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Harvey Jacobs
Pilot B26 - Martin Marauder - 9th Air Force - 344th Bomb Group
497th Bombardment Squadron
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Nous fûmes attachés
au 497th Bombardment Squadron du 344th Bombardment Group situé
à Standsted, Bishops Shortfort.
Vers Avril, Mai nous fûmes
chargés d'attaquer le système de transport Allemand
en touchant de plus en plus de gares de triage et de ponts, en incluant
un grand nombre sur la Seine. Bien que la réaction des chasseurs
diminuait, celle de la défense anti-aérienne était
toujours présente.
Nous réalisâmes que nous étions proches du grand
jour, mais la date demeurait un mystère. Un sentiment d'exaltation
particulier nous habitait ce matin du 6 juin parce que nous réalisâmes
que nos efforts jumelés à ceux d'autres groupes rendaient
ce jour possible.
Les Nazis avaient subi de fortes pertes, tant du point de vue stratégique
que tactique, et ils peinaient. Maintenant c'était à
nos hommes, sur le terrain d'en finir avec eux. Nous savions que
notre tâche n'était pas encore terminée et qu'il
nous faudrait couvrir et apporter du support aérien aux troupes
qui avanceraient.
Le 5 Juin 1944 tous les officiers
furent informés de porter leur Colt 45 automatique pour toutes
les futures missions. Nous allâmes nous coucher vers 24h00
et après quelques heures de sommeil nous fûmes réveillés
afin de nous préparer pour une mission.
Au briefing, la carte géante nous indiquant comment aller
vers notre cible et en revenir était, pour la première
fois, cachée aux regards indiscrets. Notre Commandant, le
Colonel Vance, dans un geste dramatique, découvrit la carte
et nous annonça que l'invasion du continent était
sur le point de commencer.
Cela y était! Le Jour-J
était là et l'invasion de la Normandie serait lancée
à 06h30 du matin avec la plus grande concentration de soldats,
marins et aviateurs de l'histoire.
Les troupes Américaines atterriraient sur les plages d'Omaha
et Utah et la tâche des groupes de B-26 serait d'anéantir
les batteries côtières de l'ennemi.
Nos cibles étaient les emplacements de canons de la plage
de Utah, spécialement la Madeleine, Beau Guillot et St. Martin
de Varreville. En tant que groupe de tête, nous devions commencer
à bombarder à l'heure H moins 20 minutes (06h10) et
toutes les deux minutes, une autre vague de bombardiers enverrait
ses "amitiés" à l'ennemi en dessous de nous.
Comme l'histoire l'a relaté, le temps ce matin-la était
horrible, le pire qu'on avait connu en 100 ans. Nous ne pûmes
atteindre notre altitude normale de croisière, la couverture
de nuages étant de 4.000 à 6.000 pieds, donc nous volâmes
plus bas que la normale.
Volant à la gauche de mon chef d'escadrille, je fus le 15ème
avion au-dessus de Utah en ce jour historique. Notre groupe de 26
avions dirigés par mon chef d'escadrille, le Colonel Del
Bentley, avait comme objectif St. Martin de Varreville. Apres avoir
déversé notre chargement destructif à 06h09,
nous nous dirigeâmes vers l'ouest au dessus de la péninsule
du Cotentin puis vers le nord en direction de l'Angleterre.
Au moment où nous
repartîmes vers l'Angleterre, nous réalisâmes
que l'heure H était arrivée et que la première
vague de troupes arrivait sur les plages.
Notre route nous amena vers
un endroit qui s'appelait "Shit-Pan Alley" (chemin merdique)
entre l' Ile d'Aurigny et la pointe Nord-ouest de la Normandie.
Ce qu'on ne nous avait pas dit au briefing c'est qu'il y avait des
installations anti-aériennes à ces deux endroits.
Nous fûmes pris dans un feu croisé meurtrier.
