le transport de troupes
Samuel Chase à Weymouth, Angleterre. Nous appareillâmes immédiatement
pour prendre place au sein de la flotte dinvasion. Lobjectif de notre
bataillon était de débarquer en réserve du régiment
sur Omaha Beach, secteur Easy Red. Ce
serait notre deuxième assaut à partir du Samuel Chase. Le premier
était à Gela en Sicile. Le navire participa également au
débarquement en Afrique du Nord. Beaucoup damitiés se nouèrent
à cette époque, et plus tard grâce aux associations de la
division et du navire, qui sont toujours actives. Je suis membre honoraire de
leur association, un groupe courageux et fier. Nous
quittâmes le Chase pour la dernière fois pour gagner la zone de rassemblement,
en ligne, en suivant la petite lumière à larrière de
la barge qui nous précédait. La lumière disparaissait et
réapparaissait comme nous nous soulevions et retombions au rythme de la
houle. La mer devenait mauvaise. Je crus plusieurs fois que nous allions rentrer
dans la barge devant nous, comme nous leur arrivions dessus, et que nous devrions
faire demi-tour. Je pouvais voir la traînée phosphorescente laissée
par la barge et pensais que les Allemands devaient pouvoir la voir aussi, et nous
prendre pour cible. LHistoire a
retenu le quasi-échec de notre secteur à cause de la tempête.
Il y a beaucoup de films qui décrivent ces mésaventures mais aucun
nest aussi terrifiant que ma première vision de la scène.
Nous étions entraînés à garder la tête baissée
jusquau moment de débarquer mais étant sous-officier je préférai
savoir ce qui se passait autour de nous. Je regardai par dessus bord plusieurs
fois et ce que je vis était terrifiant. Aucune caméra ne filma les
images restées dans mon esprit. A lentraînement on nous avait
dit que tout se déroulerait dans lordre mais voir tout ceci était
ahurissant. Lampleur de tout cela était stupéfiante. Les émotions
variaient entre peur et responsabilité. La
masse des navires et des barges commençait à se matérialiser
dans laube naissante. Des navires et des barges de toutes sortes aussi loin
que le regard pouvait porter ; les navires débarquant troupes et équipements.
Les navires de guerre croisaient le long de la côte, tirant salve sur salve,
parfois juste au-dessus de nos têtes, directement sur la plage. Des centaines
de barges de débarquement allant et venant entre la plage et les navires.
Des roquettes tirées par milliers et on apprit quelles étaient
toutes tombées trop court. Je me sentirais plus en sécurité
dans un de ces cratères dobus plus tard. Des
avions avaient bombardé la plage plus tôt mais je nen vis que
peu de traces. Il y avait une remarquable absence davions au-dessus de nos
têtes, même allemands, ce qui me ravit. Deux ou trois avions dobservation
allemands ou des nôtres passèrent plus tard dans la journée.
Je lus plus tard que nos avions étaient plus loin dans les terres pour
clouer laviation ennemie au sol. Grâce à Dieu. Nous
tournâmes en rond pendant ce qui nous parut durer des heures dans notre
zone de rassemblement. Nous étions assez près pour entendre laction
sur la plage. Il y avait peu de conversations. Nous écoutions les tirs
de toutes ces armes légères et échangions des regards. Nous
savions quune chaude réception nous attendait. Je crois que cest
là que nous ressentîmes la plus grande appréhension et la
plus grande peur. Lattente est toujours ce quil y a de pire. Lesprit
peut vagabonder. Il nen a plus le temps lorsque laction commence. Je
vis et entendis le pilote dire à lautre marin : « Ca y est
! On y va ! » quand nous nous élançâmes tel un cavalier
vers lautre barge. Je me rappelle avoir regardé le pilote. Il paraissait
calme posté dans son habitacle sur bâbord arrière. Jeus
confiance en lui. Un marin était dans un autre habitacle sur tribord arrière
avec une mitrailleuse montée pour pouvoir tirer sur déventuels
avions. Jai essayé bien des fois de me rappeler sil avait ouvert
le feu pendant la phase dapproche mais je ne peux pas dire sil la
fait. Plus tard jai demandé à dautres hommes sils
pouvaient sen souvenir, et ils mont dit quils ne le pouvaient
pas non plus. Je jetai un dernier coup
dil dinspection à léquipe. Notre groupe
était un escadron. Nous avions six escadrons dans notre compagnie et le
nôtre était lescadron de commandement, composé de moi-même
et de lopérateur radio à lavant du bateau pour sortir
les premiers. Deux pelotons de mitrailleuses, un de chaque côté,
devaient suivre. Le premier chef de peloton était le sergent Deam Rummel,
de Cherry Tree, Pennsylvanie. Et le second chef de peloton était le sergent
James N. Haughey de Sheridan, Indiana. Venait ensuite le personnel de la compagnie
de commandement ; les messagers, les radios, et notre commandant de compagnie
en dernier pour sassurer que tout le monde était descendu. Nous avions
suivi ce schéma de nombreuses fois à terre à Lyme Regis.
