 | Dale
Q. Gregory 1st Platoon - H Co. - 501st Parachute
Infantry Regt. - 101st A/B Division
| Notre Drop Zone était
la DZ "C". Notre objectif consistait à protéger le CP de la Division
(101ème Airborne), et de nous tenir en réserve, prêts à
toutes situations qui se présenteraient. Notre vol avait probablement suivi
en parallèle une ligne depuis le Port jusqu'à Hiesville, et nous
avions certainement été largués trop tôt. Et probablement
très loin de cette ligne au point d'atteindre la rive sud de la Douve.
Ce n'est qu'au lever du jour que nous rejoignîmes la proximité de
Le Port, qui apparait sur la carte de Ste Mère Eglise. La
Douve semble s'écouler vers le Sud Est en cette partie, puis vire carrément
au sud en bas de la carte. Ceci explique que le 16ème homme de notre stick
ait atterri de l'autre côté de l'eau. Les
Allemands dans cette zone semblaient alertés, car notre éclaireur,
"Lavern French" fut fait prisonnier. Plus tard, on nous a tiré
dessus à la mitrailleuse alors que nous traversions une route. A la suite
de cette fusillade, notre section s'est trouvé séparée. Alors
que le soleil commençait seulement à éclairer cette matinée,
nous aperçûmes une patrouille allemande derrière une petite
haie. En y repensant, cette patrouille avançait en bordure de la rivière,
derrière une haie qui courrait parallèlement à celle ci.
Nous avons progressé derrière la haie jusqu'à ce que nous
rencontrions une ouverture. Mc Mullen, Paraseau et moi avions juste franchi l'ouverture
quand une autre patrouille apparut le long de la digue. On s'est immobilisé,
en espérant ne pas être vu dans la faible lumière de l'aube,
mais ce ne fut pas le cas. Alors bien sûr, nous avions pour instruction
de nous défendre, mais nous étions aussi entraînés
à nous battre au sein de notre unité, et donc de ne pas commencer
notre propre petite gueguerre mais de rejoindre notre point de rassemblement à
tous prix. Au moment où nous fûmes
repérés, Mc Mullen a ouvert le feu avec sa mitraillette. J'ai jeté
un oeil et j'ai vu la patrouille s'aplatir. J'ai balancé une grenade. Je
pense que Mac a pensé qu'on les tenait à notre merci car il a dit
"Foutons le camp d'ici". Comme Mac et Paraseau étaient les plus
proches de l'ouverture de la haie par laquelle nous étions arrivés,
j'ai attendu quelques secondes puis j'ai balancé une autre grenade. J'ai
attendu qu'elle explose, puis je me suis précipité dans l'ouverture
de la haie et suis tombé sur Mac qui se débattait, empétré
dans la haie avec sa mitraillette. Alors, je lui ai donné une bonne poussée
et c'est là que tout est arrivé, d'un seul coup. Mac est tombé
en avant et ses pieds étaient plus haut que mon visage. L'allemand derrière
nous sur la digue a ouvert le feu avec sa mitraillette. J'ai senti comme si on
arrachait ma carabine de mes mains et une brûlure aigüe sur la droite
de mon visage (ma joue). Je suis alors tombé sur Mac et j'ai eu un moment
de panique. Je me suis relevé et j'ai piqué un sprint, tout en palpant
ma joue droite pleine de sang. Je courrais plus vite que mes jambes, trébuchant
et roulant sur moi-même. Je pensais que j'avais probablement un trou dans
la tête. J'ai jeté mon casque et je me tâtai le crâne
à la recherche de ce trou qui devait être là. Quelques
deux cent mètres plus loin le long de cette même haie, j'ai ralenti
pour permettre à Paraseau de me rejoindre. Il a dit : "Tu devrais
bander cette blessure". Et je voyais dans la faible lumière qu'il
observait ma main droite. C'est à ce moment que j'ai vu l'entaille tout
au long de mon poignet droit, d'où jaillissait encore du sang. J'ai compris
alors que la balle qui m'avait atteinte à la joue droite avait également
cisaillé les vaisseaux de mon poignet droit. Soulagé
que ce n'était pas la tête, mais seulement mon poignet droit qui
était atteint, j'ai dit : "Oui, je pense que tu as raison." J'ai
essayé d'attraper mon First Aid Kit de ma ceinture avec ma main gauche,
mais quelque chose clochait. Je n'arrivais pas à m'en saisir. J'ai porté
ma main gauche devant mes yeux et je fus très étonné de contempler
l'os de la première phalange de mon pouce. Mon index pendait sur un côté
et le majeur de l'autre. c'était stupide de ma part mais j'ai essayé
de les remettre en place, avant de réaliser que les os auxquels ils étaient
rattachés avaient aussi été en partie emportés. Et
bien, je me suis injecté une dose de morphine et nous avons commencé
à bander mes mains. C'est alors que nous avons été interrompu
par une douzaine d'allemands. Ils nous ont dépouillé de tout sauf
de nos dog tags et de nos uniformes. Ils nous ont fait mettre les mains sur la
tête et nous ont emmené vers un poste de commandement ou une infirmerie
à un environ un petit kilomètre. Il y avait là quelques gars
à eux blessés par des éclats d'obus et on a passé
un moment à faire des bandages. J'ai dû m'évanouir à
ce moment et quand je me suis réveillé, il y avait un Medic à
nous qui essayait de me transfuser du plasma, mais sans y parvenir. Il a laissé
tomber. Un peu plus tard, ils ont attrapé
Mike Kinzer qui avait été séparé de notre groupe lorsque
qu'on nous avait tiré dessus à l'embranchement plus tôt dans
la matinée. L'après-midi, ils nous ont fait grimper, Kinzer, Paraseau,
le Medic et moi dans un camion débâché et nous ont conduit
vers l'arrière (ou du moins je pense que c'était l'arrière).