Notre avion de tête fut touché, et avec un moteur hors
d'état, il ne pu continuer avec la formation. Les autres
aviateurs et moi-même nous séparâmes pour permettre
à l'avion numéro 4 de prendre place avec nous et nous
guider, mais il n'en fit rien et ne se porta pas en tête de
la formation. De ce fait, je pris la place de leader et guidai la
formation pour le retour à la base. Au moment d'atterrir,
nous remarquâmes qu'il y avait des MP's partout. Ils étaient
là pour être sûrs que nous allions directement
au debriefing. Nous fûmes soumis à un interrogatoire
en profondeur et ensuite nous fûmes informés que nous
ne pouvions pas quitter la pièce qui était gardée
par des hommes armés. En fait, le haut commandement pensait
que les Allemands n'avaient pas réalisé qu'aujourd'hui
était le Jour-J et ils ne voulaient pas que nous rapportions
les événements du jour par quelque coup de téléphone
qui aurait pu être intercepté.
Comme nous étions en état d'alerte et que nous ne
pouvions aller nulle part, étant passablement fatigués,
nous nous installâmes pour somnoler sur les bancs jusqu'au
matin. Là, nous reçûmes un petit déjeuner
de sandwichs, et pour descendre ce délicieux repas, on nous
servit du lait en poudre ou bien du café si fort qu'il était
garanti de vous faire pousser des cheveux sur la plante des pieds!
Sherman avait raison, " la guerre, c'est l'enfer".
Quelque temps après,
la 2ème mission du jour fut annoncée.
La résistance Française avait fait savoir qu'une division
de Panzer avait été appelée pour renforcer
les troupes Allemandes suite à l'invasion, et leur arrivée
à la gare de triage d'Amiens était prévue aux
environs de 14h00.
Nous devions arriver quelques minutes plus tard pour être
certains qu'ils n'aillent pas plus loin. Comme le temps était
toujours très mauvais, nous volâmes à une altitude
beaucoup plus basse que la normale et évidemment, de ce fait,
reçûmes de lourdes attaques anti-aériennes.
Dès que nous eûmes largué nos bombes, la formation
entra dans les nuages espérant percer quelque part entre
12.000 et 14.000 pieds. Mais les nuages étaient tellement denses
que c'était presque impossible de voir les autres avions
de la formation. Je suis parti à 45 degrés à droite
et après quelques minutes revint à mon cap initial,
grimpant jusqu'à ce que je perce la couche à un peu
plus de 13.000 pieds. De la glace avait commencé à
se former sur les ailes et nous cherchâmes désespérément
une ouverture dans la couche de nuages pour nous en sortir sans
casse.
En quelques minutes nous trouvâmes un petit trou et y fonçâmes.
Pas de chasseur ennemi en vue, nous rentrâmes sains et saufs
à la base.
Mon temps de guerre, cependant,
fut terminé le Jour-J plus un.
J'ai effectué deux
missions le Jour-J et deux autres missions le jour suivant, me donnant
un total de 57.
Notre médecin d'escadrille, le Capitaine Harry Prudowsky,
avait remarqué que mes atterrissages habituellement sans
à-coups étaient devenus assez heurtés. Il avait
été également informé par les commandants
de vol que ma façon de voler en formation était devenue
assez irrégulière.
Le médecin ordonna un examen médical qui démontra
que j'étais atteint d'une considérable perte de poids
ainsi que d'un grand stress qui avait crée un manque de sommeil.
Pendant la première guerre mondiale, on appelait ça
'Shell Shock' (choc des obus), mais à notre époque,
c'était une réaction d'inquiétude, modérément
sévère.
Le 9 juin, l'équipage
resta au sol et le 10 juin nous allâmes au quartier général
de la 9ème Air Force pour rencontrer les médecins.
Le 11 juin, je fus interrogé par un médecin et le
12 juin, le jour de mes 22 ans, le centre médical m'informa
que je serais rapatrié dans la zone intérieure, c'est
à dire, les USA.
Presque un mois plus tard,
le 10 Juillet pour être exact, nos ordres arrivèrent
et nous partîmes pour Liverpool où nous nous embarquâmes
sur le Mauretania pour notre voyage de retour.
Harvey Jacobs
Traduction réalisée par Arlette Lessig
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