Nous formions une ligne sur le sol avec des poteaux et des rubans de la même
taille que notre barge de débarquement. Ceux sur les côtés
se déployaient chacun de leur côté et mettaient les mitrailleuses
en batterie. Cest ce que nous faisions à lentraînement.
A présent cétait pour de bon. Je
pouvais voir que les choses tournaient mal à mesure que nous ralentissions
pour débarquer. Certains bateaux revenaient après avoir déchargé,
dautres étaient en partie remplis deau, mais luttaient toujours.
Dautres étaient bloqués, échoués, emballant
leurs moteurs et nallant nulle part. Dautres encore reculaient un
peu et réessayaient. La coordination pour le débarquement à
intervalles réguliers était aussi perturbée que le temps.
Un fiasco. Quand nous arrivâmes, une partie de la vague dassaut débarquait
comme nous. Nous étions censés débarquer vingt minutes après
la vague dassaut. On sut par la suite que la vague dassaut était
en retard et que nous étions en avance. Le mot confusion ne suffirait pas
à décrire tout ceci. Débarquer dans ces conditions qualifia
notre compagnie de vague dassaut et nous gratifia dune autre flèche
de bronze pour notre ETO Ribbon et des feuilles de chêne pour notre citation
dunité. Je regardai souvent
par-dessus bord pendant ces dernières minutes. Nous avancions lentement
à cause dune autre barrage et des obstacles que le pilote devait
éviter. Je vis des coups directs frapper une barge encore loin de la plage.
Je doute que ceux qui étaient à bord et qui nétaient
pas blessés aient réussi à atteindre le rivage. Je vis des
barges sur le côté, retournées, et déchargeant leurs
troupes dans leau. Jen vis dautres sévèrement
endommagées par les obus et chahutées par les vagues. Jen
vis dautres encore vides dhommes et en partie remplies deau
comme abandonnées dans le ressac. Des hommes étaient au milieu de
tout ça, luttant pour la protection dérisoire donnée par
ces barges. Autant que je me souvienne
de mes sentiments durant ces deux dernières minutes, je devins très
calme et janalysais les choses étonnamment bien. Je gardais un il
sur mes hommes, massurant quils restaient courbés, à
leur place et prêts. Je me souviens combien le pilote était calme
et concentré en menant notre barge. Je ne saurais être assez reconnaissant
envers cet homme. Je pense souvent quil ma apaisé. Il est surprenant
que si peu de balles de mitrailleuses aient atteint notre barge. Je navais
de cesse de déceler le bruit de leur impact car elles passaient au-dessus
de nos têtes et frappaient leau autour de nous. Cest peut-être
lapproche directe vers la plage qui fit de nous une cible plus petite. Le
pilote fit un superbe travail. Jappris plus tard quil avait été
blessé en retournant au Samuel Chase. Je
ressentis quelque chose que je reconnaîtrais plus tard comme étant
de la responsabilité. Je le pensais en sortant autant dhommes que
possible, en position de sécurité sur la plage, et en formation,
cétait mon plus grand souci. A mon dernier coup dil par
dessus bord quelques secondes avant que la rampe ne sabaisse je vis de nombreux
corps sans vie à la surface de leau. Je vis des blessés luttant
contre le puissant ressac. Je vis des hommes sagenouiller et se coucher
dans leau ne laissant dépasser que leur tête pour la protection
que ça leur procurait. Je crois que ces hommes étaient figés
par la peur, incapables de bouger parce quils commençaient à
se rapprocher de la plage avec la marée montante. Ils étaient inutiles
à ce moment là car ils navaient plus darmes. Ils encombraient
juste un peu plus la plage, entravant le mouvement. A ce dernier coup dil
je décidai quoi faire quand la rampe sabaisserait. Je dis aux deux
chefs de sections de se déployer et de foncer droit devant. Il
y avait une grosse casemate à notre droite au niveau de la plage et au
pied dune falaise à pic. Devant nous une sortie qui je crois était
désignée par E1 sur notre carte. A notre gauche une colline avec
au pied létang que nous devions traverser comme on nous lavait
dit à lentraînement. La
casemate avait de gros blocs de béton arrachés juste au-dessus de
son ouverture gauche. Il y avait des volutes de fumée encore visibles.