Ils ont déposé le medic et moi à un hôpital de campagne
et ont emmené Kinzer et Paraseau en Allemagne dans un camp de prisonniers
où ils ont passé le restant de la guerre. Bien qu'étant la
plupart du temps dans les pommes, j'ai eu le sentiment que cet hôpital était
installé dans une école ou dans un séminaire. Si je me rappelle
bien, il y avait deux étages et une église adjacente. Ils nous ont
conduit dans une chambre au second étage où se trouvait un soldat
anglais blessé (de la RAF si mes souvenirs sont bons...) le lendemain 7
juin, ils ont également renvoyé le medic vers l'arrière.
Le jour d'après, jeudi 8 juin, avec
2 ou 3 prisonniers de plus dans la chambre, un obus a explosé juste
sous nos fenêtres. Il a fait un trou dans le mur et un gros schrapnel
est entré dans la pièce. Unpeu plus tard dans la journée,
ils ont essayé de me descendre à l'étage pour examiner
mes blessures, mais je me suis de nouveau évanoui. De ce que je me
rappelle de mes blessures du Jour J, c'est que je ne cessais de m'évanouir.
Le
vendredi 9 juin, ils m'ont descendu à l'étage inférieur.
Ma main avait enflé de la taille de mon crâne et mes bandages étaient
tellement imprégnés de sang coagulé qu'ils ont dû prendre
des ciseaux pour les enlever. Ils ont indiqué les marques qui courraient
le long de mon bras et ont parlé d'amputer ma main. Je me suis de nouveau
évanoui. Ils ont juste haussé les épaules et rebandé
ma main. Le samedi 10 juin, ils nous ont
tous fait descendre dans la cour. Nous étions à présent 21
prisonniers au total. Les allemands évacuaient les lieux, en chargeant
leurs propres blessés dans des camions. Des
21 prisonniers, quelques uns appartenaient aux 101 et 82 Airborne mais la plupart
venait d'Omha Beach et peut-être les Britanniques, ou canadiens provenaient
ils de leurs propres plages? Ils nous ont fourni une charrette avec un peu de
paille en guise de matelas. Mais pas de cheval. Certains d'entre nous durent tirer,
d'autres pousser, ceux qui ne pouvaient ni l'un ni l'autre étaient dans
la charrette. Il y avait aussi six gardes pour nous surveiller. 3 d'entre eux
étaient des ados, et les 3 autres étaient plus âgés,
40 ou 50 ans. Ces gardiens n'étaient pas allemands, mais originaires des
pays de l'est. 5 avaient des vélos. On
ne s'est pas mis en route avant l'après-midi. On n'est donc pas allé
très loin quand nous nous sommes arrêtés pour la nuit, que
nous avons passé dans une grange. Le
dimanche 11 juin, nous avons atteint une intersection. Les gardiens ne savaient
pas quelle route prendre, et la moitié est partie d'un côté,
et l'autre de l'autre. Ils venaient de nous abandonner! Des français nous
ont conduit jusqu'à une carrière d'ardoises dans les environs où
nous avons passé la nuit. Le lendemain, 12 juin, des éléments
de la 1st Infantry Division, la Big red One, sont arrivés et nous ont ramené
vers Omaha Beach où nous avons embarqué à bord de LST. Le
lendemain 13 juin, nous étions en Angleterre. En
Angleterre, ils ont posé un plâtre sur mon bras et ma main gauche.
Je ne suis jamais retourné à la base de la 101ème. Je suis
arrivé dans un hôpital près d'un aérodrome en Ecosse
où je suis tombé sur Mc Mullen avec des béquilles. Il avait
été blessé au genou par le tir de mitraillette qui m'avait
blessé. Vous vous souvenez que j'avais vu ses pieds à hauteur de
mon visage quand je l'ai poussé à travers la haie. Lui, Houston
et le medic avait détalé dans la direction opposée à
celle que Paraseau et moi avions empruntée. Ils se sont cachés en
contrebas jusqu'en milieu de matinée du Jour J, puis ont traversé
la rivière pour rejoindre le Colonel Johnson et tous les autres de la mission
du jour, les ponts. Sergent Houston a été blessé au pied
par un éclat d'obus avant la fin de la campagne de Normandie. Mais il a
pu continuer à effectuer toutes les campagnes de la 101ème, se voyant
même décerné une promotion au combat avant la fin de la guerre.
De l'hopital en Ecosse, on m'a chargé
à bord d'un C 54 médicalisé comme patient valide, et le 3
juillet, j'atterrissais à New York vers les 3 heures du matin. Mon saut
du Jour J avait été mon 13ème et dernier saut. A part quelques
voyages, je ne suis pratiquement plus remonté dans un avion depuis. J'ai
épousé une infirmière de l'armée avant d'être
démobilisé. Nous avons 3 fils, 11 petits enfants, et 5 arrière
petits enfants. j'ai travaillé 38 ans pour Beech Aircraft comme responsable
de production avant de prendre ma retraite en 1989. J'ai
peur que mon temps à l'armée ne représente pas grand chose,
mais je n'aurais voulu manquer cela pour rien au monde! DALE
Q. GREGORY (7 Avril 2008) Traduction
réalisée par Denis van den Brink. |