Le bombardement naval venait juste de sachever. Jentendis les obus
siffler et sécraser tout près quand nous débarquâmes
et je crois quils touchèrent la casemate. Cest
par hasard que je rencontrai un homme lannée dernière à
notre bureau qui était sur un destroyer à ce moment. John A. Fonner,
Jr. de Largo, Floride, était observateur sur la tour de contrôle
dun destroyer assigné au support de linfanterie ; les observateurs
côtiers passèrent la plupart de leurs cibles. Ils ne pouvaient pas
voir à travers la poussière et la fumée pour délivrer
un feu direct mais je donne à la Marine le crédit du succès
de linvasion. Leur mission était de croiser le long de cette portion
de côte ratissant la plage devant nous avec autant de puissance de feu que
possible. John me dit quils tiraient 38 obus de cinq pouces au rythme dun
obus toutes les quatre secondes. Je crois que ce feu nous a procuré lassistance
nécessaire pour nous organiser. Quand
la rampe sabaissa nous étions agenouillés. Le soldat Galenti,
lopérateur radio, et moi nous levâmes pour sortir en premier.
Après deux ou trois pas jobliquai vers la droite. A cette seconde
Galenti fut touché par ce que je pense être un tir de mitrailleuse
car il paraissait y avoir plus dune balle. La radio fut touchée aussi
et des fragments senvolèrent. Galenti tomba sur la rampe. Le feu
semblait provenir de la gauche. Jétais peut-être à deux
pieds devant lui ce qui mévita dêtre touché par
la même rafale. Je ne me rappelle pas avoir eu les pieds dans leau.
Cet épisode peut être visionné sur une cassette vidéo
intitulée « True Glory ». Je croyais que cet enregistrement
était de notre barge jusquà ce que japprenne récemment
que le numéro de barge nétait pas assigné au Samuel
Chase. Lincident tel quil est filmé est si proche de ce qui
nous est arrivé que jai envoyé des copies de la cassette à
deux membres de notre équipe de débarquement et ils étaient
daccord avec moi jusquà ce que nous apprenions une version
différente. Le PFC Stephen Cicon de Coopersburg, Pennsylvanie est daccord.
Il était le deuxième homme à sortir après moi et partageait
le même avis. La rafale qui toucha
Galenti passa entre Steve et moi. Lautre homme qui confirme est le soldat
Arthur Schintzel de Williamsburg, Virginie. Il était le quatrième
homme à sortir de notre côté et il confirme que lenregistrement
coïncide très bien avec ce qui sest passé. Lhistoire
dArthur sarrêta presque ici. En sortant il obliqua à
droite, vers un char détruit, pensant quil lui offrirait une protection.
Hélas ! Un tireur allemand surveillait le char. Il pense quil sagissait
dun tireur isolé parce que quelques balles seulement furent tirées
dans sa direction. Il fut touché et sécroula. Il resta à
terre jusquà ce quil estime quil serait plus sûr
davancer. Il se releva et fut cloué au sol de nouveau. Cela se répéta
plusieurs fois et il ne sen souvient pas. Il resta inconscient un moment.
Je nai pas revu Arthur pendant quarante ans, pensant tout ce temps quil
était mort. Je restais sur la droite
à quelque distance, cherchant un abri. Je me dirigeai vers un obstacle
fait de ce qui semblait être des rails soudés ensemble. Cela me rappela
les « balls and jacks » auxquels nous jouions enfants. La plage était
très lisse ici, soulignant labsence des cratères dobus
quon nous avait promis. Je magenouillai près des obstacles
pour regarder autour de moi. Entre la barge et cet endroit ma seule pensait était
: « Quest-ce qui me fait tenir debout ? Je dois être touché.
Quest-ce quon ressent quand on est touché ? » Trop de
balles fendaient lair pour ne pas être touché. En traversant
la plage je sentis des impacts sur mon pantalon à plusieurs reprises. En
regardant plus tard je trouvai trop daccrocs et de déchirures pour
les identifier comme des impacts de balles. Je pense quil est possible pour
des balles de passer assez près pour aspirer vos vêtements. Des balles
passant si près produisent un sifflement quand elles passent. Celles que
vous entendez ne sont pas celles qui vous touchent. Il y a un autre enregistrement
que jai vu à la télévision deux ou trois fois, en général
au moment des commémorations. Je lai vu la première fois au
40ème anniversaire présenté par Walter Cronkite. Jai
essayé de vain de louer cet enregistrement ou de le copier au format VHS.
Il illustre encore mieux lagenouillement près des obstacles. Ce film
montre mes actions comme je men souviens et jaimerais savoir si, en
fait, il sagit bien de moi. Je ne suis pas resté longtemps près
de lobstacle. Les balles pleuvaient et frappaient le sable à mes
pieds. Quest-ce qui me tenait debout ? Je pouvais voir les balles frapper
le sable en gerbes et ricocher devant et autour de moi. Je pense que les balles
étaient tirées de loin car elles semblaient avoir perdu de leur
énergie et je pouvais difficilement entendre leur sifflement. Javisai
les galets, une sorte de levée parallèle à la plage. Beaucoup
dhommes étaient couchées derrière. Semblant être
la seule couverture, nous nous dirigeâmes vers elle également. Dès
que jatteignis la sécurité des galets jappelai les sergents
Rummel et Haughey et ils répondirent très près sur ma droite.
Je leur demandai si eux et les hommes étaient OK et ils répondirent
oui sans mentionner le soldat Schintzel, je ne sus donc pas quil manquait
à lappel avant quelque temps. Je
ne crois pas que la durée des évènements serait très
précise, donc je vais narrer les faits comme ils se sont passés.
Nous avions directement foncé vers les galets sans perdre de temps. Nous
passâmes devant des hommes dans leau qui furent remontés jusquaux
galets par la marée. Cétait presque marée basse lorsque
nous débarquâmes et presque marée haute quand nous quittâmes
la plage. Nous atteignîmes labri temporaire des galets et nous nous
blottîmes entre les autres déjà là. Comme la marée
montait dautres arrivaient pour se blottir avec nous. Notre secteur de plage
semblait relativement plus sûr, mais seulement si vous restiez couchés
derrière les galets. Plusieurs
fois après des rafales de mitrailleuses ou des obus sécrasant
tout près jappelai Rummel et Haughey, demandant sils étaient
OK et ils répondaient oui. Une fois jeus la réponse de Donald
A. Heap dAtlanta, Géorgie. Dale était le comique de notre
section. Son commentaire était sérieux, mais risible à nimporte
quel autre moment. Il dit : « Sergent, combien de temps on va rester accrochés
à cette merde ? On va se faire tuer ici. » Comme si je pouvais y
faire quelque chose. La plupart du temps
derrière les galets nous gardions face contre terre. Les galets sont de
petites pierres qui ressemblent aux cailloux des rivières et qui ont été
dressés comme un talus. Ils étaient lisses et surtout plats, idéaux
pour faire des ricochets sur un ruisseau en rentrant à la maison. Mais
ces pierres éclatent comme des grenades quand elles sont frappées
par une balle et nous devions nous protéger le visage des éclats. Au
sommet de la levée de galets, il y avait du câble. Il faudrait le
faire sauter. Cétait un autre échec des roquettes tombées
trop court. Nombre de fois des appels
résonnèrent à ladresse des membres de la compagnie.
Des efforts étaient faits pour se regrouper sans vraiment de succès.
On ne pouvait pas juste répondre « Ici ! », se lever et rejoindre
celui qui vous appelait. Vous ne pouviez même pas rouler au-dessus de lhomme
à côté de vous. Vous auriez été trop haut et
vous étiez sûrs dêtre touchés. Il fallait ramper
en arrière et sur le côté comme un crabe en gardant la tête
vers la levée de galets. Cela ne vous donnait pas beaucoup de protection,
car beaucoup dhommes furent touchés en essayant de se déplacer
latéralement pour se regrouper. Tout mouvement perçu au-dessus de
la levée de galets attirait le feu ennemi, à la fois des fusils
et des mitrailleuses. La marée nous léchait maintenant presque les
pieds. Des cadavres surnageaient et je pensai : « Cest le moment de
faire quelque chose, mais quoi ? » Relever la tête déclencherait
le feu ennemi. Des tirs sporadiques dartillerie sintensifiaient. Il
ny avait à lévidence aucune issue en arrière,
uniquement devant. Je commençai à lever et abaisser la tête
par à coups pour jeter quelques coups dil très rapides.
Je pouvais voir une étroite mare devant avec des herbes de marais. Entre
la mare et nous il y avait le fil tendu sur le talus, et au-delà il y avait
une clôture de trois rangs de fil. Après létang il y
avait une autre clôture. Il y avait un panneau sur la clôture qui
était en allemand, mais je compris deux mots : « Achtung Minen ». La
colline arrondie devant nous sélevait distinctement depuis lautre
rive de létang, presque en forme de boule, se terminant sur notre
droite vers lintérieur des terres. Sur la droite il y avait un haut
plateau aussi loin que lil pouvait voir, et qui ressemblait de plus
en plus à une falaise avec la distance. Il
semblait à ce stade que je pouvais sortir la tête sans attirer le
feu venant de notre droite, comme nous en avions reçu du haut de la falaise
et des tranchées au-dessus de la grosse casemate. Il ny avait que
des tirs sporadiques. Cela sétait calmé. Le pied de la colline
devant nous commençait à paraître sûr et engageant.
Je pensais que ce serait juste une petite course dans létang à
travers un léger feu ennemi latéral en provenance de la casemate
de droite pour nous mettre hors de vue. Cela fonctionna comme dans les manuels,
mais avec une aide inattendue et en étant au mauvais endroit au bon moment.
Ces faits peuvent être corroborés et jai la conviction que
cest la première fois quils sont révélés. Laide
inattendue vient dun homme de petite taille, poussant une longue torpille
Bangalore sous le câble du talus. Je ne sais pas doù il venait
; soudain il était là à quelques pas sur ma droite. La torpille
était en deux parties. Il sexposa pour placer la première
sous le câble. Je réalisai ce qui se passait et appelai Rummel et
Haughey qui répondirent. Je criai « On y va ! » Ils ont dû
comprendre pour répondre aussi rapidement. Lhomme
à la torpille sexposa de nouveau pour fixer la seconde moitié
de la Bangalore. Puis il inséra avec précaution le détonateur,
tourna la tête à gauche (dans ma direction) puis en arrière
pour voir sil pouvait reculer. Il tira la ficelle du détonateur et
bondit en arrière. Je me préparai pour le sprint en avant mais rien
ne se passa. Le détonateur navait pas fonctionné. Après
quelques secondes lhomme rampa calmement vers lavant sexposant
de nouveau. Il retira le détonateur défaillant, le remplaça
par un autre et commença à répéter les premiers mouvements. Il
tourna la tête dans ma direction, regarda en arrière, tira la ficelle
et fit seulement deux mouvements en arrière quand il tressaillit, et ferma
les yeux comme il regardait dans les miens. La mort fut si rapide pour lui. Ses
yeux semblaient questionner ou implorer. Sa tête était peut-être
à trois pieds de lexplosion mais ne fut pas touchée. Aucun
tir des Allemands pendant deux ou trois minutes avant et si seulement deux secondes
après, qui sait. Ma tête était à trois ou quatre pieds
de la torpille et jétais près du passage quelle ouvrit
dans le câble. Mes hommes furent derrière moi mieux que jamais auparavant
à lexercice. Je fonçais à travers les câbles
en sautant juste comme ne le faisions à la course dobstacles. Je
courrais tellement vite que je ne savais pas quoi faire de la clôture avant
de me retrouver devant. Je plongeai littéralement à travers dans
un plongeon latéral. Difficile à croire, jévitai complètement
ces fils. Aucun narracha ni ne déchira mes vêtements ni ma
peau. Jétais dans la mare en lespace de dix secondes avec tous
mes hommes sauf Schintzel et Galenti. Les troupes sur la plage semblaient se retenir
mais plus pour longtemps. Ils nous battirent presque au sommet de la colline. Létang
était plus profond que je ne le pensais, mais nous avions été
entraînés à ne pas jeter nos bouées gonflables dans
cette optique. Je neus pas besoin de gonfler la mienne, mais quelques hommes
le firent. Je me sentais plus en sécurité avec seulement la tête
et les bras au-dessus de leau. Jétais le premier à sortir
de létang et comme je marrêtai pour enlever la bouée,
je regardai vers larrière pour voir comment les hommes sen
tiraient. Jentendis appeler mon nom et je me retournai pour voir Dale Heap
à peu près à mi-parcours de la traversée de létang.
Dale était premier tireur dune des mitrailleuses. Il tenait son bras
au-dessus de la tête et montrait son trépied de mitrailleuse. Il
disait « Regardez ! Je nai pas lâché le trépied
non plus ! » Toujours le comique, il était en train de rire. Il avait
été touché dans le haut du bras, une bonne blessure dans
la chair. Il tendit le trépied
à son deuxième tireur, le premier porteur de munitions prit la mitrailleuse
et nous avions une promotion au combat juste ici au beau milieu de létang.
Dale nous salua avec le bras et fit demi-tour vers la plage. Nous avions maintenant
trois hommes de la section hors de combat. Ce fut la dernière fois quon
entendît parler de Dale jusquà ce quen 2001 je retrouve
son fils Dale Jr. qui vivait près dAtlanta, Géorgie. Son fils
me dit quil avait reçu deux blessures sur la plage, ce qui voulait
dire quil avait été touché de nouveau avant dêtre
évacué. Il était mort depuis trois ans quand jai finalement
retrouvé son fils. Je passai la
clôture et pénétrai dans le champ de mines. Je ne vis pas
le panneau. Il était cloué sur un poteau de la clôture nous
tournant le dos. Cela nous ralentit mais pas trop. Les mines avaient été
placées depuis si longtemps que lherbe au-dessus était morte,
facilitant le repérage des plus grandes. Il y en avait de plus petites
comme des tabatières plus difficiles à trouver et des mines avec
des câbles tendus. Le meilleur chemin
menait à gauche le long de la clôture. Jouvrais la marche et
avais pris peut-être 50 yards davance [environ 45 m] quand un homme
que je ne connaissais pas passa en courant. Il me dépassait denviron
15 yards [environ 14 m ] quand il déclencha une mine placée à
hauteur de poitrine sur un poteau de la clôture. Elle le coupa en deux et
méclaboussa. Je fus malade chaque fois que jy repensais pendant
des jours. Cela nous ralentit encore. Tout le monde semblait ravi de me laisser
choisir le chemin pour le moment, aussi je décidai dobliquer vers
la colline. Aux deux tiers environ de lascension des hommes que je reconnus
comme étant de la compagnie B commencèrent à passer et à
se déployer sur la gauche. Un autre homme de la compagnie B passa devant
moi. Après quelque distance, il marcha sur une mine qui lui explosa le
talon. Les infirmiers ne lavaient pas encore rejoint et il essayait de retirer
ce qui restait de sa chaussure quand je repris la progression. Son nom était
William Boyd, et à cause de sa taille, nous lavions surnommé
Wee Boy [Petit Garçon]. Il était estafette à la deuxième
section, et pensant que son chef de section était devant, il essayait de
le rejoindre. Il ne savait pas quil ny avait simplement personne devant
nous. Une autre pause me permit de me
retourner vers la plage. Les hommes se ruaient désormais à travers
la brèche par laquelle nous étions passés. Par hasard je
regardais à notre gauche quand une seconde torpille fit sauter le câble
à 300 ou 400 yards [denviron 274 à 366 m] de lendroit
où nous étions. Les hommes commençaient à progresser
par cette brèche aussi rapidement que nous lavions fait. Je crois
quil furent les premiers à passer la clôture dans cette zone.
Les rapports des Gardes-Côtes ne mentionnent quune seule explosion
dans ce secteur. Je pense que cest là que le lieutenant Spaulding
est passé, ce qui est enregistré dans une interview avec lui. Moi
et mon sergent de section vîmes lexplosion de cette sortie depuis
le somment de la falaise. Je ne peux expliquer
pourquoi jobliquai légèrement à droite à ce
moment, mais je suivais un meilleur chemin au milieu des mines. Au bord de la
colline le chemin menait à des tranchées. Remarquant des pistes
en bas je les considérai comme sûres et my engageai pour voir
où elles menaient. Jétais armé dun fusil muni
dun lance-grenade. Je poussai le cran de sûreté, car je savais
que si je tombais face aux Allemands je naurais certainement pas le temps
de le faire avant de tirer. Avec la grenade pointée vers les tranchées,
je me penchai au-dessus des tranchées et allai jusquau bout sans
voir un Allemand. Les tranchées
suivaient le bord vers lintérieur des terres. En très peu
de distance on pouvait regarder de lautre côté et en contrebas
dans les tranchées surplombant la grosse casemate. En revenant aux hommes
que javais laissés pendant mon repérage des tranchées
nous remarquâmes du mouvement dans celles qui se trouvaient de lautre
côté. Les Allemands sortaient ce qui semblait être des caisses
et des cartables dun abri sous-terrain au bord de la falaise surplombant
la gosse casemate. Ils utilisaient les tranchées menant vers lintérieur
des terres, loin de labri. Ils posaient les choses au bout de la tranchée,
en prenant dautres pour les ramener à labri. Ils semblaient
échanger des choses ; peut-être des caisses de munitions vides contre
des pleines, je ne savais pas. Je fis
mettre une mitrailleuse en batterie et fis ouvrir le feu sur eux. Cétait
hors de portée pour une grenade à fusil et jenlevai la mienne
pour tirer également. Je vis plusieurs Allemands tomber, la surprise était
totale et les autres couraient vers labri. A ce moment un homme que je reconnus
comme étant lun des nôtres surgit juste derrière la
tranchée et jeta une grenade dans labri. Il était arrivé
par la falaise sur le côté ouest de labri. Je crois que lhomme
réalisa que nous tirions sur les Allemands et non pas sur lui parce quaprès
avoir jeté la grenade il fit signe à dautres hommes qui apparurent
et jetèrent des grenades également. Les Allemands commencèrent
alors à sortir avec des drapeaux blancs et les mains en lair. Un
des pelotons de mitrailleuses avait continué davancer pendant ce
temps et le peloton qui avait ouvert le feu cessa de tirer pour le rejoindre,
car le premier peloton était hors de vue. Je leur ordonnai de les rattraper
et marrêtai un instant, regardant la scène en contrebas. Les
hommes fouillaient labri et les tranchées. Soudain des Allemands
surgirent par derrière là où ils avaient échangé
les caisses. Jouvrai le feu sur eux et ils bondirent, levèrent les
bras et se dirigèrent prestement vers les hommes qui nettoyaient les tranchées.
Ces hommes ne savaient pas que les Allemands étaient là. Ils sempressèrent
de vérifier sil y en avait dautres. La
situation sur la falaise que javais suivie depuis lautre côté,
semblait être sécurisée et comme je partais pour rattraper
ma section, un mouvement attira mon attention. De nulle part surgit un véhicule.
Il fonçait vers les terres avec ce que je supposai être deux soldats
allemands courant après pour le rattraper. Daprès ce dont
je me souviens un soldat conduisait, un autre était juste derrière
lui, et un autre qui se cramponnait mais qui était surtout drogué
; essayant de monter à bord, avec un autre qui les rattrapait quand je
les vis. Il semblait que le dernier homme allait être abandonné,
mais le véhicule dût ralentir pour négocier un virage à
droite, et le dernier homme put se rapprocher suffisamment pour attraper la main
tendue par celui qui venait juste de monter. Lhomme à bord avait
une jambe à lintérieur et une en dehors du hayon pour pouvoir
atteindre lautre. Lhomme derrière le conducteur paraissait
juste regarder. Celui à larrière réussit à saisir
le dernier homme et laida à monter partiellement à bord, lagrippant
et étant lui même agrippé par lautre tandis que le véhicule
disparaissait dans les broussailles. Le
véhicule était un semi-chenillé qui fonçait vers les
terres quand je laperçus. Une chose qui reste marquée dans
mon esprit est un arbre solitaire haut de peut-être 15 à 20 pieds,
et dont le véhicule semblait provenir. Il y avait très peu de broussailles
entre les tranchées sur la falaise et cet arbre. Les Allemands qui avaient
tenté de prendre par surprise nos hommes nettoyant les tranchées
quelques secondes auparavant étaient arrivés du même endroit. Le
semi-chenillé était plus petit que les nôtres et autant que
je men souvienne navait pas un compartiment profond. Il me semble
quil ny avait pas de séparation derrière le conducteur,
mais je ne men rappelle plus très bien. Je ne me souviens pas si
le hayon sabaissait, mais il semble que les côtés du compartiment
étaient de la même hauteur, mais je ne peux pas le jurer. Jeus
juste le temps dépauler mon fusil. La scène ne dura en tout
que quelques secondes et je ne tirai aucun coup de feu. Cela nattira pas
lattention des hommes qui avaient investi les tranchées. Jai
établi depuis que les hommes qui prirent le sommet de cette falaise étaient
de la 29ème division. Je commençai
à suivre le peloton mais ils étaient hors de vue et je ne pouvais
voir personne devant. Il semblait que tout le monde sétait évanoui.
Je rebroussai chemin jusquà ce que japerçoive de nombreuses
troupes obliquant vers ma gauche. Ils quittaient la plage à vive allure.
Je pouvais maintenant voir la plage. Elle était encombrée de véhicules
et de troupes. Les troupes pénétraient dans les terres. Un tir sporadique
dartillerie allemande se déclencha et je crois que cétait
du 88 mm. Un camion de 2.5 tonnes chargé
de bidons dessence qui roulait le long de la plage reçut un seul
obus dun canon tirant au hasard. A une ou deux secondes près il laurait
manqué. Il y eut une énorme explosion. Les plus gros morceaux restant
étaient la carcasse carbonisée dans le sable et une seule roue,
continuant de rouler sur la plage comme si rien ne sétait passé.
Ce fut mon dernier regard vers la plage car je me dirigeai vers les terres. Jallai
vers les hommes qui avançaient et leur demandai où était
la compagnie B. Ils me répondirent devant, mais il me fallut presque 24
heures pour les rejoindre. Je débouchai
sur une route non pavée et demandai où étaient la compagnie
B ou le Premier bataillon et on mindiqua une route sur la droite. Je nétais
pas engagé très loin sur la route quand je réalisai quil
ny avait personne dessus. Je pris à gauche à la route suivante
et là la route était complètement déserte. Il commençait
à faire sombre et soudain au milieu de la route je tombai nez à
nez avec ce que je crus être un char Tigre. Jai appris depuis que
cétait plutôt un canon automoteur. Je me figeai. Il me fallut
quelques secondes pour réaliser quil était hors détat
de nuire. Je dus réagir bizarrement car jentendis un gloussement
provenant du fossé le long de la route. Cétait un avant-poste
de parachutistes, juste cinq ou six hommes de garde pour la nuit. Le gros de leur
effectif était plus loin sur la route. Ils dirent que des gars à
eux avaient détruit le char. Ils me suggérèrent de ne pas
aller plus loin, car ils avaient encore des hommes sur la route et ils nutilisaient
aucun mot de passe. Ils utilisaient le désormais célèbre
criquet. Je passai la nuit dans le fossé avec eux. Plusieurs fois dans
la nuit jentendis des échanges de criquets quand dautres éléments
les rejoignaient. Je fus surpris de la proximité de certains appels. Ce
sont les troupes les plus silencieuses que jai jamais entendues. Jappris
que javais passé la nuit à portée de voix de ma compagnie
quand je la rejoignis. Je rattrapai la compagnie juste au sud de Colleville. Nous
passâmes lessentiel des cinq premiers jours en réserve du bataillon.
Je me souviens avoir pris la direction dune zone boisée pour la nuit
et qui je crois était près de Balleroy. Au milieu du secteur nous
trouvâmes un homme et femme dâges mûrs avec une jeune
femme denviron vingt ans. Ils étaient allongés sur le dos,
les pieds se touchant presque, et les têtes tournées vers lextérieur,
comme une étoile à trois branches. Ils étaient en tenue de
cérémonie. Lui en costume, elle en robe noire, et la fille portait
une robe blanche brodée de fleurs roses sur le devant. La moitié
des trois corps était envolée. Les autorités locales, du
village que nous pouvions voir un peu plus loin, furent amenée sur place
et tout ce que nous pûmes en tirer cétait quil sagissait
dun suicide. Ils sétaient simplement serrés tous les
trois avec une grenade à manche allemande au milieu. Le manche de la grenade
était encore par terre. Ils étaient soupçonnés de
collaboration avec les Nazis. Il y avait aussi une fille plus jeune grièvement
blessée mais encore en vie. Le sergent Haughey la pansa de son mieux avec
son propre nécessaire de premier secours. On appela les infirmiers et ils
lemmenèrent. En supposant
que ces déclarations soient exactes et quil ny avait aucune
troupe américaine devant notre équipe, nous fûmes les premiers
à franchir le câble dans cette zone et un important élément
de contribution à la reddition des retranchements à louest
de E1. Ces emplacements contrôlaient la plage là où nous débarquâmes
et nous causèrent le plus de pertes. Le
film Le Jour le plus long montre la destruction du câble comme je lai
racontée, mais le film la situe à un endroit bien différent
de la plage. Il la situe au milieu des falaises et des rochers avec un tronc darbre
comme protection. Notre plage était différente avec du sable et
des galets. Cela ma déconcerté, car jai vu le film.
Deux évènements aussi similaires sont difficiles à accepter
pour moi. Je sais que les films sont dramatisés mais je nai entendu
aucun nom mentionné dans le film que jai reconnu. Peut-être
ont-ils utilisé des noms fictifs, mais les nôtres sont réels
! Ma seule excuse est que jai toujours pensé que lhistoire
ne serait pas acceptée et que je serais embarrassé. Je nai
jamais cru bon de le dire jusquà présent. Le
film Il faut sauver le soldat Ryan illustre bien la scène où le
premier homme franchit le câble, en suivant une torpille Bangalore qui ouvre
une brèche dans le câble, et notre dernier livre dhistoire
régimentaire du 16ème dinfanterie (Blood and Sacrifice) me
désigne comme étant cet homme. Addition
; 20 mars 2005 Jai commencé cette histoire en 1990, avant dentamer
des recherches sur Omaha Beach. Les films mentionnés nidentifiaient
pas à mon sens les unités concernées. Jai depuis identifié
lunité comme étant la 29ème Division dinfanterie
dans les deux films. Cela se passa sur Dog Green. Un événement très
semblable eut lieu sur Easy Red. Ceci est mentionné dans le livre du 16ème
dinfanterie intitulé The Fighting First. Voilà qui explique
la situation. Harley A. Reynolds (20
mars 2005) Traduction réalisée par François Oxéant.
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